| J'aime les Monts Rocheux. Pourquoi ? Sans doute parce que, d'ici, on peut voir et observer un territoire sans fin. Ici, une fois sur les hauteurs, personne ne peut venir t'embêter. Seul le vent et le silence viennent légèrement te taquiner de temps à autre. J'apprécie beaucoup cette tranquillité, ce calme majestueux. Ca me ressemble bien, dans un fait. Moi, couché sur une pierre plate, mes immenses ailes dépliées sur le sol, essayant de se réchauffer par les faibles rayons du soleil. Aujourd'hui, après avoir fait de nombreux efforts pour avoir monter ces roches, je m'autorise une petite sieste. Mes yeux sont fermés et mon esprit se met à rêver.
Un beau rêve, celui des Monts Rocheux aussi colorés que le pelage de certains de mes camarades. Car oui, ces montagnes sont bien tristes avec leurs nuances châtaignes et brunes.
Après ma petite sieste, mes iris bleu foncé s'ouvrent au monde, et je retrouve cette nature impassible. Néanmoins, après quelques minutes, je remarque une tâche bleu dans le paysage. Vu que l'eau est très rare ici, j'en ai conclu que ce n'était qu'un de mes compagnons de guilde, et plus précisément Loréley.
Loréley est bien la seule et unique femelle au pelage bleu que je connais. Un joli pelage par ailleurs. C'est une bonne guérisseuse, et pour ma part, je la considère comme une bonne amie. Les Monts Rocheux...
Ce lieux est accueillant et agréable à parcourir, certes. Cependant, je ne l'apprécie pas beaucoup.
C'est parce que je suis obsédée par mon travail de guérisseuse. Seuls les lieux où poussent des plantes médicinales me conviennent.
Alors qu'est-ce que je fais là ? Est-ce le vent qui sévi dans cette région qui m'a portée jusqu'ici ? Mes pattes ne font plus ce que je veux. Elle me transportent quelque part sans que je sache où...
Le vent souffle fort, mais je ne peine pas à avancer. La terre est dure et ça me change du sable de l'oasis où j'ai, comme tous les Caméléons, élu refuge.
Peut-être est-ce ici que je devrais stocker mes réserves ? La température est régulière et aucun danger ne pourrait les menacer.
Mes pattes commencent à me faire mal. Je marche trop. Je relève alors la tête, ce qui me vaux quelques grains de poussière dans les yeux.
J'aperçois une silhouette de chat sur une plateforme, en hauteur, à quelques mètres de là. De qui s'agit-il ? Je m'approche et devine l'odeur d'un Caméléon. Ouf, je n'ai rien à craindre ! D'un coup rassurée, je presse le pas afin d'aller à la rencontre de mon camarade plus rapidement. Plus j'approche, plus j'examine le chat en question : un pelage noir d'ébène, de majestueuse ailes, des yeux bleus sombre comme les miens...
Oui, c'est Tobio !
Ce jeune gardien, bien qu'il soit sombre et par trop apprécié par certains Caméléons, a su se faire une bonne cote chez moi. J'aime son air mystérieux, son physique pas très original mais intimidant quand même ( à côté du mien... ) et puis, si on le connait bien, on se rend compte qu'il a un coeur ! Je l'ai déjà soigné quelques fois et je ne peux me plaindre de rien pour l'instant. Pour moi, contrairement à d'autres, Tobio est un ami.
En quelques bonds, j'arrive à une plateforme assez proche de celle où se tient Tobio. Evidemment, il m'a remarquée. Je lance alors :
- Bonjour Tobio ! Comment vas-tu ? C'est une belle journée non ? Que viens-tu faire ici ? Je vois, petit à petit, une tâche bleu venir vers moi. Je gratte mes yeux encore un peu brumeux. Loréley s'approche et me questionne avec un grand sourire :
Bonjour Tobio ! Comment vas-tu ? C'est une belle journée non ? Que viens-tu faire ici ?
C'est si rare de la voir sourire désormais. J'ai entendu dire que son ancien compagnon était malheureusement décédé. Oui, il m'arrive, très souvent d'ailleurs, d'écouter les autres. Souvent, je le fais quand je suis invisible. Non pas que je suis une fouine, mais j'aime bien entendre les conversations des autres félins. J'apprend des choses, vu que malgré mon physique imposant, je ne suis pas capable d'aller de moi même voir les autres. Je me lève doucement mais sûrement. Je replis mes grandes ailes noires contre mes flans.
- je faisais une petite sieste. Il n'y a pas grand monde.
