Anchanté.
Caractère:
- résumé de ce qu'il est/ses traits de caractère si vous avez la flemme de lire:
pessimiste - évite les conversations - arrogant mais anxieux - curieux d'histoire - peu sociable au premier regard - mature - peureux - sincère/franc - grand penseur - ironique - insulte et injure souvent malgré un langage soutenu - valorise le respect - peu loyal aux soldats mais fait son job sans regrets
On ne peut pas tout à fait dire qu'Anchanté est hautain. Cela impliquerait alors qu'il pense du bien de sa personne, que son arrogance atteint le sommet où il méprise autrui et considère même son entourage comme des êtres inférieurs. C'est loin, très loin d'être le cas. Cette façade prétentieuse, glaciale presque n'est d'utilité qu'à faire de l'ombre aux insécurités et doutes que le Soldat cultive depuis des années. La crainte de sa propre personne et de ce que les autres pourraient lui faire n'a été qu'accentuée par le temps et les expériences. Pourtant, toute personne connaissant Anchanté affirmera que son arrogance est bien réelle et est d'ailleurs la première chose qu'on peut remarquer chez lui. Sur le coup, il est vrai que ses manières brusques, ses tirades insultantes et son regard comme innafecté par tout ce qui l'entoure pourraient porter à confusion. Ah, pour un être qui valorise le respect et le calme cela semble tout à fait ironique, contradictoire même. Pourtant, cela est quelque chose qui n'a jamais changé. Anchanté semble si tristement innateignable, si peu sociable que lui-même oublie parfois qu'il n'en est rien.
pessimiste- Depuis longtemps, très longtemps a-t-il perdu l'étincelle qui s'allumait dans ses yeux lorsqu'une chose nouvelle, inconnue et palpitante se présentait à lui. Son coup d'œil blasé et son sourire éternellement insatisfait sont devenus sa marque de fabrique.
Il ne voit pas l'intérêt. De quoi ? De tout, au final. Tout ce qu'il entreprendra il le fera simplement par ce qu'il y est obligé, pour continuer le train de sa vie de Soldat en toute tranquillité. Il y aura peut-être quelque rare instant qui échapperont à cette règle mais le fait est qu'Anchanté se retrouve tellement inlassablement pessimiste ou neutre qu'il se retrouve à tout faire machinalement, sans même sans rendre compte. Pourtant, on ne peut pourtant pas parler de lui comme d'une coquille vide. Il est loin, très loin, de ne renfermer aucune émotions. Vraiment.
ironique- Il est rare d'échapper à ses remarques perfides et de ses piques ironiques. Assez étonnamment, Anchanté possède un humour. Il ne sera bien sûr pas toujours d'humeur à cela ou trouvera peut-être son interlocuteur trop intinéressant pour qu'il gâche son temps mais il lui arrive assez fréquemment de lancer quelque remarque discrète, suivie d'un demi sourire moqueur. Après tout, il va certainement se foutre de votre gueule, donc vous ne risquez pas d'en rire.
sincère, franc- Aux premiers abords, sa franchise peut paraître déconcertante. Lorsque le Soldat se mettra à épiloguer dans les moindres détails tout ce qu'il pense de vous, de vos actions, de vos dires, de votre manière de vivre et même de votre philosophie il est vrai que cela peut surprendre. Il n'y a pourtant pas particulièrement de mauvaises intentions derrière ses monologues incongrus, bien au contraire. Simplement, Anchanté apprécie et prend même plaisir à dire ce qui traverse son esprit vagabond. Il faut toutefois noter qu'il ne fait généralement pas cela de manière moqueuse ou méprisante, et d'ailleurs il faut que la personne concernée soit un tant soit peu intéressante pour qu'il prenne de son temps. Il n'ira pas non plus jusqu'à se faire voir d'un mauvais oeil pour s'exprimer, étant assez prudent.
Cependant, cette franchise extrême se métamorphose occasionnellement en sincérité lorsqu'il rencontre des êtres assez censés, respectables et attachant qu'il pourrait éventuellement considérer comme "ami". Au fond, il dit simplement ce qu'il a sur le coeur.
mature, grand penseur- Avec six ans d'expérience de vie derrière lui et un calme presque inné, le Soldat respire la maturité et la sagesse. De l'extérieur, on le retrouve toujours posé et son regard léthargique indique qu'il n'a rien d'innocent ou de naïf. Cela lui donne probablement une allure qui dégage quelque chose d'imposant, malgré sa petite taille. Cela lui convient tout à fait, d'ailleurs ; ses collègues ont souvent la décence de le laisser en paix lorsqu'il ressent le besoin d'être seul, isolé.
