Je baillais. Pas la chose la plus raffinée je vous l'accorde, mais comme j'avais dormis un peu moins de 5 heures cette nuit, je pouvais bien me l'autoriser. J'étais étendue sur mon matelas, et les rayons du soleil passaient à travers la fenêtre de ma chambre. Je grognais. Mon rêve était des meilleurs. Je courrais à la poursuite d'une souris, sans le poids de mon appartenance à l'Armée sur mon dos. J'étais une Solitaire. Groumph. Vivement que je quitte ce camp macabre, j'en avais un peu marre. Une sonnerie retentit dans mes oreilles. Je relevais la tête d'un coup, et jetais un œil à l'horloge. 10:21. Oh merde ! Je sautais d'un bond de mon lit et fit rapidement ma toilette. J'avais sauté l'heure à laquelle je me levais pour aller manger, sûrement en raison de mon sauvetage de la veille. Il m'avait épuisé ce sauvetage d'ailleurs, mais j'avais été tellement heureuse de voir le visage du petit Lupin s'illuminer aux abords de la ville que j'en avais oublié ma fatigue. Mais celle-ci me se rappelait à moi comme une mauvaise épine dans la patte, et je grimaçais. Ayant finis ma toilette, je m'approchais de la porte automatique menant à l'extérieur et sortais dans le couloir. Avec un peu de chance, le repas serait toujours servis pour que je puisse manger. Je n'avais pas particulièrement envie de la pâté pourrie du self, mais la maigre proie d'hier n'était pas suffisante à mes besoins.

Je descendis donc rapidement les escaliers menant au premier étage, et croisais quelques chats. Parmi eux je reconnu Variis, celui qui m'avait aidée pour mon dernier entraînement, et Lupin qui me salua en trottinant. Brave petit... J'étais complètement gaga des bleus, c'était horrible.

Arrivant dans la pièce, je vis une poignée de chats avachis devant leur gamelle, tel des zombies en décomposition. Beurk. L'Armée n'était vraiment plus ce qu'elle était à mon arrivée. La plupart de ces chats là était des première ligne, mais c'était pas forcément le mental qui comptait pour accéder à ce rang. Je me ressaisis. Levant la tête, je passais devant les rangées de tables et croisais le regard de Clis, le sale matou d'hier. Il mima avec sa griffe ma « future » décapitation et je l'ignorais royalement. Je pris la gamelle qu'on me tendais et allais m'asseoir à ma place. C'est à dire le plus loin possible de Clis. Je ne pourrais éviter longtemps son esprit vengeur, mais là je n'étais pas du tout d'humeur à me battre. J'étais fatiguée, et j'allais me recoucher.

Absorbée dans mes pensées, je n'entendis pas le chat se poster derrière moi, et me lancer d'un chuchotement :

« Alors, yeux qui tremblotent, tu as bien pris soin du petit Lupin ? »

Je levais les yeux au ciel et poussais un soupir. Je me retournais et assenais un coup de « mes yeux qui tremblotent » dans le regard de la première ligne.

« Clis, je ne cherche pas la guerre, mais tu sais que si nous la faisions, je gagnerais. Alors sois gentil et écarte toi de mon chemin, cornes de chèvres. »

C'était une maigre insulte face à ce qu'il venait de dire, puisque ses cornes étaient le fruit d'une mutation génétique, mais je me contenterais de ça. Je le vis me lancer un regard noir et s'écarter, conscient que ce que je venais de dire était la vérité. Clis était peut être un première ligne, mais il ne maîtrisait pas suffisamment son pouvoir pour m'atteindre, et je me relevais toujours. Malheureusement, je savais que si j'avais l'avantage sur le Soldat en cas de combat, ce n'était sûrement pas le cas sur les autres membres de l'Armée, et qu'il fallait que je m’entraîne.

