C'était un matin banal. Une autre journée qui se levait sur ton corps figé dans l'agonie du temps. Tu n'avais pas réussit à imiter les autres et dormir, cette nuit encore. C'était cependant quelque chose d'inhabituel qui t'interpella à ton réveil; quoi que cela faisait trop peu de temps que tu étais ici pour prétendre avoir de quelconques habitudes. Les jours se traînaient avec une lenteur ahurissante; tu te demandais souvent si Bali n'était pas une espèce d'incarnation du temps. Cependant tu ne pouvais pas passer plus de temps à essayer de divertir ton esprit, c'était par ailleurs souvent le cas ici que quelqu'un ne prenait nullement garde au silence de ton esprit et le brisait sans gêne. Les joies de la vie de groupe, tu songeais. Le Roi lui-même était venu s'imposer dans tes rêveries. Tu n'avais, après tout, jamais mieux à faire que de remplir ses demandes, et il n'était, après tout, pas si capricieux que cela, et peu absurde dans sa manière de fonctionner. C'était cela de pris.

Tu l'avais regardé dans les yeux, de ce qu'il restait des tiens, pendant qu'il parlait, t'accrochant à son regard profond et vide.

Sa demande était simple; puisqu'il s'agissait d'aller poser un entraînement en groupe. Tu n'avais jamais apprécié ce principe, mais cela était devenu quelque chose d'indispensable depuis que tu avais fait tes premiers pas ici. En tant que cerbère, cela était en réalité ancré dans ta peau désormais, et ne s'en décrocherait pas. Tu n'aimais pas la foule, et tu n'aimais pas ces jeunes qu'on te confiait; mais le roi ne te dérangeait pas; il était différent de ces espèces de petits chats.

Vous étiez accordés cependant; vous montiez les monts rocheux. Ce n'était pas vraiment qu'un entraînement, c'était aussi une jolie occasion d'aller chasser. Tu n'avais jamais réellement cherché à gravir ces montages, et cela se révélait d'autant plus dur que ton corps pesait une masse non négligeable. Si tu ressentais difficilement la douleur, c'était quelque chose de bien plus désagréable que de la souffrance; comme si tu étais une machine vivante qui voyait son engrenage bloquer. Toute la force mécanique qui te permettait de te mouvoir était faible, et plus le temps passait, plus la pente devenait ardue à monter; et plus ta lenteur prenait le pas sur ton efficacité.
Et cette frustration que tu cachais profondément; de ne pas pouvoir pousser ton corps au-delà de la douleur inexistante. Tu perdais seulement en lenteur fort heureusement, et la fatigue ne pouvait pas te ronger plus que cela; tu étais plutôt neutre à l'idée de s'arrêter, quoi que tu étais quelque part fortement éreintée.

Au bout de cette interminable période à te traîner, à prendre garde où tes pattes se posaient, avec une espèce de pression bizarre sur tes épaules, où tu faillit trébucher à force de rencontrer une terre malpropre et peu faite à ce qu'on la foule réellement; vous cessiez votre ascension sur un endroit qui semblait forgé dans la roche; fait pour cette courte pause.

Tu vis cependant une proie attirée par tu-ne-savait quel miracle; qui prenait toute ton attention, alors tu t'écartas quelques secondes du Roi sans prendre la peine de le prévenir.

Cependant, lorsque tu commençais à accorder ton corps à la souris qui se tenait devant toi, fébrilement accrochée à une racine qui sortait se terre; comme tu t'aventurais dans une zone en pente, ton poids causas la chute d'un gravas. Le bruit était mince, certes, mais cela suffit à alerter la bestiole, et à la faire aisément partir se terrer avec une vitesse relativement étonnante pour le milieu dans lequel elle évoluait. Elle ne devait pas être inconnue à cette zone, probablement; ce qui n'était pas votre cas. La situation ne t'avantageait pas vraiment.

C'était très ennuyant. Ce faux espoir te fit perdre ta concentration, et tu achevas d'un autre mouvement peu habile de faire fuir une autre souris. Tu laissas échapper un petit claquement de langue de frustration, tant la situation t'énervait. Tu conservais cependant un calme froid, comme à ton habitude. Tu bouillais certes à l'intérieur d'avoir été si stupide et maladroite, mais ce n'était rien. Ce n'était rien. Tu ressentais aussi une certaine gêne à l'idée d'avoir fait des mouvements de débutant devant le roi, mais ce n'était rien. Le terrain était ardu pour vous deux, et tu ne doutais pas que ses sabots rencontreraient également leur lot de problème.

Tu t'enfonçais cependant un peu plus profondément sur le col, sans te soucier de la position d'Alec; tu n'avais aucun doute sur le fait qu'il pouvait bien regarder cette mascarade durer un peu plus longtemps, ou se reposer, ou voguer à ses occupations. C'était là son problème.

Cette fois-ci, tu fis une rencontre fortuite puisque tu tombais sur un nid d'oiseau tombé par tu-ne-savait quel malheur. C'était presque pathétique de voir ce petit oisillon en sang, probablement à cause du choc. Il ne vivrait pas longtemps, et ce n'était pas vraiment une proie pour toi. Mais ce serait ça de mis; et plutôt que de le laisser pourrir, tu te décidas à le ramener à Alec. Après tout, il n'était voué qu'à retourner à la terre, et s'il pouvait avoir une autre utilité, ce ne serait qu'une digne chute pour lui. Tu ne pris pas la peine de l'achever, tant il était délicat; il rendit rapidement son dernier souffle entre tes crocs qui se refermèrent sur lui comme un étau de fer.