C'est même une affaire régulière pour lui que de se vider l'esprit et de penser à mille et une choses plus ou moins importantes. Il est possible que cela alimente également des troubles et questionnement, mais le fait est qu'Anchanté est un chat réfléchi et qui a de ce fait le besoin constant de réfléchir. Ou du moins, de laisser son conscient voguer loin de cette terre mutilée par la guerre.
peureux, anxieux- Sa peur d'autrui et de ce qui l'entoure n'est presque jamais visible de surface. Rien d'étonnant ; Anchanté le cache. Pourtant, lorsqu'il se retrouve seul dans un quelconque endroit, il prend bien soi de délaisser son image de Soldat impassible et ses troubles viennent déranger son calme si éternel. Alors, il lui arrive d'enchaîner les crises d'anxiété et ses cauchemars récurrents ne font qu'accentuer la terreur qui imprègne son cœur. Il n'a jamais été particulièrement courageux mais on ne pourrait imaginer qu'un Soldat aussi arrogant puisse être si pathétiquement lâche. Il faut dire que ça n'a pas toujours été le cas.
peu loyal aux Soldats mais faif son job sans regrets- Il fait ce qu'il a à faire, sans pour autant ressentir un quelconque attachement aux siens ou même ne serait-ce que l'ombre d'un sentiment de loyauté pour les humains. Il n'a aucunement l'intention de fuir et suit les ordres de ses supérieurs mais cela n'est que fait pour préserver son confort et son calme. Ah, sans même le vouloir il convient parfaitement au portrait du suiveur silencieux qui accomplit son dit "devoir" sans broncher, au fond.
Anchanté est un être compliqué. Peut-être le verrez-vous un jour errer dans la caserne, une expression vide ou bien simplement un sourire narquois collé au visage, voguant sans réel but ni motivation. Après tout, si vous daignez adresser la parole à cet étrange personnage peut-être qu'il pourra vous rendre la pareille et c'est là, et seulement là, que les choses intéressantes commenceront.
[Bonjour je n'avais pas d'idées de conclusions. Je n'ai pas détaillé absolument tous les traits que j'ai mentionné simplement par flemme mais aussi parce que les descriptions suffisent pour le moment. Merci de la compréhension ! \o/]
Histoire:
« Plic, ploc. Plic, ploc. »
Ce soir-là, un orchestre de gouttes incessantes enivrait le refuge d'une atmosphère presque réconfortante. Tout était calme. L'endroit était rustique et servait d'un piètre abris temporaire, mais il fallait bien faire avec, surtout lors d'un jour aussi froid, à la veille d'un hiver comme celui-ci. Ana, la mère d'Anchanté, était déjà enceinte de plus d'un mois et sa douleur ne faisait que croitre. Elle était seule pour survivre avec son fils, qui était alors la seule chose qui parvenait à la maintenir en vie malgré la douleur que sa gestation lui faisait subir. En soi, elle avait très peu d'espoir de survivre dans de telles conditions. La vie sur terre ne faisait qu'empirer, et son physique frêle, squelettique presque, en donnaient long sur la chance qu'elle et son chaton avaient de passer l'hiver.
Pourtant, un peu après que minuit sonna, des bruits étranges que la femelle n'avait jamais entendu auparavant se firent entendre. Des créatures, qui s'avérèrent plus tard être des humains, patrouillaient assidûment dans les entourages et finir par repérer Ana. Ils étaient accompagnés d'un monstre, le plus terrifiant qu'elle n'avait jamais vu, ainsi que d'un imposant chat cornu qui semblait jouer un rôle d'ambassadeur pour ses maîtres. D'une voix mielleuse, il prit la parole :
« Suis-nous. Nous sommes là pour ton bien, pour te sauver. Peut-être survivras-tu, qui sait ?La jeune chatte était pétrifiée. Elle n'avait jamais vu ou entendu l'existence de chats qui possèdent des cornes, de monstres affamés de sang ou même de ces bipèdes en uniforme. Après tout, avait-elle un choix ? Sûrement pas. L'individu lui donnait une chance de s'en sortir, de ne pas périr frigorifiée par l'hiver et le gel. Ah, après tout, peut-être qu'il dit vrai. Son chaton et elle pourront survivre, n'est-ce pas ? Quelques secondes passèrent et Ana finit enfin par balbutier sa réponse, incapable de cacher sa frayeur.
-J'ai... Je-j'attends des chatons.En un instant, des étincelles s'allumèrent dans les yeux du chat et un sourire narquois se dessina sur ses babines. Les humains s'avancèrent vers elle pour la capturer, l'immobiliser et la déposèrent dans leur camion renforcés. Le chat qui avait parlé et le monstre suivirent avec obéissance et le véhicule disparut dans l'obscurité de la nuit noire.
« Parfait, c'est parfait. Une belle prise que nous avons là. »finit-il
[...]
