Du sang. Voici la première vision qui s’offrit à mes yeux lorsque ceux-ci s’ouvrir d’une nuit mouvementée. Une goutte de sang séchée au sol. J’en déduis rapidement qu’elle provenait de mon aile droite après avoir détourné le regard pour inspecter ma fourrure. Et aussi après avoir ressenti ce fichu picotement qui allait me suivre pendant toute ma matinée

Matinée qui n’était pas du tout ensoleillée, d’ailleurs. Le bleu du ciel qui avait complètement disparu, dissimulé sous ces épais nuages sombres. Ce ciel terne menaçait à chaque instant de lâcher quelques gouttes. L’atmosphère, de son obscure clarté, illustrait bien notre monde dévasté par les humains. Clarté ? Oui, la seule lumière qui traversait l’obscurité était blanche à en piquer les yeux, même si elle n’était que peu présente. Pour couronner le tout, il faisait froid. Enfin, ça je n’allais pas m’en plaindre, j’avais des ailes bien couvertes par de longues plumes et une écharpe autour du cou.

Pour revenir à cette fichue égratignure, la fautive était une épine qui s’était introduite dans le tas de feuilles et de mousse qui me servait de… « nid » ? Comme les oiseaux ? Bref. C’était cette foutue épine qui m’avait réveillé à plusieurs reprises et qui avait maintenant blessé mon aile. Mais ce n’était ni le temps déprimant ni cette blessure qui allait m’empêcher de faire mes tâches quotidiennes.

Je finis enfin par me lever et de donner un bref coup de langue entre les plumes parsemées de quelques taches de sang sèches avant de sortir de la cavité du champignon. Je me décidai à me diriger vers le dédiée aux proies que les Chasseurs ramenaient régulièrement. Le tas de gibier était maigre. Les Chasseurs devaient probablement être partis pour le ravitailler. Or je ne comptais pas attendre leur retour alors j’allais me passer de nourriture pour ce matin.

Tout en descendant des champignons, j’observai le Q.G sans pour autant la moindre attention aux félins qui s’activaient dedans. Un souffle blanc s’échappa de mes babines lorsque je lâchai un soupir en songeant à patrouiller rapidement les alentours de la Forêt Empoisonnée. Encore une journée... « ennuyante » ? Pourtant on luttait chaque jour pour survivre. On accomplissait ces tâches pour assurer notre sécurité. Non. Je ne devais pas me lasser de travailler. Travailler était important, alors au lieu de traîner, autant commencer cette brève patrouille de suite.

Le soleil devait bientôt être à son zénith malgré le fait qu'il était complètement caché par les nuages. On était en fin de matinée. Je survolais la Forêt Empoisonnée, l'air froid filant entre mes moustaches et mes plumes noires frémissantes. Les oiseaux, du moins les rares oiseaux qui survivaient dans ce monde pollué où il ne faisait pas bon vivre, gémissaient dans les airs. Les feuilles des arbres s'agitaient doucement à cause du vent, dévoilant des silhouettes félines qui se déplaçaient. Sûrement des Chasseurs qui revenaient au Q.G pour y déposer leurs prises.

Je continuai ma route au-dessus d'un lieu aussi sombre que le ciel, où la végétation était carbonisée, - comme partout ailleurs dirait-on-, et où trônait un grand arbre dépourvu de feuillage. L'arbre des pendus. Un nom qui en ferait frissonner plus d'un, seulement à cause de ces lugubres légendes qui circulaient sur cet endroit. C'était stupide. Stupide de croire a des phénomènes paranormaux qu'on ne pouvait même pas expliquer. Stupide d'avoir peur d'un endroit où des hommes sont morts. La mort était quelque chose de normal. Je ne dis pas qu'il est stupide d'en avoir peur, mais il est stupide d'avoir peur d'un endroit où des animaux, des humains y sont décédés ici. Pour moi, les fantômes n'existaient pas. J'en été persuadé. Et quand bien même ils existaient, en quoi cela poserait problème ? Non, tout cela été juste un ramassis de rumeurs absurdes. Après tout, c'était des humains qui avaient été exécutés ici. C'étaient le sang de nos ennemis qui avait été versé ici.

La silhouette brune, un chat probablement, me fit sortir de mes réflexions. Il semblait réfléchir, lui aussi, au pied de l'arbre. Était-ce un Felinae ? Un Caméléon ? Ou même un Soldat ? La dernière option me poussa à atterrir au milieu de la végétation noire de suie. Que pouvait bien faire un Soldat, enfin si c'en était un, dans un endroit pareil ? Quoique ça n'était pas étonnant si c'est le genre de Soldat qui aimait la peur. Si c'était le genre de Soldat "Darki, première ligne, aime l'occultisme, le sang et tout ce qui est gore, parle avec des esprits et des démons, prétend manger des os". Je n’espérais pas que ça soit un type comme ça, sinon je risquais très fortement m'énerver après cet abruti.

Malheureusement, mon arrivée se fit sentir car le chat, qui se tenait à quelques longueurs de queue devant moi rabattit les oreilles en arrière, se leva et se retourna vers ma direction. Bon, au moins, ça prouvait que le félin n'était pas abruti au point d'en avoir les narines bouchées. Mais il ne pouvait encore m'apercevoir puisque j'étais dissimulé par les broussailles, plaqué au sol. Je ne comptais par sortir maintenant. Non pas que je cachais ou que j'avais peur ! Loin de là. Je voulais juste l'observer un peu plus longtemps (du moins s'il ne venait pas me chercher) pour définir s'il était bel et bien un Soldat. À mon désavantage, le vent soufflait vers lui. Il transportait mon odeur et non la sienne. Donc il m'était difficile d'analyser sa guilde.