La pluie ce déverse à grand flot autour de nous. L'eau coule sur le sol, envahi le ciel, la terre. Tout se trouve maintenant à sa merci. La pluie couvre tout comme un manteau brumeux, brouillant nos vues, si faible qu'elles soient déjà. La terre sous nos pattes semblent instables, et rapidement on s'y enfonce comme dans un piège mortelle. L'averse trouve le moyen de rentrer dans notre pelage, nous trempe jusqu'aux os. Bientôt, nous grelottons, impuissant sous cette rafale folle. Plus rien ne peut empêcher l'orage de faire ce que bon lui semble. Il est comme maître maintenant. Un éclaire soudain zigzag dans le ciel, nous illumine de son flash. Tout animaux encore dehors sous cette tempête furent à ce moment précis hors de porter de vue, ayant pris la fuite dans l'espoir de trouver une cachette en attendant la fin de l'averse. Mais voilà qu'un animal à oublier de se cacher. Une silhouette ce dessine dans le brouillard qui se fracasse en mille éclats au sol. Celle d'une féline, semblant sûrement inconsciente, à rester ici avec de temps. Moi.
Je ne sais comment je me suis retrouvée là, dans cet endroit lugubre. Un endroit qui semble régner la mort, autrefois. Des grandes roches taillées par les hommes y résident, et les hautes herbes semblent avoir pris possession de ces lieux. Sur celle-ci sont gravées des choses dont l'on n'y comprend rien. Il a beau faire jour, les nuages empêchent à qui que ce soit de percevoir la lumière du soleil. Et puis voilà, je m'avance. Jusque là, j'étais assise au milieu de l'endroit désert, le regard perdu dans le vide. Mais l'éclair me réveilla de mon sommeil. Je me redresse sur mes pattes, la boue colle à mon pelage, ce mélange presque à lui. Ils ne font plus qu'un. Je ne fais plus qu'un avec l'eau et la terre. Je grimace, je déteste me salir, surtout les pattes. Mais je passe outre, il pleut, je le rappelle. Le regard sombre, lentement, me dirige vers un coin en dessous d'une muraille. Je m'assois et cale ma tête contre le mur, vers l'arrière. Que fais-je ici, déjà ? J'essaye en vint d'interroger mes souvenirs, mais la pluie semble tout faire pour me déconcentrer. Regardant autour de moi, je grogne.

« Vie de merde va... »

« Tu sais que ça pourrait être pire ? Vraiment pire Këzal. Pense à tout ce que l'on a fait ensemble, ce qu'il t'est arrivé, et puis auss-... »

« Ta gueule Anna, on s'en fiche. Cordialement~ »

« Izaak, pourquoi tu parles comme ça ? La violence ne sert à ri-.... »

« Ouhouh les filles, vous ne voyez pas qu'elle essaye de se souvenir d'un truc là ? Laissez là tranquille ! »

Je soupire. Pourquoi il a fallu que j'entende tout ce monde dans ma tête, pourquoi ? Il est vrai que cela arrive à beaucoup de personnes, mais je n'aurais jamais voulu connaître ça... Je redresse ma tête, fermant les yeux. La pluie glisse sur mon visage, faisant glisser ma tristesse sur le sol. Soudain le tonnerre de l'éclaire précédent résonne dans le lieu abandonné où je me trouve, faisant vibrer la terre. Je baisse la tête et je remarque enfin ce pourquoi je me trouve ici. Mon bandana n'est pas à mon cou, et ma cicatrice est à découvert. J'écarquille les yeux, et comment à paniquer. Si mon bandana n'est pas là, il est forcément quelque part ici, ce pourquoi je suis là. Tout est clair maintenant ! Je me redresse d'un bond, puis commence à chercher dans les environs. Malheureusement, avec ma mauvaise vue, j'ai du mal à trouver quoi que ce soit. Mais, aussi têtue que je puisse être, je continue, encore et encore. Un nouvel éclair brise le ciel en deux. Je relève la tête pendant ce court instant, cherchant mon bien dans le flash de lumière ephémère. Mais, hélas, rien. Je soupire, mon regard retombant vers le sol. Et me voilà qui déprime. À quoi bon ? Il faudrait attendre que la tempête ce calme pour que je retrouve mon bandana. Mes cornes, déjà bleuâtre, vire au bleu. Mes yeux et ma cicatrice les suivent. Je retombe à l'endroit où je me réside depuis quelque instant, dévisageant une flaque en dessous de mes pattes.

Plic
Ploc
Plic
Ploc

Les gouttes qui tombent troublent notre reflet, le reflet d'une sans visage. D'une personne qui ne sait pas qui elle est vraiment, en dessous de ce masque. Mais, elles forment également une mélodie. Sur le moment, on n'entend que la pluie. Et puis, en oubliant que l'eau est là, on entend une sorte de musique. Une musique incroyable, une mélodie douce. Une mélodie qui donne envie de se redresser plus haut, plus vite. Une mélodie qui efface votre mémoire, qui vous fait oublier pourquoi vous êtes là. Une mélodie, aussi simple qu'elle soit, qui vous entraine avec elle. Une mélodie qui m'invite à rentrer dans sa danse. Je lève ma patte droite et commence à chatouiller mon reflet dans l'eau, mes yeux recommence alors à pétiller, et bientôt, me voilà en train de jouer. Je ne vois plus rien autour, tout est flou. Juste la flaque est moi. Mon sang vire lentement au jaune, un sourire ce dessine sur mes babines. Et me voilà, en train de sauter partout comme une folle, essayant d'attraper les gouttes dans le ciel. Me voilà bien, tient. Je n'écoute plus ce que me disent les autres, c'est Victoire qui a le contrôle. Elle me laisse m'amuser, car ça lui faisait de la peine de me voir comme ça. Et me voilà. Me voilà enfin. Je suis là. Je joue. Je saute. L'eau vole autour de nous tous, je bondis de flaque en flaque, je danse sur le rythme endiablé de la pluie. Voilà pourquoi je suis là.

Car la vie n'apparient qu'à moi, maintenant.