Les souvenirs d'Ana qui suivent cet événement sont flous, embrumés sûrement par sa fatigue maladive et les journées interminables d'attente, identiques les unes aux autres. Éventuellement, le temps passa. La douce brise d'automne et ses couleurs mielleuses leva son voile pour finalement laisser place à un funeste début d'hiver.
C'est ainsi qu'un matin de début décembre, sans doute, qu'Anchanté naquit. Il l'ignorait à cet instant précis, son esprit étant plus occupé à apprécier la chaleur du corps de sa mère mais, les murs tristement immaculés, imbibés d'une odeur chimique infecte seraient sa seule maison pour le restant de sa vie. Il n'était alors qu'un innocent nouveau né, les yeux encore clos, aveugle à ce qui l'entourait et aux horreurs de ce monde. Pourtant, quelque chose n'allait pas. Un élément si infime qu'il ne fut remarqué qu'après un instant.
Cela devint une évidence. Anchanté ne respirait pas normalement. Son faible souffle était saccadé, interrompu par une presque inaudible quinte de toux.
Jour 1- J'ai d'abord essayé de comprendre. Tout sens m'était inconnu et mon corps frêle se recroquevillait faiblement sur lui-même. Je tremblais, les muscles de mon corps frétillant d'impuissance. Anxieux, je tentais de me lever, de prendre une grande bouffée d'air malgré mes pattes frémissantes. Ce fut assez lamentable. Je retombais au sol, collé au corps réconfortant de ma mère et émis un premier toussotement, étrangement fort. Puis un autre. Et encore. Jusqu'à ce que ma toux devienne si importante que les miaulements affolés d'Ana interpellèrent les scientifiques et Soldats aux alentours. On m'arracha du corps de ma mère, malgré ses sanglots. Et finalement... plus rien. Je sentis une légère piqure et mes yeux se closent doucement, m'enfonçant dans un sommeil profond.
« Il ne passera sûrement pas la nuit, ce petit. »Jour 5- Personne n'y avait cru. Pourtant, les perfusions qui m'avaient été injectés et le masque qui me faisait respirer avaient suffi à maintenir mon cœur à un battement régulier, normal. A ce jour, j'ignore toujours la raison pour laquelle les scientifiques avaient décidé de sauver et de mettre des moyens pour un pathétique chaton de ma sorte. Le fait est que j'étais en vie, j'avais survécu. Et je survivrais encore.
Jour 72- Le monde vu depuis les entrailles du laboratoire était fade, amer et sans couleurs. Mes yeux étaient désormais ouverts depuis bien longtemps. De mes pupilles émeraudes, j'épiais les murs immaculés de ma petite cage avec attention. Les scientifiques avaient décidé il y a quelques jours à peine que j'étais devenu assez fort pour subsister par moi-même, malgré près de deux mois de mise en quarantaine. Les choses n'étaient pas différentes d'avant pour autant. Les Soldats faisaient bien attention à écarter les chatons de tout contact avec leurs géniteurs, qu'ils n'entendent rien à propos du monde extérieur et du triste avenir qui attendait la plupart de ces pauvres félins. Nous étions isolés, coupés de toute joie de vivre. Les humains tenaient absolument à garder les esprits de leurs petits protégés aussi clairs et vides que possible, pour faire des survivants de l'expérience de parfaits petits pantins, des armes de guerre. C'est ainsi que je passai le début de ma vie dans l'ignorance et le néant. J'ignorais ce que j'étais, je n'avais pas de personnalité, de souvenirs ou même de sentiments particuliers. Bien sûr, j'éprouvais un brin de curiosité quant à ma personne, ce que j'étais et je ressentais un besoin inexpliqué d'explorer mon entourage mais c'était tout, rien d'autre. Une coquille vide, en somme.
Jour 126- Pour la première fois, j'étais sorti de ma cellule étriquée. Mon quotidien qui, jusque là, consistait à ingérer tant bien que mal la pâtée infecte et à me poser encore et plus de questions sur mon existence futile, fut chamboulé... drastiquement. A mesure que je grandissais, mon esprit commença à être tourmenté par de nombreuses questions qui s'entassaient. J'avais besoin de réponses, de savoir. Besoin de sortir.
