Un bruissement d'herbe, un chant d'oiseau. Un paysage magnifique, un lieu idéal pour ma nouvelle mission. Eh non, je n'étais pas venue ici pour admirer le paysage, que je savais regorgeant de dangers et de Félinaes. Non pas que je trouve les Félinaes dangereux. Non, c'était plutôt les potentiels pièges que couvaient cette parcelle de paradis que je redoutais. On ne sait jamais, je pouvais très bien tomber dans un filet à un moment donné. Aussi transparente que je sois. Non, j'étais là car on m'avait donné une mission. Mais une mission... Pas comme les autres. D'habitude, je devais espionner, ou tuer, mais jamais ô grand jamais, je n'étais tombée sur une mission pareille. Ah ça non, on me l'avait jamais faite celle-là. D'ailleurs, je ne comprenais pas pourquoi c'était à moi qu'on avait ordonné de faire chavirer le cœur d'un matou. Non pas que ça ne me plaisait pas, au contraire, j'allais m'amuser, mais juste, je n'avais pas le physique de l'emploi. En fait, je n'avais pas du tout de physique. Mais bon, peut être ce chat allait t'il avoir de bons yeux et voir la "beauté" de mon pelage ? Ou peut être pas, mais dans ce cas, j'allais tout faire pour lui ouvrir les yeux. C'était une importante mission après tout. Ce chat était connu de tous pour son habilité au combat, mais les Humains se méfiaient de lui. Un Soldat m'avait donc confié la tâche de le surveiller de près, et, quoi de mieux pour surveiller que d'être sa compagne ? Oui, j'allais avoir du boulot. Mais bon, voilà longtemps que je n'avais pas aimé... Avais-je jamais aimé ? A part ma sœur avant qu'elle ne me trahisse, non. Jamais. Et je n'avais pas envie de le découvrir maintenant. Et surtout, ayant eu un brève aperçu de son caractère, je ne comptais pas du tout le découvrir avec ce chat. Mais bon... Une mission est une mission, aussi dure soit-elle. D'ailleurs, en parlant de chat, je croyais apercevoir une fourrure grise entre les arbres et la prairie verdoyante. Lui ? D'après ce que j'avais vu de Kaïgaan, oui. On pouvait deviner des fins traits bleus sur sa fourrure grise, ainsi que quelques touches de blanc et de noir. Je savais qu'il avait les yeux bleus électrique, me demandais à quoi ressemblais son regard. Moqueur ? Emerveillé ? Pitoyable ? Impossible de le dire, il était de dos. Je regardais mes pattes. Dans l'ambiance du milieu du jour, on me voyait presque comme un chat normal. Je dis bien presque, parce que je réussissais à apercevoir un scarabée entre mes coussinets. Eh ben, j'allais devoir faire avec. Je passais en revue les traits de son caractère qu'on m'avait décrits. Triste en ce moment, mais d'ordinaire joyeux et moqueur. Un peu lâche aussi, mais qu'importe ? Je devais juste le prendre dans ma botte, pas juger de son courage. Quoique... Non-courage = mécontentement de son état ? Ou là, ça allait pas me plaire ça... M'enfin, je me décidais à l'aborder d'un ton faussement enjoué :
"Salut ! Toi aussi tu aime rester assis ici ?"
C'était pas gagné en terme de séduction, mais je promis de m'améliorer.