Je finissais donc mon plat en silence et remontais dans ma chambre. Quand j'arrivais dans mon couloir, je ne prêtais pas attention aux chats devant moi, et atterrissais pile dans la face d'un grand matou gris et bleu, que je connaissais pour l'avoir déjà vu de loin. Je lui étais rentré dedans, et je croisais ses petits yeux bleus électriques de Soldat, et ouvrais grand la bouche. Je la refermais. Le chat était grand, gris strié de bleu et blanc. Je pouvais deviner ses coussinets bleus et me rappelais d'un seul coup son pouvoir. Il pouvait faire « jaillir » de l'électricité de ses pattes. Juste en touchant. Ou quelque chose dans le genre je crois, mais j'avais entendu quelque part qu'il ne pouvait pas la projeter en grands arc électriques. Je le dévisageais, et me creusais la tête pour retrouver son nom. Il avait l'air un peu plus jeune que moi, sans pour autant être un gamin, et je devinais une maturité que peu de soldats avaient dans son regard. J'eus soudain la conscience du tremblement de mes yeux, et les baissais immédiatement. Si c'était pour qu'il m'appelle « yeux qui tremblotent » comme Clis, mieux valait qu'il ne les voit pas trop longtemps. Je bredouillais :

« Ah euh désolée Kaigon ? Je t'avais pas vu désolée j'ai pas fait exprès. »

J'avais beau être plus âgée que lui, il émanait une sorte d'aura imposante qui me forçais à m'excuser platement. Je relevais mes yeux bleus vers lui, et le regardais. Nous étions seuls dans le couloir, et si jamais il lui prenait l'envie de m'attaquer, je devinais que la seule solution serait de fuir. J'empêchais mes pattes de trembler de stress (sûrement de fatigue aussi) et passais ma langue sur mes babines pour lécher le reste de pâté qui y était. Aussi pour me concentrer sur autre chose je l'avoue, mais ça il n'avait pas besoin de le savoir. Je reprenais de l'assurance, et souris. J'avais tenté un prénom, sachant que son patronyme commençait par le son « kai », mais je ne savais pas vraiment si j'avais réussis. Je me calmais et continuais de l'observer, mes yeux droits dans les siens.

Franchement, tout partait pour être une bonne journée. J'avais bien dormi, je me sentais en forme, mes retrouvailles avec Opaline me rendaient tout simplement heureux. Ces derniers jours, j'avais le coeur léger et non plus sombre et lourd comme trop souvent par le passé. Je découvrais petit à petit ces étranges sensations de picotements dans l'estomac, ce très léger sourire qui pendait toujours sur mes lèvres et le regard plus enjoué qui illuminait mon visage. Bien sûr, je n'étais pas passé de félin agressif à bisounours bienheureux. Non, je restais moi-même. Un chat méfiant au sale caractère, pessimiste et moqueur. Mais également un chat plus heureux de vivre.
Je m'étais laissé dormir même si mon corps m'avait naturellement réveillé à l'heure du déjeuner. J'avais mangé les croquettes en me disant plus que jamais qu'un jour, je me nourrirai de vraies proies chez les Capraes en compagnie d'Opaline et de Gwei. Le futur s'annonçait merveilleux. J'étais retourné dans ma chambre quelques temps pour faire ma toilette et me reposer de la façon la plus paresseuse qui soit, avant de sortir à nouveau. Il était temps de se bouger les pattes.
Mais c'est en marchant vers la sortie que quelqu'un me percuta droit dans la face. Je grimaçai par réflexe suite à ce contact indésirable et observait instinctivement celui ou celle qui n'était pas assez attentif. Il s'agissait d'une femelle bleue d'à peu près mon âge. J'avais certainement déjà dû la croiser sans vraiment y prêter attention. Je ne connaissais d'ailleurs pas son nom. Elle m'observait elle aussi avant de baisser soudainement les yeux et de bredouiller timidement quelques mots.

- Ah euh désolée Kaigon ? Je t'avais pas vu désolée j'ai pas fait exprès.

Elle releva le regard et tenta un sourire, peut-être plus en confiance. Je ne devais pas être très effrayant dis-donc. Les chats que je rencontrais passaient leur temps à être apeurés quelques secondes avant de se détendre immédiatement. Respectez moi un minimum bordel allez. Pour couronner le tout, cette demoiselle s'était trompée de nom, je ne la félicitai pas. Je remuai une oreille dans un tic agacé en lui répondant.

- Juste Kaï. Et ton nom est ?

Mon ton n'était pas particulièrement amical, sans être froid. J'étais neutre avec une pointe d'agacement d'avoir été percuté puis mal appelé de la sorte. Néanmoins, j'étais dans un bon jour, ou plutôt dans une bonne nouvelle vie pleine d'espoir. Alors je soupirai d'un air blasé et repris la parole d'un ton moins agacé, finissant même sur une pointe d'humour.