Un jeune homme, l'air inquiet, appuya sur la porte métallique de ma cellule, qui, au contact de sa main, disparut en millier de particules. L'humain marcha à pas léger vers, s'accroupit à ma hauteur et murmura des paroles que je ne pus comprendre, un sourire distrait aux lèvres. La bienveillance qu'il émanait m'amena quelque chose qui m'avais été inconnu jusqu'alors. La joie. Mes muscles se détendirent, mes oreilles se relevèrent et pour la première fois depuis ma naissance j'émis un léger ronronnement. Il est vrai que c'était un peu incongru étant donné que j'avais toutes les raisons d'être effrayé par la masse qui se trouvait devant moi, mais l'inconnu piqua ma curiosité au plus au point, moi qui avais passé le début de ma vie enfermé, loin de tout. Je n'eus pas le temps d'exprimer plus longuement mon excitation. Légèrement à contre-coeur, l'homme m'empoigna malgré mes piaillements agacés. Il semblait légèrement surpris par ma carrure ridicule et l'air épuisé que j'arborais, malgré les perfusions qui m'étaient régulièrement injectées. Malgré tout, il continua sa marche timide à travers les couloirs identiques les uns aux autres du Laboratoire, en s'inclinant légèrement à la rencontre d'un collègue scientifique. Quant à moi, j'étais totalement émerveillé. Bien évidemment, il n'y avait pas de quoi être aussi admiratif des allées lugubres de l'endroit, mais les quelques humains de passage et surtout les quelques Soldats, fiers et forts, qui passaient dans le coin suffisaient à me passionner. Nous marchâmes encore longtemps comme cela, dans le silence, avant d'arriver à un coin si reclus du Labo' que l'obscurité brouilla la vue de l'humain. Mes pupilles vertes brillèrent légèrement dans le noir, trahissant notre marche discrète. Et enfin, après ce qui semblait être une éternité, il ouvrit un grand portail de fer ancien, qui couina légèrement avant de s'ouvrir entièrement. Je fus assez surpris. Mes pupilles se rétractèrent soudainement à la lumière éblouissante et il me fallut un temps pour qu'elles s'y adaptent entièrement. Il me posa au sol et, d'un bref mouvement de la main, m'indiqua qu'il fallait me diriger au milieu de la pièce. J'observais à nouveau avec le même engouement auparavant tous les objets et structures qui, pour moi, sortaient de tout ce que j'avais pu connaitre dans le passé. Des humains, dont le visage était caché par d'étranges masques futuristes s'approchèrent de moi, malgré mes vives protestations. Sans me laisser comprendre ce qu'il m'arrivait, l'un d'eux m'attrapa par la queue, sans délicatesse, et m'immobilisa. En criant quelque chose dans le dialecte humain, celui qui m'avait empoigné me fourra dans une petite cage de plexiglas renforcée. Retour à la case départ.
Jour 127- La veille, j'avais crié jusqu'à ce que j'eusse l'impression que ma voix s'éteindrait à jamais, sans relâche. Pourtant, personne ne semblait m'entendre. Ainsi, je m'étais effondré, épuisé, écrasé de fatigue et de rage. Alors que les lumières qui m'avaient plus tôt éblouies étaient complètement éteintes, je me réveillai en douceur, étrangement plus calme qu'auparavant. Seul une petite lampe qui émettait une faible lueur bleue demeura, éclairant ainsi ma cellule et moi-même. Pourtant, quelque chose avait changé. La pièce qui avait été presque vide lorsqu'on m'y avait enfermé s'était retrouvé décoré par toute sorte d'instruments et d'écrans plasma, où des données qui m'étaient incompréhensibles s'affichaient. J'étais impuissant, incapable, insuffisant à moi-même et malgré la rage que j'éprouvais, je ne pouvais rien faire.
Ce fut ainsi pendant plusieurs heures encore. Je me retrouvais seul, sans personne pour m'aider. Enfin, j'entendis un bruit. Ah, j'imaginais que c'était encore un de ces scientifiques qui rôdaient dans les parages, vérifiant quelque paramètre sur la base de données des ordinateurs ou je ne sais quelle autre connerie. Pourtant, c'était différent. A la suite du premier homme, un autre entra aussi dans la pièce, puis encore un autre, jusqu'à ce qu'ils soient quatre à me surveiller et à vérifier les machines qui m'encerclaient. Ils portaient chacun une combinaison complète, comme prêts à accomplir quelque chose de dangereux. A nouveau, l'un deux, apparemment le supérieur, cria des paroles indéchiffrables et la lumière bleue qui m'éclairant s'intensifia au point qu'elle soit aveuglante.
« En place, il n'y a plus de temps à perdre. Le sujet est sûrement trop faible pour survivre à l'expérience, mais nous ne pouvons plus nous permettre de gâcher une vie. »Les chiffres et caractères sur les ordinateurs commencèrent à s'affoler et le plus grand des instruments, fini par une énorme aiguille alimentée par un liquide chimique, s'avança finalement. La plaque supérieure de ma cage se désintégra, pour ainsi me laisser totalement à la merci de l'engin...
La suite est floue. Je me rappelle d'une douleur perçante, de cris et la perte de tous mes sens. J'avais l'impression que mon âme tentait de s'échapper de son réceptacle tant tous les os et muscles de mon faible corps se déchiraient. Et puis plus rien. Le néant total, une fois de plus.