L'orée représentait beaucoup pour Kaïgaan, du moins assez pour s'y sentir à l'aise, léger. Bien sûr, ce n'était pas une simple balade dans un lieu agréable qui allait lui remonter le moral, mais il espérait s'aider en s'y rendant. C'était ici que Terra l'avait soigné de ses brulures aux pattes, mais aussi et surtout l'endroit où il avait rencontré Opaline. La belle femelle blanche qui avait fait chavirer son coeur était maintenant dans une base militaire à des kilomètres loin de lui, utilisée, torturée. Cette simple pensée serra le coeur du soldat de la plus horrible des façon et il lutta pour faire sortir ces images affreuses de son esprit. Il s'assit en soupirant, enroulant sa queue autour de ses pattes. Opaline n'était plus, mais rien n'avait changé. La nature continuait son chemin, les Hommes continuaient de tuer. Elle n'était qu'un détail dans l'Histoire, un simple dommage collatéral. Mais pour Kaïgaan, c'était une partie de lui qui venait de disparaitre, envolée.
Le soldat n'avait plus d'envie, plus vraiment de joie si ce n'était celle d'insulter ses abrutis de collègues. Il les détestait, plus qu'il ne l'avait jamais fait. Il ne voulait plus rester dans ce trou à rat qui lui avait enlevé sa bien-aimée. Mais d'un autre côté, à quoi bon rejoindre les Felinaes si elle n'y était plus ?... Absorbé par ses sombres pensées, il manqua de sursauter quand une voix féminine se fit entendre derrière lui.

- Salut ! Toi aussi tu aimes rester assis ici ?

Kaïgaan se releva immédiatement pour faire face à la femelle. Il la regarda de haut en bas et reconnu rapidement Hel, une soldate de seconde ligne. Il avait déjà dû la croiser quelques fois sans vraiment y prêter attention. Il ne faisait jamais attention aux soldats de toute façon et c'était bien rare qu'il en connaisse leur nom.
Le soldat électrique se surpris à regarder à travers la femelle grise transparente, comme s'il découvrait le monde à travers un filtre noir. Mais il n'était pas question d'émerveillement. Hel était une soldate, il n'avait aucune sympathie pour elle. Il grogna légèrement avant de lui répondre d'un ton froid, teinté d'agressivité.

- Ce ne sont pas tes affaires. Qu'est-ce que tu veux ?

Il plissa les yeux, suspicieux, méfiant comme à son habitude. Il n'avait aucune confiance dans les soldats, excepté quelques rares exceptions comme Nishari. Tous n'était qu'un ramassis de déchets, torturant des chats libres pour leur simple confort, lui y compris. Mais son avis, seuls ses amis sauvages le savaient. Les soldats, eux, imaginaient juste qu'il n'était qu'un félin râleur de plus.

Attention:

Le félin se releva pour faire face. Il la toisa et une lueur s'alluma dans ses yeux, comme s'il la reconnaissait. Son regard se perdit un instant dans le corps translucide de la Soldate, puis il répondit en grognant :
- Ce ne sont pas tes affaires. Qu'est-ce que tu veux ?
Il n'allait pas être facile à attraper, mais Hel avait toute sa ruse de son côté pour séduire le matou. De ce qu'elle savait de son histoire, le Soldat avait perdu toute envie suite à l'enlèvement de quelques Félinaes. Les Humains qui l'avaient chargée de cette mission avait bien dit qu'ils pensaient qu'une des chattes était parmi celles de son cœur. Mais, être amoureux d'une Félinae, pour un Soldat, cela pouvait être passible de la pire peine : servir de cobaye aux futures expériences. Voilà pourquoi on lui avait demander de le charmer. Pour savoir si oui ou non, il était un traître. Hel réfléchit vite. En partant du principe que les soupçons des Humains étaient fondés, le félin avait perdu un être cher appartenant à une autre Guilde. Donc, si Hel lui faisait croire qu'elle était dans la même situation que lui, peut être cela serait plus facile ? Il fallait mieux tenter. Elle prit un regard triste, et dit mélancoliquement :
- Rien... Je me demandais juste pourquoi quelqu'un était dans mon refuge... Depuis que je l'ai perdu, je viens tout le temps ici, et je n'ai jamais vu quelqu'un d'autre que moi. Donc je suis intriguée, c'est tout...
A la fin de sa phrase, elle releva le regard, et fit apparaître quelques larmes, qui coulèrent sur sa joue, la rendant humide. La Soldate espérait avoir capté l'attention du félin, mais préféra rajouter une couche, mieux valait trop que pas assez.
- Je viens ici car personne ne me comprend, personne ne sait ce que ça fait de perdre un être cher, qu'on a pas eu le temps de bien connaître. Toi, tu viens ici, donc je voulais savoir si tu pouvais me comprendre, j'ai tellement besoin d'être rassurée...
Elle ferma les yeux, mais les rouvrit très vite en comprenant qu'elle serait peut être invisible si ses grands iris ne signalaient pas sa présence.