Je la regarde droit dans les yeux. Je sais que je peux faire cela avec ma camarade, elle, elle n'aura pas peur de mes sombres iris.
- et toi ? Tu vas bien ? Je deviens tout à coup gênée. Ah, il faisait la sieste...
- Désolée, je ne t'ai pas dérangé dans ta sieste j'espère ?
Pourtant, il n'a pas l'air dérangé, ou de mauvaise humeur. J'en conclus qu'il venait se détendre ici. Tobio se lève et replie ses ailes. Quand j'étais jeune, je voulais aussi avoir des ailes, de grandes ailes me permettant de voler. Sauf que plus je vois de chats ailés, plus je me rends compte qu'elles peuvent être un peu encombrante...
Le Caméléon me regarde droit dans les yeux. Cela me gêne, car je n'ai pas l'habitude de le faire avec tout le monde. Mais, connaissant Tobio, je sais que cela ne me fera rien. Il ne possède pas de pouvoir hypnotique ou autre chose. A part jouer des tours, je ne vois pas ce qu'il pourrait me faire de bien méchant avec son pouvoir. Moi non plus, je ne peux pas lancer de geste offensif avec mon pouvoir. Et c'est bien comme ça.
Ses yeux sont d'un bleu nuit magnifique. Les miens ne semblent plus vraiment bleus à côté. Je m'y plonge, et croit tout à coup me retrouver sous un ciel étoilé. Ce qui me semble être la lune n'est en réalité que la pupille de ses yeux.
Je secoue la tête, revenant à mes esprits. Cela n'est pas dans mes habitudes de rêvasser ainsi pour les yeux d'un autre chat. Je n'ai jamais fixé quelqu'un de cette manière que mon ancien compagnon, ma mère, ma soeur, mon frère, ou alors mon fils. Tous morts. Quoique, pour ma mère et ma soeur...
Je regarde Tobio. A-t-il remarqué que j'admirais ses yeux ? Je suis à nouveau gênée, mais décide de répondre à sa question :
- Oui, je vais bien... Tu ne t'ennuies pas, seul ici ?
Et voilàààà... encore une question débile. Après mes pattes, mes paroles... on dirait que je ne me contrôle plus. - Désolée, je ne t'ai pas dérangé dans ta sieste j'espère ?
Rapidement, je remarque le comportement un peu gêné de ma camarade. Elle doit sûrement penser que je lui en veut. Je lui fait un léger sourire, en espérant que cela la soulagerait.
- Non, je venais de me réveiller.
C'est étrange, il n'y a qu'avec notre guérisseuse que j'arrive à m'exprimer normalement. D'habitude si timide et réserver, je peux m'ouvrir à elle sans aucun problème. Je ne m'inquiète plus si je suis effrayant ou pas. Je ne choisis plus mes mots, ils s'en vont tous seuls. Je peux tout dire sur mon cœur. En y repensant, Loréley est vraiment une très bonne amie...
Mon cœur rate un battement quand je me rend compte qu'elle déguste du regard mes sombres iris. Je me balance sur mes pattes, signe de gêne. Je ne suis pas habitué à un regard insistant... de se genre là. D'habitude, on me fixe, observe et étudie, dans le sens " je me méfie de toi", et non pas "je t'admire"...
D'un seul coup, son attitude si gênée reprend. Elle finit par dire :
- Oui, je vais bien... Tu ne t'ennuies pas, seul ici ?
A-t-elle oubliée que je suis un peu solitaire ? Je la fixe avec amusement :
- Je suis bien tout seul dans ces innombrables rochers... mais je préfère encore mieux ta présence !
Je vous ai dit que les mots partaient maladroitement sans ma permission ? Eh bah voilà. - Je suis bien tout seul dans ces innombrables rochers... mais je préfère encore mieux ta présence ! me sort Tobio.
Ah ? Et bien euh... c'est flatteur...
Je m'allonge non loin de lui et laisse le vent caresser ma fourrure. Je souris à mon ami.
Le soleil commence à se coucher. J'adore ça, les couchers de soleils. C'est non seulement magnifique, mais si... poétique.
Lorsque mon fils avait vu pour la première fois un coucher de soleil, il pensait que la colline était en feu. Je lui avais alors expliqué que ce n'était que des lumières. Mais il n'était pas très rassuré...
Je secoue la tête pour éviter qu'elle ne soit hantée par des souvenirs déchirants. Je demande alors à Tobio :
- Dis moi, qu'as-tu fais de beau ces derniers temps ? N'as-tu aucune nouvelle à m'apporter ? |
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