Jour 133- Cette fois-ci, je ne me retrouvais pas seul. Je ne payais pourtant pas grande attention à ce détail, trop souffrant pour me rendre compte de la situation. Je voyais mal et dès que j'essayais un quelconque mouvement tous mon corps me plaidait d'arrêter, jusqu'au fond de mes entrailles. Ainsi, j'étais tout à fait immobile, gisant sur le métal froid de là où je me trouvais. Je me rendis compte de la présence d'un autre qu'après plusieurs minutes ridicules, où j'avais gémi et crié jusqu'à en pleurer. Un chat, qui semblait être d'environ un mois de moins que moi, mais pourtant à la carrure bien plus imposante que la mienne, s'avança vers moi sans prudence.
« Eh oh ! Voudrais-tu bien arrêter de gémir ? Un Soldat devrait bientôt arriver pour tout nous expliquer, je les ai entendus en parler cette nuit. On dirait que c'est important, alors il faut faire bonne impression, pas vrai ? »Pas de réponse de ma part. Je ne voyais que ses yeux argentés pétillant d'enthousiasme et de fierté, comme si l'horreur de l'expérience ne l'avait pas affecté. Je ne disais rien, mais je ne pouvais m'empêcher de ressentir un brin d'admiration pour mon voisin, moi qui étais tout à fait traumatisé par ce que j'avais vécu les jours passés. Comprenant que je n'étais pas tout à fait d'humeur à dialoguer, il continua simplement.
« Pas très bavard, c'est ça ? Bon, enchanté, je m'appelle Lown. Et hmm... c'est à peu près tout. J'imagine que, logiquement, toi aussi tu n'as pas vécu grand chose d'extraordinaire auparavant. J'ai entendu assez de conversations quand tu dormais pour savoir qu'on va devenir des Soldats. Je sais pas encore en quoi ça consiste, honnêtement, mais j'ai hâte ! Je voudrais devenir fort. Surtout depuis les modifications que j'ai subi, mes coussinets ont changés de couleurs et je ferais tout pour en connaître la raison. Vraiment tout. »
Suite à ce long discours, ses prunelles brillaient encore plus qu'auparavant et son regard qui jusque là était posé sur moi, se releva, plein de détermination. Plusieurs choses me piquaient dans ce qu'il révélait et certains mots restèrent gravés dans ma mémoire. D'abord, la façon avec laquelle il m'a interpellé. Enchan- Anchanté ? Jamais n'avais-je reçu un quelconque prénom, surnom ou quoi que ce soit d'autre et le fait que Lown me nommait de la sorte me paraissait tout à fait incongru. Enfin, bien sûr, il n'avait fait que me saluer, mais moi qui n'avait jamais eu l'occasion de vraiment rencontrer un autre de mon espèce, je n'étais absolument pas accommodé à ce genre de normalité. Alors, je continuais à croire qu'il m'avait tout naturellement donné un prénom, par simple envie. Anchanté. Ca sonnait bien. Ensuite, la confirmation que je n'étais pas seul à avoir été préservé dans une cage écartée de tout. Longtemps avais-je cru que l'unique raison pour laquelle je me retrouvais était ma faiblesse, mais finalement, ce n'était pas le cas.
Aussi, le mot "Soldat". Je n'en connaissais pas encore la signification, mais il me semblait briller dans les paroles de mon interlocuteur. Moi aussi, je voulais savoir ce que ça voulait dire. Et je découvrirais par la suite oh combien il était important.
Et enfin, son commentaire sur ses coussinets, qui me poussa machinalement à vérifier les miens. Ah, ma surprise ne fut pas petite lorsque je découvris que les miens aussi étaient anormalement teintés d'un gris vert étrange. Cette réalisation soudaine me fit même légèrement sursauter, chose que je regrettai ensuite vu la douleur que le geste me procura. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Un nombre exponentiel de questions se répandirent dans mon esprit, ses paroles m'ayant plus embrouillé qu'autre chose. Malgré tout, après un petit instant je réussis finalement à m'asseoir dans une position plus convenable qu'avant, capable de répondre dignement à Lown. Ainsi, un grand dialogue s'en suivit et nous parlâmes jusqu'à la fin de la nuit, sans pour autant que le temps semble passer. Il avait rigolé quand je lui avais demandé pourquoi m'avait-il prénommé "Anchanté" et il m'offrit de cette manière mon premier fou rire. Penseurs, nous donnions chacun nos théories quant à ce que nous faisions là, comment nous nous étions retrouvés ici. Des idées farfelues sur le monde dans lequel nous vivions, à quel point il s'étendait, ce qu'on pouvait y trouver. Mon petit pincement d'admiration pour mon confident ne fut qu'amplifié par tout cela, mais il ne semblait plus aussi inaccessible que dans la matinée, il était tout à fait ouvert. Pour la première fois, je m'étais fait ce qu'on peut considérer comme un ami. Un vrai. Et avec tout ça, j'avais presque réussi à oublier les horreurs qu'on m'avait fait les jours passés.
