Les planches qui craquaient durement sous mes pattes m'occupaient bien plus que le magnifique coucher de soleil qui m'avait attirée sur le ponton délabré. Il n'avait plus rien du brun de l'écorce des arbres, et cette couleur pâle ne me paraissait pas naturelle. Apparemment, c'était à cause du soleil. Je ne savais pas trop quoi en penser.
Je tâtais le bois usé prudemment, puis m'asseyais à un endroit qui me paraissait assez solide pour soutenir mon poids. Bien que je ne sois pas très lourde -les derniers mois m'ayant fait échapper quelques kilogrammes- je ne me sentais pas très à l'aise sur les planches craquantes. Je lâchais un soupir et décidais de faire avec. De toute façon, même un promontoire cassé me suffisait pour admirer le soleil en train de mourir.
J'ai toujours cru ça. Chaque jour donnait naissance à un nouveau soleil, une nouvelle boule blanche lumineuse qui nous aveuglait si on le regardait directement, et chaque soir, il dépérissait et se faisait avaler par l'horizon. Quand j'étais plus jeune, je pensais que quelque chose attaquait les soleils, et que la couleur pourpre du ciel était due à son sang. Maintenant, je me demandais bien ce qui pouvais le faire mourir.

Ça me rappelait quelque chose. Ma première rencontre pacifique avec une Soldate, Pandémie. Je me souvenais encore de la couleur orange sombre de sa fourrure, de ses yeux jaunes perçants et de ses cornes. Ma vision du monde avait changée après cela; et j'étais ressortie de ce rendez-vous à la fois heureuse et triste.
Les couleurs jaunes, oranges et rouges me rendaient nostalgique. Pandémie et notre conversation ce jour-là se trouvaient bien loin, désormais. C'était il y a si longtemps...
J'aimerais bien m'enfuir. Tout abandonner, les Guildes, les humains, ce monde cruel et mes crimes. Prendre mon élan et m'envoler vers l'horizon sans jamais savoir si je pourrais l'atteindre un jour. Oublier...
Mais mon passé me suit, s'accroche à moi comme mon ombre et occupe mon esprit comme un poison. Jamais je ne pourrais oublier ce que j'ai fait, malheureusement. Peut-être est-ce ma punition? Vivre avec un crime sur ses épaules et sans doute moins confortable que la mort. Mais je ne souhaite pas non plus mourir... Ah, pourquoi la vie est-elle si cruelle et si compliquée?
Je laisse mon regard dériver sur le coucher de soleil. Il reste encore beaucoup de minutes avant que la nuit ne tombe. Je compte bien profiter du spectacle, même avec un air nostalgique sur le visage.

Le port. J'avais entendu que c'était une zone d'échange avant tout ça. Un endroit où l'Homme ne faisait pas de combat, mai où il rapportait des choses d'autres communautés, voir de leurs expéditions sur la mer à attraper du poisson. En bref, un véritable havre de paix, de quoi se dire que rien de mauvais ne pouvait arriver ! Mais aujourd'hui quand on regarde cet endroit, ce n'est qu'un désert à perte de vue, un endroit si intéressant et pacifique, réduit à néants. J'ai entendu dire que des créatures vivait dans ce coin, je voulais les voir de mes propre yeux, en tuer de mes propres griffes, afin d'utiliser ce souvenir tel un trophée face aux abominations de ce monde, dont je fais parti. Traversant le ponton, et ce, à la lumière du crépuscule, je n'avais point vu le trou dans lequel je failli tomber, avant de m rattraper de justesse. Puis au loin, une ombre, avec des ailes. Les fameuses créatures ? Je me précipitais prêt à en découdre quand je me rendis compte que ce n'était rien d'autre qu'un chat génétiquement modifié, possédant des ailes. Son pelage était de couleur jaune, et elle regardait le crépuscule, spectacle naturel de fin de journée. Je m'assis à côté d'elle et dit :

" Très joli pas vrai ? Le soleil, cette énorme chose dans le ciel, que l'on ne peut pas atteindre, et qui disparait quelque part à l'horizon. Le crépuscule, un moment très spécial de la journée, dernières heures de lumière et début de la nuit, dangereuse. Une transition aux couleurs vives. J’ai toujours pensé que c'était la période la plus approprié au combat, car le ciel lui même est couleur sang. Oh et bonsoir."

Up~

Lorsqu'un énorme craquement retentit derrière moi, mon cœur bondit dans ma poitrine. Sursautant à cause du bruit brisant ma tranquillité, je tournais la tête, confuse, les poils hérissés par la surprise. Félin ou monstre? Dans tous les cas, ce devait être un ennemi pour qu'il me fonce dessus comme ça.
Mais non. Bien que ce soit une odeur de Soldat qui me parvint, le mâle noir vint s'asseoir paisiblement près de moi, comme s'il ne s'était rien passé. J'active tout de suite mon pouvoir, pour regarder s'il n'y a pas une pensée mauvaise dans son esprit. Rien d'agressif ou de sournois. Encore plus étonnée que tout à l'heure, le souffle court, je me reprends. Le craquement de tout à l'heure devait être dû à son poids sur le fragile ponton. Le cœur encore battant la chamade, je le fixe de mes yeux verts. Une cicatrice barre son visage, du niveau de l'œil jusqu'à la mâchoire. Quand j'étais petite, les balafres de mon père m'impressionnaient toujours, mais à présent que j'avais baigné dans le monde de la guerre et des Guildes, c'était normal. Avec tous ces combats, il était pratiquement impossible de s'en sortir sans aucune égratignure.
Pour me surprendre encore plus, l'inconnu me miaula naturellement:

"-Très joli pas vrai? Le soleil, cette énorme chose dans le ciel, que l'on ne peut pas atteindre, et qui disparaît quelque part à l'horizon. Le crépuscule, un moment très spécial de la journée, dernières heures de lumière et début de la nuit, dangereuse. Une transition aux couleurs vives. J’ai toujours pensé que c'était la période la plus approprié au combat, car le ciel lui même est couleur sang. Oh et bonsoir."

Mes moustaches tremblèrent un peu sous le coup et je faillis pouffer de rire. Quel étrange personnage... Il est amusant. Sa manière de parler, de lâcher tous ses mots comme ça, me rappela Isaac. Enfin, lui c'était pire. Les conversations avec lui étaient si compliquées que j'en avais mal au crâne. J'espérais que ce Soldat serait plus calme.
Au moins, je remarquais qu'il n'avait pas montré de haine particulière envers les Felinaes, ce qui me rassurait. Il pouvait très bien feindre une amitié ou une indifférence, mais je n'avais rien sondé de tel dans ses pensées. Un léger sourire apparut sur le coin de mon visage, et je le regardais avec une joie rare dans les yeux.

"-Bonsoir. Je reportais mon regard sur le spectacle de rouge et d'orange, puis miaulais: C'est à la fois magnifique et triste. Triste car le soleil se meurt, magnifique parce que..."

Je laissais ma phrase en suspens. Je n'avais pas vraiment de définition au mot "magnifique". Cela me venait simplement en tête, comme ça. Je trouvais ça simplement beau. C'est infiniment joli à regarder, je ne pourrai jamais m'en lasser, voilà.

Up~

Changement, rp doit être archivé!