A mon habitude, je sortais une fois par semaine de ma cache, près de la carcasse d'avion, afin de découvrir un peu le monde extérieur. Chaque fois, j'allais un peu plus loin, dans des directions différentes, en espérant tomber sur d'autres choses que ces anciennes plaines calcinées, ces villes en ruines et ces impacts creusés au sol par l'impact des bombes des Hommes.

Spectacle morose...

Mais parfois, tel une petite note d'espoir, une plante sauvage, une famille d'animaux, un arbre survivant debout, seul, au milieu de rien, apparaissent de ci de là et me permettent de déterminer si ma semaine serait bonne ou pas.

Drôle de coutume, mais vivre seul nous rend bizarre, hein ?

Une fois encore, la nuit étant ma complice, je me faufilais à l’extérieur, cette fois ci, je suivais l'odeur humide d'un endroit d'eau. Eau signifiait, végétation, vie et écosystème. Un bel endroit où aller, assurément.

L'air de la nuit était chaud et doux, une légère brise ébouriffait mes poils emmêlés. Quelle négligence...J'entrepris de me laver, la première fois depuis longtemps, de fond en combles. Une fois propre et plus présentable que d'habitude, Bien que je ne sache pas pourquoi j’accordais de l'importance à mon apparence, je continuais ma marche solitaire et tranquille d'une foulée légère et rapide, presque gaie.

Enfin une belle nuit ! Et j'avais rendez vous avec la lune, mon amie de toujours...

C'est dans cet état d’esprit positif que j'arrivais enfin au plan d'eau que j'avais déjà vu de loin et qui semblait être un étang. De petits poissons brillaient à sa surface trouble qui reflétait la lune. Le lieu était désert, seuls quelques insectes lumineux voletaient de ci et de là. Ils se reflétaient aussi dans l'eau, donnant un spectacle reposant et magnifique.

Je restais longtemps là, à écouter l'eau et à regarder les insectes et les poissons bouger dans l'eau ou autour. La nuit était assez étoilée, ce qui la rendait lumineuse et je put apercevoir de l'autre coté de l'eau une apparition.

Un chat se découpait en ombre chinoise sur fond de nuit bleue, comme illuminé par les insectes qui se réunirent mystérieusement près de lui. Mon premier réflexe fut de me cacher mais...

Non. Pas cette fois.

Je humais l'air. Un mâle Caméléon. Pas de danger immédiat. Je me levais et me rendais visible de l'autre rive. J'observais plus attentivement le nouveaux venu. Il était haut sur patte, portait des lunettes, du moins c'est ce qu'il semblait de loin en contre nuit. Mais le plus étrange, le plus intriguant, le plus attirant, c'était son livre.

Un livre volant, entouré d'une aura ténébreuse. Le mâle se tourna et je vis ses yeux violets lumineux, hypnotisant et profonds. Des yeux comme ça...Ils étaient...Ce qui me manquait le plus au monde. Des yeux magnifiques et intelligents, mis en valeur par ses lunettes reflétant la lumière de la lune et des lucioles.

Peu importe qui il était et qui j'étais pour lui, une envie irrésistible de lui parler m'empêcha de détourner le regard. Je voulais que lui aussi me voit, afin de pouvoir encore me plonger dans ses yeux énigmatiques.