Jour 134- Finalement, nous nous étions endormis l'un sur l'autre, ronronnant légèrement pendant notre sommeil. Je m'étais réveillé le premier, sûrement à cause de mes muscles toujours endoloris. Je me contentais d'observer Lown avec un petit sourire, me remémorant tout ce que nous avions dit avant de tomber de fatigue. C'était étrange, en soi. Deux frais, inconnus, qui s'étaient rapprochés au point de devenir semblable à des frères en l'espace d'une nuit, en plein milieu d'une cage de Laboratoire, endroit où la peur et la haine émanait de tous les coins. Vraiment étrange.
Une heure encore passa, et alors que Lown s'était éveillé depuis un moment déjà, un grand bruit nous fit sursauter. Avec le même mécanisme que j’avais pu voir il y a quelques jours, la porte de notre cellule se désintégra totalement, pour laisser apparaître une grande Soldate au regard de fer. C’est un détail de peu d’importance, mais sa sorte de cape décorée d’une fourrure blanc neige, volant grâce au courant d’air de l’extérieur m’avait marqué pour sa prestance intimidante. La chatte blanche s’avança vers nous, nous écrasant par son regard intimidant et nous épia pendant un cours instant, avant de prendre la parole.
« Bonsoir. Je vais vous demander de m'écouter sans m'interrompre et de bien retenir ce que je vais vous dire, car cela vous servira pour le restant de votre vie. Vous ne le savez sûrement pas encore mais vous allez faire partie de l’élite de votre nation, la fierté des êtres humains. Vos vies sont précieuses, ne l’oubliez pas. Il est de mon devoir de vous mettre sur le droit chemin et de vous instruire sur ce que vous devez être pour ne pas que vous partez à la dérive. Vous n’êtes encore que des chatons, faibles, fragiles, mais si vous suivez ce que vos supérieurs vous disent, vous pourrez devenir des Soldats, fiers et forts. Je devine que vous êtes confus par ce que vous avez vécu ces derniers jours, peut-être aussi par l’apparition d’un trait physique inhabituel, elle dirigea son regard vers nos coussinets
, et vous avez du vous poser un bon nombre de questions inutiles. En tant que vétéran, je suis là pour vous répondre et vous guider. Je ne vais pas épiloguer sur le sens du devoir que vous devez absolument posséder tout au long de votre service et je passerai plutôt sur ce que vous voulez et devez savoir. Nous passerons sur les détails plus tard, cela dit. Vous avez sûrement déjà entendu le mot « Soldat » sans vraiment en comprendre le sens, bien que je suis sûre qu’il avait une connotation méliorative, elle esquissa un léger sourire malicieux puis reprit immédiatement son ton dur
, faire simple, les chats Soldats sont dotés d’extraordinaires pouvoirs qui leurs ont été offerts par les êtres humains et qui, en échange de ce don, se battent aux côtés de ceux-ci. Vous devrez passer par plusieurs étapes avant cela et il est tout d’abord impératif de savoir que le chemin sera long, semé d’embuche. Mais tout cela est pour votre bien, évidemment. Pour survivre dans ce monde, il faut s’endurcir. Ainsi, vous serez d’abord des apprentis lorsque vous aurez découvert vos pouvoirs et ensuite des Bleus, c’est-à-dire officiellement Soldats mais ayant encore des preuves à faire, avant d’être assignés à la première, seconde ou troisième ligne selon vos pouvoirs. Voilà tout. Je vous retrouverais sûrement bientôt dans le champ d’entraînement ou nous débuterons mais en attendant, je vous laisse méditer sur mes paroles. Bonne chance. »Et elle partit aussitôt qu’elle était arrivée, sa cape virevoltant légèrement au vent du courant d'air, nous laissant totalement déboussolés et chamboulés par toutes les informations qu’elle nous avait balancé à la gueule. Déboussolés, mais épris d’une admiration sans limite pour la Soldate qui semblait à nos yeux être la plus grande héroïne qu’on puisse trouver. Pour des chatons qui n’avaient connu jusque là que les murs immaculés du Laboratoire, un tel discours nous avait ouvert à une vie totalement nouvelle, pleines de possibilités. Malgré moi, je ne pouvais m’empêcher de ressentir un peu de peur à l’idée de me battre pathétiquement, mais je ne laissais rien paraître devant Lown dont les yeux brillaient à nouveau d’engouement et d’excitation. Nous allions devenir des Soldats. Ensemble.
