A vrai dire, c'était une plutôt belle journée. Le soleil était à son zénith, masse brûlante surplombant le ciel, mais l'air était à une température agréable, agrémenté d'une légère brise, plus fraiche. Les oiseaux gazouillaient, virevoltant entre les arbres à la recherche de matériaux pour leur nid. Les feuilles dansaient au rythme de la brise, accompagnant les volatiles dans leur mélodie printanière. Vraiment, c'était une belle journée.
Midi, et un soldat se baladait seul entre ces arbres verts et imposants. Il se sentait plutôt petit, face à l'immensité de la nature, droite et ferme devant un chat semblant si vulnérable. Frêle, c'était un mot que Kaïgaan n'avait jamais employé à son égard. Après tout, il était un soldat, entrainé pour se battre et les muscles accompagnaient son rang. Il pouvait faire peur à certains chats libres et son pouvoir, il devait le reconnaître, était assez puissant malgré ses nombreuses contraintes. Le félin électrique n'était pas vraiment grand, plutôt de taille normale, mais son corps élancé pouvait donner une impression de grandeur, tout comme ses pattes musclées et griffues le rendaient massif. Oui, il était un bon soldat sur le plan physique.
Midi, et cependant Kaïgaan ne s'était jamais senti aussi petit, vulnérable, frêle. Ces pensées auraient pu s'expliquer par la rencontre d'un animal immense, effrayant, invincible. Mais également aussi par la vision d'un Felinae, combattant énorme, terreur des soldats. Pourtant, il n'était rien de tout cela. Le félin gris était à l'arrêt, contemplant un arbre immense dont les racines, pourtant à demi-enfouies, faisaient presque sa taille. Quel âge avait ce végétal pour avoir atteint pareille taille ? Combien de guerres, de vies et de civilisations avait-il pu observer, immobile depuis des siècles ? Et voilà qu'à cet instant précis, un simple chat se tenait devant lui, l'observant avec intérêt.
Kaïgaan n'était pas du genre à s'extasier devant les merveilles de la nature, observant avec douceur oiseaux et insectes. Les animaux et végétaux étaient là, rien de plus. Ils n'étaient que témoin de son histoire, de ses promenades, de ses réussites et de ses échecs. Ils observaient sans que leur actions n'aient une quelconque conséquence.
Kaïgaan prit une grande bouffée d'air frais, fermant les yeux, sentant la brise contre son pelage, l'herbe grasse contre ses coussinets si souvent mis à mal. Ce portrait semblait si serein, si paisible. Puis soudainement, telle une tâche venant détruit ce magnifique tableau, un craquement de branche. Kaïgaan ouvra ses yeux en un éclair, si bien que ses pupilles passèrent d'un rond parfait à deux fentes méfiantes et suspicieuses. Il tourna la tête, son odorat cherchant déjà quel pouvait être ce maudit intrus. Rien de lui parvenait au museau, il devait certainement être dans le mauvais sens du vent. Très bien, il allait donc affronter le problème sans vraiment savoir à quoi s'attendre et ce, pour son plus grand agacement. Le soldat aimait savoir, prévoir, être prudent. Et le voilà face à une chose dont il ignorait encore tout. Les yeux plissés, méfiant et les muscles tendus, il s'adressa à la forêt entière d'une voix calme et dure.
- Qui est là ?
Son regard bleu électrique parcourait les buissons, essayant vainement de repérer le moindre mouvement.