C'était une fin négligeable pour un petit être aussi fragile que cela. Tu repris ta route sans trop y penser; cela faisait longtemps que tu avais perdu ta pitié, et le fait qu'il fut d'une taille minuscule, et que ses petits cris d'antan te rappelait sans aucun mal ceux des chatons, ne te donnait aucun remords. C'était là quelque chose d'ennuyant que de prendre autant de peine à chasser de réelles proies, et de ne tomber que sur ce genre de pitoyables prises. Néanmoins, tu n'allais pas t'en plaindre, c'était mieux que rien; tu supposais.

Le vent souffrait à tes oreilles, et sifflait entre tes pattes. C'était désagréable,
tu songeais; et c'était probablement ce qui avait causé la chute de l'infortuné nid.

Le Roi avait cassé plusieurs rocs, pour une raison qui t'était inconnue. Et tu n'avais pas vraiment le temps de réfléchir à cela. Tu aurais pu t'adonner à cette curieuse activité à ton tour, mais tu savais qu'il était dangereux avec une force telle que la tienne de proférer de telles actions en un milieu aussi inadapté. De plus, tu pourrais très bien perdre quelques parties de ton corps, ou l'effriter un peu trop; dans tous les cas, tu étais persuadé que la force que tu gagnerais en t'abandonnant à cet exercice ne serait jamais si importante que tu puisse négliger les dégâts qu'elle apporterait. Le Roi pouvait ainsi aller comme bon lui semblait, cela n'était pas ton cas. Une fois sa besogne faite, néanmoins, il avait réussit à créer un terrain relativement plat. Quoi qu'étroit, et probablement aussi peu à ton aise que possible, tu songeais que c'était là un effort satisfaisant pour ta part. Et, après tout, il avait eu la bonne volonté d'adapter quelque chose. Cela n'était donc pas un affrontement risqué, quoi qu'il n'était pas non plus sans risque. Tu songeais que c'était d'un ennui cuisant, et que tu étais tout de même forcé de retenir tes coups. On devait prendre garde à ne pas froisser le souverain, ni à le blesser. Ainsi, tu étais dans cet espèce de dilemme; devais-tu vraiment risquer de le blesser physiquement sans blesser son honneur, ou retenir tes coups, ne nullement prendre de risques physiques, et de blesser sa fierté s'il s'en rendait compte?

C'était inutilement complexe, tu songeais également. Une fois parés, tu restais immobile. En l'état actuel des choses, il était indéniable que ton corps admettait bien, bien plus de force que celui du roi. En revanche, ta vitesse était déplorable par rapport à la sienne. Il n'aurait donc aucun mal à t'esquiver. Eh, tu t'occupais de former des jeunes, personne ne t'aurait à ce genre d'erreurs de débutant. Tu devais ainsi attendre l'offensive de ton adversaire. Il ne tarda pas à te sauter dessus; comme tu étais tout à fait prêt à ce genre de comportement, tu avait déjà planté tes griffes profondément dans le sol -ou ce qui te servait de griffe, après tout-. Tu encaissais donc aisément ce premier coup, bien que tu devais prendre garde à l'environnement. Ton but était de conserver un minimum de distance entre vous deux. La vitesse, l'agilité ne servait à rien quand la distance était nulle, après tout. Tu renchéris en lui portant un coup, qu'il esquiva sans mal. Tu avais beau prévoir et encaisser, il n'étais pas non plus stupide et ne manquait pas de réflexe. Ce genre de batailles, faîtes de charges, d'esquives; de coups, dura un temps qui te paraissait extrêmement long.

C'était une bataille peine perdue. Qui ressemblait à s'y méprendre à une danse maladroite, parce qu'elle était bien trop violente, ou trop rapide, ou trop confuse dans ses actes. C'était quelque chose de complexe. Alec était fort et rapide, mais tu étais encore plus fort, après tout. Tu avais réussit à lui mettre quelques coups, bien que tu t'étais assez retenu pour ne pas lui causer de fracture. Quand à lui, il était également parvenu à te causer un épuisement non négligeable, tout comme des attaques plutôt nombreuses. Il était dangereux, sans aucun doute. Mais il n'était pas aussi résistant que toi, qui avait un corps qui ne se fatiguait que mécaniquement. Et s'il se poussait hors de ses limites, cela pouvait avoir des conséquences qui n'effleureraient même pas tes mécanismes. C'était long, et épuisant. Il ne se fatiguait pas aisément, et faisait preuve d'une jolie agilité. Mais tu n'étais pas à plaindre non plus, avec les extrêmes que ton corps te permettait, quoique la limite que tu t'imposais -et qu'Alec pouvait également s'être mis-, ce combat n'aboutirait en rien de mortel ni de réellement dommageable. Il serait regrettable de perdre un roi ou un cerbère si tôt dans la monarchie, après tout.

Ce n'était pas vraiment une victoire ou une défaire, mais plutôt une cessation due à un accord commun et silencieux. La fin de la journée approchait.

« Satisfait? »


Tu lui demandais d'une voix presque rude de cette journée sans mot. Tu pourrais encore tenir,
tu ne savais pas en revanche ce qu'il préparait.