Jour 437- Le temps avait passé. Beaucoup de choses, de vies, étaient partis aussi vite qu’arrivés mais Lown était toujours mon frère d'arme, malgré des directions différentes. Il y a quelques mois, nous avions découvert le monde extérieur et le sentiment indescriptible de l’herbe caressant nos pattes, l’odeur du pétrichor imprégnant nos museaux. Et au-delà de tout, depuis bien longtemps avions-nous découvert nos pouvoirs. Des pouvoirs que nous avions passé jour et nuit à cultiver et entraîner, déterminés à devenir de vrais soldats, de jour en jour.
Je n’étais pas tout à fait un pantin irréfléchi, cela dit. Il m’arrivait de me poser des questions de temps à autres, sur les actes que je voyais commettre mes supérieurs. Douter. Douter très fort. Mais la propagande que les vétérans nous jetaient comme de la poudre aux yeux suffisait à me convaincre du contraire. J’avais même entendu parler de l’existence des chats de guildes, sans pour autant ouïr les noms qu’ils portaient. On nous contait des choses détestables à leur sujet et même si j’étais conscient que la vérité était toujours partiellement voilée, je ne comprenais pas leur choix de vivre en liberté dans un monde aussi violent et criblé de cicatrices. Alors les jours passaient, entre les entraînements et la nourriture infecte du réfectoire -qui atterrissait bien souvent sur le visage du voisin-, les fous rires et les discours. Très vite, nous devînmes des apprentis, puis enfin des bleus. Mes premières patrouilles. Nos premiers amis. La première fois que je fis couler le sang, aussi. Et bien d’autres souvenirs, relativement heureux.
Je n’avais pas vraiment grandi, que ce soit psychologiquement ou physiquement, mais je me contentais de vivre et de suivre les ordres, aussi extrêmes soit-il. Il fallait se battre pour survivre, alors je m’entrainais jusque l’évanouissement dans l’unique but de contrôler mon pouvoir à la perfection, lui qui était si subtil et complexe.
Jour 709- Je ne me sentais pas bien. Oh, je ne connaissais pas à l’époque la cause de ce malaître mais cela faisait déjà quelques heures que des pensées sombres affluaient dans mon esprit, me laissant seul dans la chambre qui était désormais mienne. Cela faisait maintenant plus d’une semaine que j’avais été promu à la première ligne, les Soldats m’accordant à présent assez de confiance pour me faire monter dans leur hiérarchie. Je ne pouvais m’empêcher de me sentir incroyablement vide, flasque et dépourvu de toute envie de continuer quoi que ce soit. Alors je ne faisais rien et je m’engouffrais dans ce néant, idiot que j’étais.
Jour 710- En plus de la douleur mentale insupportable de la veille qui ne semblait pas dépérir, mon système respiratoire qui pourtant semblait s’être tout à fait rétabli depuis ma naissance, me déchirait mes poumons un peu plus chaque secondes. Je n’avais pas bougé de la position que j’avais pris la veille, et me recroquevillais un peu plus sur moi-même, tentant éperdument de retrouver mon souffle, en vain. Quand j’y repense, c’aurait été assez lamentable de périr de la sorte, n’est-ce pas ?
Mon absence alerta enfin un supérieur avec qui je devais sûrement avoir une première mission, qui se rendit là où se trouvait ma chambre et me trouva là, finalement évanoui.
Jour 711- Il me fallut un instant pour retrouver mes sens et comprendre où je me situais. L’infirmerie. Oui, c’était ça. Cette réalisation soudaine me rassura étant donné que c’était ici qu’une multitude de Soldats, n’ayant pas forcément de blessures assez graves pour être personnellement pris en charge étaient déposés ici ; je n’étais plus en danger. Enfin, je me sentais libéré de cette pression étouffante que j’avais ressenti auparavant, malgré les lamentations de douleur des malades et le parfum métallique de l’endroit.
Ressassant les événements des derniers jours, de ma douleur intense jusqu’à mon réveil, je m’élevai sur la petite planchette où j’étais couché pour observer mes alentours. Ce ne fut pas tout à fait concluant étant donné que le vitrage opaque qui m’isolait des potentiels maladies de mes collègues m’empêchait toute vue sur l’infirmerie, mais cela me permit de remarquer un petit détail auquel je n’avais pas prêté attention, trop sonné. Ainsi, pour la première fois, je baissai les yeux en direction de l’espèce de masse noire qui se trouvait sur mon museau, incapable de décrire ce que c’était. Ce que je compris assez rapidement, c’est que cet objet était la raison pour laquelle je n’avais plus du mal à respirer et était de la même sorte que celui dont je m'étais retrouvé affabulé à la naissance, même si j'avais déjà peu de souvenirs de ces jours-là. Quelque chose différait tout de même de l'ancien modèle que j'avais pu porté, qui n'était j'imagine qu'un simple masque de Laboratoire. Le mien semblait infiniment plus sophistiqué, comme imaginé et construit exactement pour mon usage particulier. Je l'observai méticuleusement, essayant de voir si j'avais la possibilité de l'ôter ou s'il était fixé définitivement, ce qui ne semblait pas être le cas. La chose en soi était d'un gris assez clair et nuancé et une petite inscription avec écrit en clair « n°1015» ressortait sur sa partie inférieure. Tout le remue ménage que j'avais causé firent qu'un Humain, accompagné d'un Soldat doté d'un pouvoir de soin, ne tardèrent pas à vérifier la source de tout ce bruit et me laissèrent revenir calmement vers mes quartiers.
