Kodaï marchait depuis un moment déjà, en quête d'eau. Une chaleur inhabituelle, même pour la saison, stagnait dans l'air et changeait le moindre rayon de soleil en véritable feu d'enfer immatériel. De plus, une étrange odeur régnait, ce qui rendait les périples à travers la forêt encore plus fatigants. L'insipide bruissement de l'herbe sèche allait faire perdre la raison au matou quand soudain il s'arrêta. Ses oreilles frémirent, ''de l'eau !''. Il ne devait pas être très loin du ruisseau ou ce qu'il en restait tout du moins. Une simple pensée à ce lieu le ramena loin, très loin dans le passé. C'est ici qu'il avait rencontré son premier vrai ami. Neon. Ils avaient passés une bonne partie de la matinée à s'éclabousser dans le cours d'eau ressemblant à un torrent à l'époque. Qu'ils s'étaient amusés ! Dès lors ils passaient leurs journées ensembles, ou presque, quand la compagne, les enfants, ou le travail de Kodaï ne lui accaparaient pas tout son temps. Quelle ne fut sa stupeur quand il apprit que celui ci avait disparu. Il avait quitté ses fonctions pendant quelques jours et restait à prendre racines dans sa tanière, les yeux perdus dans le vide. Enfin, tout cela appartenait au passé, cela ne servait à rien de ruminer tout ça. Kodaï continua dans la direction du bruit d'écoulement qu'il avait intercepté grâce à ses grandes esgourdes.

A mesure qu'il marchait, le sol, les arbres, les buissons ainsi que chaque brins d'herbe lui semblait familier. Il entendait distinctement le ruisseau maintenant. Quand il l'atteignit, il prit la décision de le suivre en aval avant de se désaltérer, car, pour une raison obscure, il tenait à sentir le fluide revigorant à l'endroit où il avait rencontré Neon. En véritable Superchatmaishumainquandmême, ignorait la déshydratation croissante pour écouter ses émotions. C'est alors qu'une forte odeur le prit à la gorge. "Un soldat !''. Il ne s'attendait pas à en croiser un même si il savait qu'à chaleur extrême pouvait s'allier comportements irrationnels. Il l'entendait distinctement se rouler dans le mince filet d'eau un peu vaseux. Ce devait être un barbare pour faire ça, alors même que le monde se transformait en fournaise. Kodaï ne prit pas la peine de se mettre derrière le vent car celui-ci était inexistant. De toute manière le matou devait probablement être trop occupé à faire l'enfant pour l'avoir repéré. Kodaï ne cherchait pas la bagarre. Cela aurait été stupide de se battre alors qu'il ne devait posséder que 40% de sa force habituelle. De plus Kodaï n'est pas d'humeur à agresser les gens qui ne lui ont encore rien fait. Il s'approcha donc de la source du tapage.

Un soldat se vautrait allègrement dans le mince cours d'eau, pas plus large qu'une branche de taille moyenne. Celui-ci avait un beau pelage noir et blanc, avec des formes en spirales sur le prolongement entre ses épaules et ses pattes avants. Ses yeux étaient noirs comme le jais. Ses poils pendouillaient, il était un peu ridicule mais n'avait pas l'ai hostile. L'inconnu se retourna, il devait l'avoir repéré. Kodaï s'avança et se planta face à lui tout en prenant la voix la plus amicale possible.

- Salut ! Toi aussi tu es venu te désaltérer par cette ignoble chaleur ? Je sens à ton odeur que tu es un soldat, et je ne t'en tiendrais pas rigueur ne t'en fais pas. L'eau est à tout le monde et seule dame nature peut décider de qui a le droit d'en prendre. Comment t'appelles-tu ?

Kodaï espérait secrètement se faire un nouvel ami. La disparition de Neon avait vraiment creusée un vide dans son coeur, et il y avait si longtemps qu'il n'avait pas essayé de se réouvrir aux autres.