Il te semblait que cela faisait des semaines que tu n'avais produit aucune activité physique. Mis à part le strict nécessaire pour te nourrir, ce qui était étonnamment facile ces derniers jours. Probablement par des coups de chances répétés, ou le manque flagrant de difficulté de ton environnement. Tu ne savais pas vraiment pour quelle option osciller. Néanmoins, il te fallait te mouvoir définitivement aujourd'hui, pour ne pas subsister dans cet espèce d'état végétatif dans lequel tu te plongeai peu à peu, dévoré par le manque d'envie de faire quoi que ce fut. Te levant avec une dépense d’énergie relativement réduite, tu mis un certain temps à sortir de ta torpeur. Le monde te semblait étrangement irréel aux alentours. Tu avais un certain mal à te souvenir de l'endroit où tu t'endormais, ou même à réaliser que c'était tes propres pattes qui t'avaient porté en ce lieu. Et ce qui t’entourait était une zone décharnée, calcinée et abordant un visage désastreux, de par l'impact de la bombe. Tu réalisais lentement, te frottant les yeux, que tu te trouvais en ces lieux. Parce que tu avais songé, probablement, hier soir que ce n'était pas une si mauvaise idée de s’abandonner au sommeil ici bas. Probablement parce que tu ne t'ennuyais jamais à revenir à ton ancien lieu de camps, celui où il ne t'était rien arrivé la nuit passée, et que tu avançais en ligne droite sans te soucier de quoi que ce fut. Quoi qu'il arrivait à cette ligne de se tordre légèrement, de temps à autres.

Tu restas un instant, puis te recouchas. Il était rare que tu réfléchisse sérieusement à des choses telles que la guerre, l'humanité. Parce que tu étais né dans un monde comme ça, et que tu ne t'étais jamais vraiment intéressé à quoi que ce soit de ce qui était avant. Parce que ce n'était plus comme ça, et que ça ne sera jamais plus de cette manière. Alors il n'y avait pas matière à réfléchir. Si c'était un bien, si c'était un mal, les solutions, les réactions, ce n'était absolument pas important. Aujourd'hui tu vivais dans les vestiges d'un monde qui était détruit, mais tu n'allais pas rêvasser à te demander à quel point ta vie aurait pu être soigneusement parfaite dans le passé, parce que ce n'est pas ton pessimisme ambiant qui allait te dicter que tu pouvais éventuellement trouver une solution à tes problèmes. Parce que tu préférai ne pas y penser, parce que tu n'avais pas de problème qui méritait qu'on lui prononce un tant soit peu d'attention. Mais maintenant, tu réfléchissais. A ce que pouvait être cet endroit avant. Peut-être qu'il avait un jour eu un reflet bien plus agréable que celui qu'il était forcé d'aborder en ce moment présent. Peut-être pas. Ce ne fut que quelques secondes que tu consacras à tout cela, avant de réaliser que tu étais clairement entrain de perdre de ton précieux temps. Complètement réveille et vivace, tu patientas quelques minutes avant de te lever et de te mouvoir.

Les alentours étaient plutôt chaotiques, si tu pouvais le dire. Il n'y avait quasiment rien qui aurai pu te distraire de ta destination future; excepté peut-être le fait qu'un cadavre d’arbre gisait à tes pattes. Dans la direction à laquelle tu voulais te rendre. Pas que tu ne pouvais pas le contourner, le dépasser, mais tu savais que ce ne serai pas poli. Attendant patiemment que la chose se décide à se mouvoir devant tes yeux, tu perdis encore de ton temps. Parce que tu refusai de céder avant elle.Tu la fixais dans ce que tu espérai être ses yeux, même si tu n'avais aucune idée de l'endroit où ses yeux pouvaient bien être. Peut-être qu'elle n'en avait même pas, ou peut-être qu'elle n'en avait qu'un seul. Dans tous les cas, tu continuais de poser un regard inquisiteur sur elle. Mais assez rapidement, ce duel imaginaire se solda par ton échec cuisant. Et pour compenser le manque abyssal de volonté que tu mettais dans ta part des choses, tu te décidas à cesser de conserver le silence. Adoptant une posture hautaine, et fière, à ton habitude, tu soulevas la tête d'un grand geste théâtral, et baissas tes yeux sur la branche. Après l'avoir fixé quelques minutes, tu lui trouvai un certain charme, tout de même. Elle était fine, malgré qu'elle était doucement habitée par une colonie d'une espèce d'insecte que tu n'avais jamais vu de ta vie, ce qui lui donnait un côté assez mystérieux en soi. Tu miaulas :

« Eh bien, eh bien, il ne me semble qu'il est fort impoli de bloquer ainsi la route à une personne telle que moi. Voyez-vous, il est simple de raisonner ainsi; vous terrer dans un coin sombre sans jamais vous trouver dans la route d'un personnage de mon estime, au lieu de s'éparpiller sur le chemin, pour se laisser monter par une troupe d'insectes révulsante. Ce genre d'actes en public est punissable de nombre d'actes, le savez-vous bien? Je ne suis nullement d'humeur à converser avec une personne ayant un quotient intellectuel si bas qu'elle est incapable de formuler une réponse correcte, soit, je vous accorde le silence et vous souhaite de passer une agréable journée. Ailleurs. »

Tu restas devant elle, attendant un geste de sa part. Et s'il ne venait pas rapidement, tu irai l'obliger à faire quelque chose.