- Sois plus attentive, tous les soldats ne sont pas aussi conciliants et géniaux que moi.

J’arquais un sourcil, comme si mes précédentes paroles étaient la pure vérité à n'en pas douter. Ma foi, elle n'avait pas l'air bien méchante. Je tournai la tête pour observer le félin qui passait à côté de nous pour rentrer dans sa chambre. Il tenait dans sa gueule une sorte de petite boule cotonneuse, visiblement fier d'avoir trouvé le végétal. Décidément, certains se contentaient de bien peu.

Le membre 'Kaïgaan' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

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'Dé du Jardin' :

Il m'avait l'air sympathique ce chat, même s'il avait des rayures bleues sur le pelage. J'avoue que c'était un peu étrange, mais bon, quand on compare ça à des chats aux yeux violets, c'était mieux. Je le regardais toujours quand une de ses oreilles bougea, sûrement pour exprimer son mécontentement. Aïe. Je m'étais sûrement trompée de nom. Mais qu'est-ce que c'était alors ? Je réfléchis. Kaigin, Kaiman, ah. Kai-gaan. Aussi, qu'elle idée d'avoir un nom aussi compliqué. J'allais corriger mon erreur quand il rétorqua d'une voix claire :

« Juste Kai. Et ton nom est ? »

Bon. Heureusement il ne m'avait jamais aperçue plus que ça, sinon il se serait souvenu de mon nom. Ou peut être pas. J'étais pas le genre de chatte dont on se souvient, même pour un camarade d'Armée.

Son ton avait un peu fait retomber toute la confiance que j'avais pu prendre, mais je me repris, pouvant comprendre son mécontentement. D'ailleurs, il ajouta avec une touche d'humour :

« Sois plus attentive, tous les Soldats ne sont pas aussi conciliants et géniaux que moi. »

Sa remarque m'arracha un sourire. Je ne connaissais pas beaucoup Kai, tout ce que je savais de lui était qu'il était amouraché avec Opaline, une ancienne membre du Royaume. Pourquoi pas après tout, en plus cette femelle était jolie, avec ses oreilles en feu et ses nombreuses queues. Mais je préférais quand même n'avoir aucune modification, c'était plus simple.

Un jeune chat passa près de nous, une boule non-identifiée dans la gueule. Il rentra dans sa chambre, et nous fumes de nouveau seuls. Sûrement plus pour longtemps. J'ouvrais la gueule pour mettre fin au silence qu'avait suivi sa réplique, et dis :

« Moi c'est Nott. Seconde ligne. Enchantée. Et je me doute bien que certains des félins d'ici sont un peu plus susceptibles que toi. Certains sont de vraies tête à claques. » Je pouffais.

Peut être un peu trop détendue. Mais il n'avait pas l'air méchant, et semblait avoir le sens de l'humour. Je ne sais pourquoi mais je commençais à lui faire la conversation. De toutes façons si son ton redevenait froid, j'arrêterais. Mais je devais bien tenter, il m'avait l'air sympathique.

« Et donc Kai. Ok, je me souviens maintenant, Kaigaan. Désolée de m'être trompée, j'ai pas une super bonne mémoire des prénoms. Et sinon... T'es là depuis longtemps ? Parce que depuis que je suis arrivée je te croise mais vu que tu as l'air plus jeune que moi je sais pas. Au passage vous êtes trop mignons avec Opaline, vous allez bien ensemble. »

Je grimaçais intérieurement. Je n'étais vraiment pas douée pour les relations sociales, et ça se voyait dans mes paroles. Le regard des autres tout ça c'était pas vraiment mon fort, et j’espérais juste ne pas avoir été trop gênante avec lui, parce que sinon ça ne le ferais pas, mais alors pas du tout.

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'Dé du Jardin' :

Ma réplique lui arracha un petit sourire et je constatais avec soulagement qu'elle ne faisait pas partie de ces idiots qui prenaient la grappe à la moindre remarque. Enfin, ce n'était peut-être qu'un coup de chance. Elle était couverte de ce qui semblait être des cicatrices et je devais avoir l'air bien peu combattant à côté d'elle. Il faut dire que j'évitais le danger, ne cherchant que rarement à me blesser pour quoi que ce soit. Mais depuis quelques mois, j'hésitais moins, je prenais des risques pour les autres. La faute principalement à Gwei et Opaline qui, en plus de me rendre heureux, avaient donné un sens à ma vie et me rendaient plus fort chaque jour.
Après qu'un autre chat soit passé à côté de nous avec, une nouvelle fois, une sorte de boule de coton -décidément, il y en avait partout, la demoiselle me répondit d'un ton plus amical.