Le regard de la femelle devint soudainement très triste, ce qui troubla le matou gris. D'accord, il avait été froid et avait grogné, mais de là à être triste pour si peu, les soldats devenaient de plus en plus chochottes. Alors qu'il allait se moquer de son tempérament hypersensible, à la limite de la tête à claque -oui, il s'énervait pour rien, elle prit la parole.

- Rien... Je me demandais juste pourquoi quelqu'un était dans mon refuge... Depuis que je l'ai perdu, je viens tout le temps ici, et je n'ai jamais vu quelqu'un d'autre que moi. Donc je suis intriguée, c'est tout...

Des larmes apparurent au coin de ses yeux alors que Kaïgaan recula la tête, décontenancé. Oh. Bon, il l'avait peut-être jugée un peu trop vite, mais ce n'était pas pour autant qu'il allait avoir de la compassion. Hel venait juste de piquer sa curiosité et de diminuer son agressivité. Mais bien entendu, il avait toujours autant de mépris.

- Je viens ici car personne ne me comprend, personne ne sait ce que ça fait de perdre un être cher, qu'on a pas eu le temps de bien connaître. Toi, tu viens ici, donc je voulais savoir si tu pouvais me comprendre, j'ai tellement besoin d'être rassurée...

Il plissa les yeux, la fixant quelques instants, avant de soupirer. Ok, trêve. Trêve mais pas de confiance, ni de belle compassion, et encore moins de respect. Kaïgaan comprenait sa situation et pouvait se mettre à sa place, ayant lui-même perdu Opaline. Il se doutait que Hel devait vraiment souffrir et elle montrait des émotions que lui n'osait pas dévoiler.
Il s'assit donc, indiquant qu'il acceptait une discussion sans agressivité. Enfin pour l'instant. Vu son tempérament actuel, un simple mot de travers pouvait le faire repartir. Il prit un ton neutre, pas chaleureux, mais pas froid non plus, ce qui était déjà une sacrée avancée.

- Si, je te comprend. J'ai aussi... Perdu un être cher.

Kaïgaan n'était pas idiot, il n'allait pas dire haut et fort qu'il s'agissait d'une Felinae à une soldate qu'il ne connaissait pas. Il allait certainement la faire tourner en rond si elle chercher d'autres informations. Mais plutôt que de se risquer à devoir assouvir la curiosité d'Hel, il enchaina sur une question, histoire qu'elle se concentre plus que elle que sur lui.

- Et qui était ce félin perdu ?

Il arqua un sourcil. Son ton était interrogateur mais neutre, signe que pour l'instant, il ne donnait pas une grande importance à la femelle, mais qu'il comprenait assez son état pour comprendre ce qu'elle traversait.

- Si, je te comprend. J'ai aussi... Perdu un être cher.
Les mots résonnèrent aux oreilles transparentes d'Hel. Les Humains avaient donc raison, il avait perdu un ami. Ou une amie ? Qui sait, peut être s'agissait-il de la femelle Félinae que les Soldats avait capturée en même temps qu'un petit groupe, il y a quelque temps. Mais elle devait en savoir plus. La femelle se réjouis intérieurement. Le matou gris s'était assis, sa position indiquant qu'il la laissais parler, sans lui sauter dessus. C'était un bon point, mais il ne fallait pas se relâcher, car elle voyait bien qu'un seul faux pas et s'était perdu. Elle réfléchis donc à toute allure. Mais, alors qu'elle allait réagir à sa phrase, il la regarda et lui posa une question qui la troubla.
- Et qui était ce félin perdu ?
Elle se retint de lui cracher au visage. De quoi se mêlait-il ? Mais elle devait garder son rôle. Il fallait absolument passer à travers la brèche créée par le Soldat.
Elle adopta un ton triste, et lui lança un regard, tout en s'asseyant elle aussi. Une fine larme réussit à couler de ses yeux, et elle renifla tout en se réjouissant de ses talents d'actrice.
- Un Caméléon du nom de Shadner. Il avait prévu de rejoindre les Félinae, mais dans la recherche du camp de la Guilde, il est tombé malade, et a été capturé par un groupe de Soldats. Ils l'ont transféré dans un centre d'expérience, je suis sûre qu'il est mort maintenant...
Son regard coula vers le sol. Elle avait sorti quelque chose, faisant la femelle qui s'ouvrait facilement. Peut être ce mal la prendrait en pitié, et lui céderait son cœur.
- Mais, je dois essayer de paraître forte. Il ne faut pas que les Humains se rendent compte de mon secret ils me tueraient. Je ne sais même pas pourquoi je t'en ai parlé. Mais tu m'inspire confiance.
Après cette phrase, Hel vomi intérieurement, encore heureux qu'elle n'ait jamais été amoureuse, c'était nian nian. Elle posa son triste regard violet sur le mâle, tout en gardant un air triste et inquiet.

