Marchant vers l'ouest, tu ne savais pas vraiment où tes pattes avaient décidé de te porter. Écrasée par une certaine fatigue, tu n'étais pas d'humeur à croiser de la vie avant quelques temps; et tu supposais par conséquent qu'une longue marche te dispenserait de tout contact. Du moins, avant un certain temps. L'avantage était que même si tu croisais un chat, tu ne serais pas forcée de daigner lui prêter attention, et tu pourras continuer. Et bien que la faim commençait lentement à t'engourdir; car tu avais décidé d'entreprendre ton périple juste après un lourd réveil; tu continuais sans faillir. De toute manière, tu avais bien trop l’habitude d’avancer pour qu'on se préoccupe de ton état de santé. C'était quelque chose de machinal, qui ne t'épuisait même plus à force d'exercer. Et puis, ce n'était qu'un doux trot, réfléchit, calme et régulier; pas une course précipitée, lourde d'obstacles et d'accrochages en tout genre. Tu pénétras quelques instants dans la forêt, au sud de l'Arbre des Pendus. Il te parut alors très logique de te stopper et de chasser un peu; ce que tu fis sans te faire prier. Et ça ne te prit pas longtemps, sûrement un des effets du temps qui était doux et clément, et de la saison qui était propice aux sorties.

Reprenant ta route un quart d'heure plus tard, tu réalisas vite que, plongée dans tes réflexions, tu ne parvenais pas à trouver attirante l'idée de te stopper, et tu envisagea une longue distance. Un peu trop au sud pour te rendre aux limites de la frontière, tu ne voyais pas grand nombre de choses à voir. Et puis, il y avait cette bestiole qui était dans le chemin. Regardant le ciel, tu savais que le temps serait agréable; une douce brise fraîche soufflant, faisant danser ton pelage. En réalité, c'était plutôt un soleil éclatant qui se faisait balayer par ce vent-là, mais ça restait agréable, tant que ce-dernier refuse d'être trop présent. Dans tous les cas, tu savais que c'était un endroit de nature chaude, et ça resterait agréable à voir. Curieuse, aussi, de savoir à quoi exactement ça ressemblait. Tu y parvint lorsque l'après-midi commençait à danser dans le temps, et tu y constatas qu'effectivement, la chaleur était horriblement assommante. Tes pattes brûlaient douloureusement lorsque tu les posait sur une surface ayant surchauffé au soleil, et tu ne fus pas déçue de constater que la bête avait des zones ombrageuses.

Un squelette de métal, pas complètement dénué de chair métallique, trônait en maître dans les lieux. Le regardant, plongé dans ton esprit, profondément intéressée, les yeux brillant d'une étincelle étrange. Tu n'avais jamais vu cette chose de près. Et pourtant, la première fois te faisait une agréable impression. Il était dépeint, comme si sa teinte avait lentement coulé après toutes ces années à crouler ici. Animée par une curiosité imprudente, tu mis une patte dedans, et tu eut un instant la sale impression d'avoir posé une patte dans les entrailles d'un monstre géant. Tu retiras cette-dernière assez rapidement; constatant avec une certaine gêne que tu venais de poser tes coussinets sur quelques chose de tranchant. Une petite entaille peu profonde, mais piquant terriblement. Prenant garde à tes prochains mouvements, tu parvint à mettre les quatre pattes dedans et avança, captivée par la structure de l'avion. Les humains savaient vraiment créer de jolies choses, et tu te demandais tout de même comment ils se débrouillaient pour créer ce genre de choses.  Tu ne serais bien entendu jamais capable de les imiter, mais ça restait des plus surprenant.

Bien que tu peinas à trouver un tel endroit, tu finis par t'asseoir contre un dossier, car c'était une des rares zones à l'ombre où tu ne risquais rien. En effet, des câbles effrayant pendaient comme des tripes, menaçants et sûrement plus dangereux qu'ils n'en avaient l'air, et le sol était parcouru de petits objets tranchants ou carrément de morceaux obstruant le passage; et bien que ce fut tortueux de trouver une place, tu étais assez satisfaite d'être parvenue à t'installer dans son cœur. Tu te sentais vraiment bien, comme si dans ce lieu, rien ne pouvait t'atteindre. Cependant, tu n'en était pas moins sur tes gardes; ce qui te fut extrêmement utile lorsque tu distinguas une présence peu amicale, de ce que tu en jugeais face à son odeur.