- Moi c'est Nott. Seconde ligne. Enchantée. Et je me doute bien que certains des félins d'ici sont un peu plus susceptibles que toi. Certains sont de vraies tête à claques.

Elle ponctua sa réplique d'un petit rire qui lui-même m'arracha un sourire en coin. Doux Jésus, elle n'était pas idiote. Mieux, elle trouvait les soldats que je haïssais complètement idiots. Oui, c'était parti pour être une bonne journée, débutant par une belle rencontre. J'avais déjà croisé plusieurs fois cette femelle, sans jamais vraiment m'y attarder. Les soldats étaient tous pareils, je ne voulais pas faire leur connaissance si ce n'est pour des missions. Mais cette chatte, tout comme Nishari avant elle, me prouvait que j'avais tord quant à réunir tout le monde dans le même sac. Et puis après tout, je faisais également partie de l'Armée, j'avais tendance à l'oublier à force de ne penser qu'aux Capraes.

- Et donc Kai. Ok, je me souviens maintenant, Kaigaan. Désolée de m'être trompée, j'ai pas une super bonne mémoire des prénoms. Et sinon... T'es là depuis longtemps ? Parce que depuis que je suis arrivée je te croise mais vu que tu as l'air plus jeune que moi je sais pas. Au passage vous êtes trop mignons avec Opaline, vous allez bien ensemble.

J'allais lui répondre que pour ma part, je pensais que nous avions le même âge quand elle mentionna Opaline. Pire, elle était au courant que nous étions ensemble. Comment ? Je me tendis instinctivement tout en essayant de cacher mon début de stress. Non, je ne devais pas m'en faire. Même si j'avais encore du mal à m'y faire, Opaline était maintenant une soldate, de mon propre camp. Et même si elle était une ancienne Caprae, rien ne m'interdisait de la fréquenter. J'étais encore bloqué au temps pas si ancien où je devais à tout prix cacher mon amour pour une ennemie. Le fait est que je n'avais plus à me cacher et me brider, du moins sur ce point. Je restais tout de même un soldat préparant une évasion massive de prisonniers avec l'aide d'un ami Caprae. Un traitre en somme.
Après avoir baissé les yeux en stressant un instant, je relevais le regard, plus détendu. Je n'avais rien à me reprocher avec Opaline, plus maintenant. Comment Nott avait su n'était qu'un détail. Il faut dire qu'à la caserne, la moindre rumeur se répandait à une vitesse folle. Je soupirai pour finir de redevenir le félin calme et détendu de ce début de conversation avant de reprendre la parole, l'air un peu blasé.

- Merci, je suppose. Je n'ai pas l'habitude de parler de ça...

Il faut dire que je n'avais jamais confié mon amour à qui que ce soit, excepté Gwei. Alors le dire face à une soldate, vous imaginez mon malaise. J'allais m'y faire, petit à petit, je suppose... J'enchainais donc rapidement sur sa première interrogation, n'aimant pas vraiment répandre ma vie privée au beau milieu d'un couloir rempli de soldats commères.

- Je suis dans l'Armée depuis ma naissance. Soit depuis trois ans finalement.

J'omettais le fait que je m'étais toujours débrouillé pour ne pas trop me mettre en danger, ce qui expliquait mon corps encore assez intact. Durant les deux premières années de ma vie, jamais on n'avait chat plus lâche. Je faisais le malin mais fuyait les combat, craignant la mort avec une ardeur inégalée. Peu à peu et au fil des rencontres, surtout avec ce que j'étais censé considérer comme des ennemis, ma peur avait diminué, jusqu'à presque complétement disparaitre. J'étais devenu un combattant, un vrai. Et cela expliquait l’augmentation spectaculaire de mon rythme d'apparition de nouvelles cicatrices. Des brûlures causées par mon pouvoir aux pattes, une vilaine morsure gravée à jamais sur ma patte avant gauche et ma gorge marquée par les crocs d'une expérience ratée. C'était bien moins que la plupart des soldats plus casse-cou tout de même. Je continuais la conversation, plus calme et me montrant plus amical maintenant qu'elle avait mon attention.

