Tu te levais pour une matinée de plus, insensible au froid qui collait à ta peau. Le ciel s'était couvert dans un duvet blanchâtre, et il te semblait que tu avais rarement vu un temps aussi peu clément. Mais ce n'était pas une journée à gâcher, quoi que la pluie menaçait de s'abattre dans peu de temps. Tu soupirais, peu habitué à tant de gêne en groupe. Ou tant de gêne en général. Mais cela n'était pas un temps pour se plaindre, et tu n'aimais pas en perdre. Alors tu te dirigeais vers le lieu que tu avais donné aux petits pour se réunir. C'était une de ces journées d'entraînement, qu'on ne devait pas rater. Tu te posas non loin, comptant les moutons en marchant, traînante, devant les rangs que tu avais mis en place. La tête haute, tu regardais les airs qu'ils abordaient, chassant les moindres traces d'une fatigue trop prenante; mais tous te semblaient en parfaite forme, si ce n'était leur posture tremblante ou courbée.

« Droits.»

Cela sonna comme un ordre et les quelques-uns qui ne faisaient aucun effort avant cela se redressèrent très rapidement, au son de ta voix grave. Satisfait, tu t'accordas quelques secondes de silence, te tenant toujours debout, considérant que t'asseoir serait un signe de faiblesse. Tu appelas l'un d'entre eux; celui qui te semblait de tes récentes observations le plus fort et le plus âgé, il te servirait de modèle pour entraîner les autres au combat rapproché. Après lui avoir confié des consignes, tu l'attendait de patte ferme.

Il sauta sur ta personne, et si ta lenteur ne te permettait pas de l'esquiver, tu l'envoyas valser d'un habile mouvement; bien que tu pris gare de ne pas trop le blesser. Il tenta de renchérir, mais cette fois-ci tu eut le temps de l'esquiver, et tu lui mis un coup en rentrant tes griffes afin de le pousser plus que de ne lui infliger une quelconque souffrance. Ta force l'envoya au sol; plantant ses griffes dans la terre il limitait les dégâts de recul; puis, son offensive te surprit de vitesse tant il semblait voler à force de sauter. Néanmoins, une fois qu'il eut atteint ton corps, il fut surpris du contact avec tes organes et ne put que maladroitement s'accrocher; ce fut assez bancal pour que tu le décroche d'un fort mouvement d'épaule. Ce manège s'effectua plusieurs fois. Tu le reprit sur ses moments d'hésitation, et principalement ses appuis qui avaient quelques défauts. Il fut rapidement épuisé d'autant de mouvements, d'autant plus que tu ménageais de moins en moins tes coups.

Il finit épuisé, parvenant à peine à se relever, lorsque tu mit fin à sa session. Dans le temps où tu t'occupais de lui, les autres s'étaient mis en paire et avaient également fait quelques progrès. Rien de notable, mais c'était toujours cela. Le tout avait duré quelques heures, mais pas assez pour remplir une journée. Tu leur donnait une consigne simple : te faire tomber.

Tu agrippais avec force face à leurs tentatives; sans qu'ils n'aient accès à leurs pouvoirs. Quoi qu'épuisés, la possibilité de te faire mordre la poussière les motivait à accéder à de plus profondes ressources. Tu peinas cependant au bout d'un certain temps; tant ils parvenaient à achever tes barrières. Tu restais cependant de marbre, laissant paraître que leurs efforts étaient vains et ce depuis le début de ton ordre. Cet entraînement te servait aussi, tu ne pouvais pas le négliger. L'avantage était que tu te servais de ton corps pour parer leurs attaques, et que tes organes ou ton pouvoir te permettait de les repousser par la surprise.

La journée se clôturait et tu avais accumulé de la fatigue certaine, que tu allais tarir en t'accordant un passager sommeil : c'était là le début d'une longue semaine.

