On vient à peine de sortir de la ville.
Il y a un tout jeune bleu qui marche, juste devant moi.
Sa première mission, sûrement. Je n'ai pas retenu son nom.
Je m'en fiche un peu.
Je déborde d'énergie. Je veux me transformer. Je pourrais, bien sûr, mais ce n'est pas ma mission.

Je m'avance un peu, de manière à me retrouver aux côtés du bleu. Si je pouvais ne serait-ce que l'effrayer un peu...
Je lui demande :

- Où as-tu grandi ?

- Bah... Je suis né à la pouponnière...

- Oh. Donc c'est ta première mission ?

- Euh... Oui...

- Je suppose qu'on t'a déjà mit au courant des risques qu'il y avait ?

- Non, enfin, oui...

- Donc tu sais tout à propos du Marcheur qui rôde la nuit ?

- Non... C'est quoi ?

- Oh je vois... Bon courage... Et tâche de ne pas trop t'éloigner, ce serait dommage de rapporter de la soupe de bleu ce soir à la caserne...

Je commence à m'éloigner, tandis que l'odeur du bleu change pour laisser place à de la panique.

- C'est quoi ce Marcheur, dit moi... Expérience n°209 ? Yinzi ?

Je le laisse planté là et je m'éloigne toujours plus. Voilà une bonne manipulation pour faire péter la trouille aux nouveaux !
Y a jamais eu de Marcheurs dans les forêts, juste une rumeur comme quoi ces âmes déchues sortiraient des ombres pour aspirer celles des vivants mais on arrête d'y croire lorsqu'on comprend qui l'a lancée...
Ce que je suis machiavélique.

J'ai un petit rire dédaigneux lorsque j'entend des bruits de course dans mon dos. Cette tapette de bleu a tellement la frousse qu'il rentre en ville !
Lorsque les barrières de fer ont disparu derrière moi, je peux enfin me fondre dans les ombres.
Je suis encore plus invisible que ces felinae pensant être indétectables lorsqu'ils attendent que nos cargaisons passent !
Mais là je suis en mission de reconnaissance. Je dois détecter la présence d'individus ennemis en prévision d'un passage de fournitures.
Je me coule lentement à l'ombre des arbres. Aujourd'hui c'est la pleine lune.
Je hais la pleine lune.
Parce que c'est la seule nuit où je ne peux pas aller où je veux en mode ombre. Je suis obligé de retrouver mon corps physique là où la lune éclaire.
Je vois, au loin, une forme grise et blanche bouger.
Vu l'odeur, felinae, pouah !
Et sûrement une soigneuse en plus ! Re-pouah !
Je décide d'aller faire fuir cette tapette... Elle va regretter d'avoir croisé mon chemin...

Je me fond dans les ombres.
Je sens avec délice mon esprit se libérer de toute contrainte physique. Je dois juste rester concentré, pour ne pas laisser mon énergie s'échapper.
Doucement, je m'approche de la personne que j'ai entre aperçue au loin.
C'est une chatte blanche (je déteste cette couleur de pelage, ça me rappelle celui d'une de mes soeur) trachée de gris aux beaux yeux violets.
Ils sont de la même couleur que mes griffes et ma chaîne tiens !
Elle ne me voit pas approcher mais elle ne semble pas effrayée. Plus... En colère.
Sur son visage se lisait de la haine, mais encore plus, de là détermination. Elle a du me sentir.
A ses pattes reposent des prêles. Jamais je ne l'avourais à personne mais je connais tous les noms des plantes médicinales et leurs utilités. Quand on a rien à faire pendant des heures, il faut bien trouver de quoi s'occuper. Et dieu sait que j'en ai eu du temps à tuer avant de devenir soldat.

Je la regarde plus en détail.
Elle a l'air frêle. Elle est mince, une longue mèche lui cache un oeil mais l'autre brille à la fois de détermination mais aussi d'une crainte, plus profonde.

Elle ne dit rien mais elle me cherche du regard, ses griffes sont sorties et ses muscles tendus.

Je la contourne, je me place à côté de l'ombre de l'arbre auquel elle est presque adossée.
Je la déchire d'un puissant coup de griffes et l'arbre d'ordre, réduit en poussière, dans un grésillement atroce.

Je me décale vite après l'avoir griffée et m'éloigne sous ma forme d'ombre. Je la vois mordre le vide, à l'endroit où je me trouvais quelques secondes auparavant.
Pitoyable.
Ses yeux violets s'agrandissent et s'emplissent de surprise.
Puis elle tourne vivement la tête vers moi et son regard croise le mien.
Elle est visiblement déroutée. Et même si rien dans son comportement ne l'indique, elle pue la peur.
Elle sait qu'elle ne sera jamais à la hauteur.
Que si il me prend l'envie de recommencer elle sera sans défenses. Et que je la tuerais sans qu'elle n'ait rien pu faire.
Heureusement pour elle que ce n'est pas mon but. Ou elle serait déjà morte.
La faire souffrir n'était pas une mauvaise idée. Il n'y a rien de mieux pour déclencher la peur chez d'autres personnes.
Mais ce soir je n'ai pas envie de blesser. Je veux qu'elle me supplie de la laisser en vie, je veux qu'elle en pleure s'il le faut.
Et pour ça j'ai d'autres talents.
J'écarquille mes yeux, je prend un sourire volontairement effrayant et je susurre :

- Alors, on cueille des prêles seule dans la nuit ?

Mon sourire se crispe légèrement, j'espère qu'elle ne retiendra pas la bourde que je viens de faire. En bon soldat machiavélique, je suis pas censé savoir ce que sont ces plantes à ses pattes.
Pitié, faîtes qu'elle ne relève pas !
Ou sinon je n'aurais plus qu'à partir terminer ma mission sans m'amuser avec elle.

Si c'est terminé, j'archive ~