Quelques regards curieux se posèrent sur moi lorsque je croisai le chemin de certaines connaissances qui m'avais connu auparavant et des chuchotements indiscrets s'élevèrent dans les couloirs ternes de la caserne. Moi qui suis de nature silencieux, l'attention qu'ils provoquaient me fis grincer des dents, aussi minime qu'elle était. Epuisé, essoufflé par ce que j'avais vécu, je fais grincer la porte de ma chambre et m'endormais finalement sur le même matelas où j'avais été tant tourmenté.
Jour 1234- Avec le temps, cela devint une évidence. Les émotions si frappantes, si violentes que je ressentais et que j'avais ressenti tant de mois auparavant n'était qu'une des conséquences de mon pouvoir. À chaque utilisation, à chaque instant je ressentais une rage si poignante qu'elle pourrait d'abord sembler servir de simple avantage de combat, mais s'avéra graduellement changer ma personne et le peu de naïveté qu'il me restait. C'est à cette époque que mon regard se durcit, que mes paroles passèrent d'une teinte de moquerie à du mépris pur. Du mépris pour ces imbéciles, ces incapables de Soldats qui pensent tenir notre monde dans la paume de leurs pattes et du mépris pour ces utopistes de chats de Guildes. Et enfin, un mépris oh combien plus brûlant, plus ardent pour Lown. C'est lui, d'ailleurs, qui à encré dans ma manière de penser cette haine inconditionnelle pour les gens de sa sorte. De lui, je ne garderai que la trace effacée du prénom qu'il m'avait un jour donné.
Mais si mon ami d'antan avait fait des choses terribles, j'avais fait mille fois pire. Et je le regrette encore à ce jour. C'est une histoire pour une autre fois, j'imagine.
Je garde toujours un goût amer dans ma bouche lorsque je repense à cette époque. Les souvenirs en sont flous, tant ma rancœur pour tout ce qui peuple ce monde me dégoûtait à un point que mon esprit soit brouillé par ma propre misanthropie. Personne n'osait me déranger, et si auparavant j'avais été solitaire au point que mes connaissances se comptaient sur les doigts d'une main, l'aura d'intolérance et d'exaspération que j'émanais en permanence suffisait à éloigner les parasites. Je vécus ainsi pendant longtemps encore, dans la rancune, la répulsion et la répugnance.
J'avais besoin de me défouler, de me calmer.
Jour 1789- Tout allait mieux. Pourtant, rien n'avait changé, si ce n'était que mon sang-froid et mon calme habituel prirent peu à peu la place de ma haine. Cela ne changeait en rien mon arrogance mais j'étais sorti plus réfléchi, plus lucide de cette phase de trouble perpétuel. Enfin, j'étais devenu un soldat, un vrai, qui a des valeurs pures et qui les respectent. He, pourtant je ne pouvais m'empêcher de me sentir incroyablement faible.
Bien sûr, mon demi sourire arrogant et mes discours hautains étaient toujours les mêmes mais étaient devenus d'autant plus percutants que je les délivrais avec une flegme inouïe. Il m'arrivait toujours d'avoir des pulsions, des envies de passer ma colère sur autrui mais le relâchement que j'éprouvais à chaque fois que je m'entraînais suffisait à faire taire ces sentiments. Je développais minutieusement des techniques de combat, des coups plus stratégiques les uns que les autres et veillais à ne faire qu'un avec mon pouvoir.
Enfin, j'étais devenu ce que je suis aujourd'hui, malgré toute mes peurs, mes tourments et mon inquiétude pour ce qui m'attendra au-delà. J'étais un Soldat, et je porterais solennellement ce nom jusqu'à ma tombe.
[Cette fin bâclée. >:( J'ai souffert fortement pour cette histoire, et la fin sonne un peu faux et c'est plus généralement mal structuré mais tant pis. ê_ê
Il y a un petit moment de flou avec Lown mais je ferais un one shot pour clarifier tout ça, un jour. \o/]