Souffrance. Mensonges.
Morts. Abandons.
Tels sont les mots qui ont régis ma vie. Et ce, depuis ma naissance.
Aussi loin que je me souvienne, j’ai souffert. Peu après notre naissance, Ethlya, notre mère, nous a abandonnés mon frère, ma sœur, et moi. Premier mot. Devant le laboratoire des humains, elle nous a déposés, nous, tremblants, morts de peur. Elle est partie après. La seule chose dont je me souvienne d’elle est son prénom, et sa queue blanche sur son corps noir s’évanouissant sous la pluie. Nott, ma sœur, la plus âgée de la portée, s’était mise à miauler pour qu’on vienne nous aider. Mais les personnes qui sont arrivées n’étaient pas les bonnes.
Des blouses blanches. Deux, trois, pas plus, mais des blouses blanches sont venues. Sans se soucier de nos plaintes, ils nous ont empoignés, et nous ont amenés à l’intérieur du complexe. Nott, Balder et moi fûmes entrainés dans des cages, sous les regards curieux de dizaines de chats aux apparences des plus biscornues. Des cornes d’un côté, trois queux fluos de l’autre, bref, je croyais être sous l’emprise de drogues.
On y resta deux heures. Deux heures pendant lesquelles des miaulements assourdissants résonnaient dans la petite pièce noire. Au terme de ces heures d’attentes, ce que je supposais être un infirmier arriva devant notre cage. Il hurla quelques mots que je ne saisis pas, et des gardes nous empoignèrent. Je bougeais de partout, perdais quelques touffes noires, mais rien n’y faisait, ils ne me lâchaient pas. Ce n’est qu’au bout de cinq minutes de lutte que je me retrouvais, essoufflée, sur un genre de petit lit médical. Tout blanc. Un mauvais pressentiment m’envahit. Je me retournais, et vis avec horreur une seringue se planter dans mon cou, injectant un produit que je suspectais nocif. Souffrance.
Je reprenais connaissance quelques heures plus tard, et senti directement que quelque chose n’allait pas. Déjà, je ne voyais plus mes pattes. Et ensuite, deux points violets se reflétaient sous moi, suivant les mouvements de mon regard. Mais aussi, je sentais quelque chose en moi. Quelque chose de puissant. Quand je vis arriver le Soldat, je lui sautais à la gorge.
« Que se passe t’il ? »
- Calme toi Hel, tu es l’une des notre maintenant. »
Une phrase. Toute simple. Cela suffit pourtant à me plonger dans une crise de spasmes.
Je me réveillais dans une cage. Devant mes yeux, Balder, à ma gauche, Nott. Rien qu’inquiétant. Si ce n’est la légère teinte blanchâtre fluorescente qu’avaient pris les yeux de ma sœur. Ah et aussi, le fait que Balder crachait du sang. Non, rien de bien inquiétant, bien sûr. Pour moi en tout cas, non. Je devais être shootée un peu, parce que voir mon frère se vider de son sang, ça aurait du être alarmant. Toujours est-il que, quelques minutes plus tard, des médecins se sont pressés autour de lui. Ils parlèrent un peu, puis s’écartèrent, et laissèrent un garde s’occuper du cadavre de mon frère. Mort. Nott eu plus de chance. J’appris au fur et à mesure du temps qu’elle pouvait faire « tomber » la nuit, comme créer une éclipse en fait. Ses yeux étaient devenus d’un blanc laiteux, mais elle voyait toujours, et ses griffes étaient fluorescentes. Quant à moi, mon corps était devenu transparent, et j’avais eu la pire chiasse du monde en termes de pouvoir.
Personne ne pouvait m’approcher, même ma propre sœur me fuyait. A la caserne, au lieu de mon vrai prénom, Sif, on commençait à m'appeler Hel.
Et c’est sûrement à cause de moi qu’elle est partie.
D’après les autres Soldats de la caverne, elle aurait réussi à déserter et serait partie rejoindre les Félinaes. Je ne sais pas, tout ce que je sais c’est qu’elle m’a abandonnée, et je ne lui pardonnerai jamais ça. Mensonge.