Tu avais prévu pour les autres quelque chose de différent. Traînante comme par ton habitude, et ce indifférente aux blessures et à l'épuisement accumulés par la dureté des exercices de la veille par les jeunes. Cela ne te concernait pas plus que cela, car ils étaient encore en état de marcher, et probablement de chasser. C'était une séance plus douce qu'à l'accoutumée après tout; et si le froid qui faisait se faire cacher des proies n'était certes pas une bonne scène pour ce genre de spectacles; il était au moins certain qu'ils n'auraient pas à se battre aussi ardemment que la veille. Et c'était probablement pour cela que la nouvelle avait l'air d'avoir éclairé leurs visages rouges de froid et de coups.

Tu les avait amenés non loin, et avait premièrement procédé à revoir la posture de chasse de la plupart, quoi que certains se débrouillaient parfaitement sans ton intervention, tout comme d'autres n'avaient littéralement jamais procédé à ce genre de gestes. La zone que tu couvrais était très espacée et tu te forçais à maintenir une certaine endurance et vitesse à passer d'un groupe à l'autre, tout en ménageant le bruit que tu causais : il fallait se rependre entre les coins et les recoins, pour trouver des proies; et que notre présence ne gâche aucune tentative d'un autre groupe.

La température ambiante n'aidait pas les moutons à se débrouiller mieux; et il suffisait d'un regard et de quelques minutes de marche pour tomber sur un chat, relativement jeune, qui paniquait et tremblait sous l'effet du froid enivrant. Tu lui montrais comment trouver des proies sans chasser; à observer les arbres et observer le sol. Cela ne marchait pas toujours, mais si l'on était perdu, l'observation était de mise. Vous trouviez ainsi un cadavre d'oisillon au sol. Il était encore très récent, et le froid l'avait bien conservé. L'apprenti s'en saisit et tu lui en confias la garde pendant que tu lui fit remarquer le nid en hauteur, qu'il use de ses encombrantes ailes pour y quérir des oiseaux en ton absence.

Tu en trouvas un autre qui avait encore bien du mal avec le bruit que ses pattes causaient. Tu corrigeas ses postures, et lui montras le comportement à adapter en ayant un poids non négligeable en chassant sous ses yeux une souris de taille régulière. Elle ne survécut pas longtemps à ton attaque, rapide et précise. Une fois que tu fut certaine qu'il eut compris, tu allas veiller sur d'autres.

La fin de journée sonnait, et tu pensais avoir bien géré le temps que tu t'étais accordée. Ils avaient tous attrapé quelque chose, même négligeable. Quand à toi, tu avait réussit à attraper un oiseau plutôt gros peu avant; l'imprudent avait cru bon de dégager la terre afin de trouver quelques vers sous ton nez, te confondant avec les roches qui sortaient de la terre.

Ce n'était pas une journée perdue.

La chasse de cette journée ne fut pas très plaisante. Tu t'étais décidée à suivre les bordures de la citadelle, te consacrant très peu de temps certes à une courte recherche de proie. Tu ne t'attendais pas spécialement à trouver quoi que ce fut, mais tu ne pouvais nullement empêcher la déception de t'ennuyer au plus haut point lorsque tu ne trouvas rien. Ce manège dura de nombreuses et lourdes minutes, avant que tu ne daigne enfin attraper un petit serpent qui s'était glissé entre les champignons, coincé et stupide. C'était tout à fait dommage pour sa personne, mais malheureusement pour toi tu n'avais que très peu de temps à accorder à cela en cette froide matinée. Tu aurais à occuper une fois de plus tes fonctions, et tu ne pouvais donc absolument pas te permettre de divaguer à d'autres choses, quoi qu'elles furent utiles au camps.

Tu avais déjà entraîné les jeunes à cet exercice la veille, et ce depuis trois jours déjà. Il leur fallait désormais se diriger vers une route différente et moins générale; plus spécifique. Tu pensais déléguer ceux qui avaient quasiment fini leur entraînement vers des personnes aux formations plus notables et ainsi garder en cette semaine seuls les ignares, les jeunes et les faibles pour qui l'on devait choisir leur futur. Ainsi, tu rapportas ta prise au camps, te contentant de suivre ton habituelle ronde afin de cueillir au réveil ceux que tu assommerais d'exercice pour la journée.