- Tu es aussi née ici ? J'ai toujours du mal à imaginer un félin sauvage passer dans le camp de ses ennemis.

J'avais bien fait attention à utiliser le terme "sauvage" et pas "libre" comme j'avais l'habitude de le faire. Nott avait beau sembler sympathique, je ne devais pas oublier qu'elle restait une soldate. A moins qu'elle ne soit aussi fidèle que moi à son camp, les chats en dehors de la caserne étaient pour elle des ennemis à capturer, pas à rejoindre une fois évadé.

Hors Rp :

Il semblait vraiment amical. J'avais peut être été trop intrusive en lui parlant d'Opaline, mais bon, quand je remarquais quelque chose d'aussi mignon que ça, je ne pouvais m'empêcher de le faire remarquer au concerné. Mais ce n'était pas vraiment quelque chose qui se voyait tant que ça si on était pas proche du couple, donc j'évitais de le crier sur tous les toits. Surtout que ce n'était pas vraiment mes affaires. Ma petite pique envers les autres Soldats lui arracha un sourire, ce qui me fit me détendre. Peut être que je n'étais pas trop nulle là dedans finalement. Je me calmais quand même. J'avais indirectement lâché que je n'aimais pas certains Soldats, et si Kaigaan était du genre à tout prendre au pied de la lettre et à rapporter aux supérieurs, ça pourrait me valoir des représailles. Mieux valait ne pas trop montrer mon antipathie pour l'Armée tout de suite. Peut être plus tard, quand j'aurais mieux cerné son caractère. Mais en tout cas, pas maintenant.

D'ailleurs, quand je parlais d'Opaline, il paru se crisper un peu. Je regrettais mes paroles. Peut être qu'il n'aimait pas que les autres chats soient au courant pour eux, ce que je pouvais parfaitement comprendre. Opaline était une nouvelle recrue, et moi même je ne savais pas d'où elle venait. Mais bon, qu'elle soit Solitaire ou ancienne Ophéis, qu'est-ce que ça pouvait faire ? En plus, c'était tout à son honneur d'appartenir anciennement à une guilde, et j'étais désolée si elle avait été capturée et mise de force ici. Pour ma part, après ma capture, j'avais longuement été désagréable avec tout ce qui m'approchais, et encore un peu maintenant, vu que je songeais à m'échapper. Je n'attendais plus que le bon prétexte et je partirais. Loin. Je ne voulais plus rien avoir à faire avec les Soldats, même si je savais qu'il ne fallait pas faire une généralité des personnalités. Il pouvait y avoir des gens bien, qui partageaient mon avis sur l'Armée. Mais bon, la grande majorité des félins ici présents ne pensaient qu'à exterminer ou embobiner tous les Caprae, Ophéis et compagnie.

Je reportais mon attention sur Kai, qui avait légèrement baissé le regard, puis le ramena sur moi. Il eu l'air de se détendre et me répondis finalement :

« Merci, je suppose. Je n'ai pas l'habitude de parler de ça... »

Oui, donc peu de gens étaient au courant. Je fermerais encore plus ma gueule à l'avenir. Je lui souris, compatissante, quand il répondis à ma première question.

« Je suis dans l'Armée depuis ma naissance. Soit depuis trois ans finalement. »

Ah, donc pas forcément plus jeune que moi. Il les faisait pourtant, avec son corps pas trop strié de cicatrices. Il faut dire que moi non plus je n'avais pas de grande balafre comme d'autres, mais il faisait plus jeune qu'il ne l'était. M'enfin, tant mieux pour lui, c'était sûrement un avantage si on partait du principe que quand il aurait dix ans il en ferait huit. Si on partait de ce principe. Je pouvais quand même voir des lignes blanches à sa gorge, et des traces de morsures sur ses pattes. Oui, il avait quand même combattu. Ce qui était bien, il devait être fort.