La tristesse de la femelle était clairement visible. Elle était abattue et une larme roula le long de sa joue pour s'écraser doucement sur l'herbe tendre de la forêt.

- Un Caméléon du nom de Shadner. Il avait prévu de rejoindre les Félinae, mais dans la recherche du camp de la Guilde, il est tombé malade, et a été capturé par un groupe de Soldats. Ils l'ont transféré dans un centre d'expérience, je suis sûre qu'il est mort maintenant...

Kaïgaan plissa les yeux, pensif. Peut-être que ce chat faisait parti des deux félins capturés dans la même cage qu'Opaline. Il n'avait pas vraiment fait attention à eux, trop concentré sur le seul être qu'il avait jamais aimé. Mais qui pourrait l'en blâmer ? Cette histoire tenait clairement la route. Après tout, il avait vécu exactement la même et à vrai dire, il pensait être le seul dans ce cas. Pour le félin électrique, tous les soldats n'étaient que des bêtes sanguinaires, violentes et idiotes, exceptés quelques rares chats comme Nishari par exemple. Il ne se serait jamais douté qu'un de ses collègues pourrait vivre quelque chose d'aussi proche de sa propre histoire.
Pourtant, pour un félin aussi méfiant et pessimiste que Kaïgaan, quelque chose ne collait pas, ne tenait pas la route. Pourquoi se confier à un félin qu'elle ne connaissait pas ? S'il racontait ce qu'elle venait de lui dire, elle pourrait finir cobaye à jamais... Mais cela, Hel y donna une réponse sans même qu'il ait besoin d'en poser la question.

- Mais, je dois essayer de paraître forte. Il ne faut pas que les Humains se rendent compte de mon secret ils me tueraient. Je ne sais même pas pourquoi je t'en ai parlé. Mais tu m'inspire confiance.

Le regard de la femelle translucide mis un peu mal à l'aise le soldat. Il n'était jamais méchant gratuitement mais quand quelqu'un exprimait littéralement qu'il avait confiance en lui, il se sentait gêné. C'était comme si on lui demandait d'en être digne... Mais Kaïgaan ne se pensait pas digne de quoi que ce soit. Dans l'esprit pessimiste de ce chat, l'estime de soi n'avait pas sa place. Enfin, il était le seul à pouvoir se rabaisser, ce pour quoi il ne se retenait pas, mais quand un chat osait se moquer de lui, Kaïgaan contrattaquait sans vergogne. Enfin, là n'était pas la question.

- Et on peut savoir pourquoi ? Tout le monde sait que je n'ai aucune sympathie envers les autres...

Il n'avait pas parlé froidement, voulant ménager son coeur en peine, mais il était bien trop méfiant pour ne pas poser de question. Pourquoi lui, alors qu'il était peut-être le soldat le moins amical avec ses collègues ? Cependant, il ne fallait pas qu'elle comprenne qu'il était bien plus ouvert avec les chats libres. Voilà pourquoi il n'avait pas précisé que sa non-sympathie ne se tournait qu'uniquement vers les autres soldats. Peut-être qu'elle racontait ses secrets à l'instinct, mais pas lui.

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J'archive ~
MP pour le sortir des archives.
(l'orée)