Il continua à me parler en me posant une question à laquelle je m'attendais un peu, mais qui me surpris quand même :

« Tu es aussi née ici ? J'ai toujours du mal à imaginer un félin sauvage passer dans le camp de ses ennemis. »

Je me raidis légèrement, stressant un peu. Je baissais les yeux à mon tour et les remontais vers les siens. Je n'avais pas pour habitude de faire confiance au premier venu, et encore moins un Soldat. Si je lui disait ce que j'avais fait, il fallait au moins que je fasse attention à mes mots. Une seule parole de travers et je pouvais me retrouver encerclée par des supérieurs un peu trop agressifs qui se feraient une joie de me ratatiner. Je réfléchis rapidement. Je ne devais pas lui dire clairement ce que je ressentais vis à vis de l'Armée. Il était peut être sympathique, mais je ne le connaissais que depuis quelques minutes, mieux valait se méfier. Mais quand je regardais ses yeux bleus, je me dis qu'il ne pouvait finalement rien arriver. Il avait l'air sincère, et peut être pourrait-il garder ça pour lui. J'ouvris la bouche. Il était trop tard, je ne pouvais pas la refermer, au risque de paraître encore plus hésitante. Je me lançais.

« Non. Je suis née en Solitaire. Ma mère m'a abandonnée devant la caserne et c'est là que j'ai subi l'expérience. Je me suis enfuie mais j'ai été rattrapée par l'Armée. J'ai perdu mon plus proche ami dans la bataille. »

J'avais clairement exprimé mon ressentiment en appuyant sur les mots. Je n'allais pas en dire plus, les murs avaient des oreilles par ici, surtout dans les couloirs, mais Kaigaan comprendrait peu être. Je fus tout de même prise d'un doute. Si ça se trouve, il dirait tout aux autres chats, et je serais mal barrée. Je ne voulais pas être rattrapée par les humains. Ils pourraient me tuer, et encore je m'en fichais un peu. Mais ils pourraient faire pire que ça. Je le savais. Et je ne voulais pas de ça. Je ravalais ma peur et le regardais. Si Kai rapportait tout, il ne me resterait qu'à fuir. En revanche, s'il était comme moi, j'aurais peut être gagné un allié là dedans. Et ça c'était non-négligeable.

Etait-ce mon imagination ou Nott venait de se tendre légèrement ? Il me semblait avoir touché une corde sensible, comme elle avec moi juste avant finalement. Chaque chat avait son histoire ici et même si le nombre de soldat que je respectais tenait sur les doigts d'une patte, je ne pouvais nier que certains avaient bien souffert. Ils étaient nés dans l'armée, ils étaient capturés, ils étaient brisés, ils avaient quitté leur guilde... Chaque histoire était unique. Mais la mienne était plutôt banale. Je n'avais pas voyagé, ni changé de guilde. Je ne savais rien de l'immensité du monde ou de la difficulté de vivre en dehors de l'Armée. J'allais arriver chez les Capraes comme un prince bien en chair et me prendre une grosse claque par la réalité. Nott finit par me répondre. Elle semblait être passée du stress au calme en un clin d'oeil. Elle ne ressemblait pas à ce genre de chat qui panique au moindre problème...

- Non. Je suis née en Solitaire. Ma mère m'a abandonnée devant la caserne et c'est là que j'ai subi l'expérience. Je me suis enfuie mais j'ai été rattrapée par l'Armée. J'ai perdu mon plus proche ami dans la bataille.

Je dressai les oreilles. Son discours était loin de ressembler à quelqu'un adorant sa guilde et prêt à tout pour la défendre. Je n'entendais que "on m'a forcée, je ne voulais pas, on m'a pris quelqu'un de cher". Ce qui était certain, c'est qu'elle n'avait jamais voulu être soldate et que l'Armée lui avait plus pris qu'elle ne lui avait donné. Je plissais légèrement les yeux sans pour autant avoir l'air de chercher à lire en elle. Avait-elle parlé sans réfléchir ? Non, elle ne semblait pas être du genre à foncer sans penser. Tentait-elle de me faire confiance, de se confier ? Dans tous les cas, j’espérai qu'elle ne me dise pas ça en sachant que je n'étais pas fidèle au Hommes. Car si elle le savait, d'autres le pourraient aussi et je pourrai être en danger. Et bien, j'avais beau ressentir le bonheur d'avoir retrouvé Opaline, rien ni personne ne pourrait m'enlever ma légendaire méfiance. J'allais répondre quelque chose pour avoir plus d'information sur sa vision de l'armée quand un supérieur s'approcha de nous, l'air grave. Oh non, les ennuis commençaient. Je poussais un soupir blasé et me tournai vers lui, invitant Nott à faire de même. Plus vite il nous aura sorti son baratin, plus vite nous pourrions être tranquilles.