Parfois, il fallait se décider à faire des choix ardus; savoir où mettre ses pattes à quel endroit. Et parfois, il y avait quelque chose d'aussi attendu que peu inopiné qui venait tout à fait régler ce problème, comme à ce jour sombre. Isaac s'était levé à cinq heures du matin, absolument excité par ce qu'il avait compris la veille même; à l'ombre de la chapelle, des fleurs s'étaient étendues; résistantes dans ce monde affreux et cruel. Alors, ainsi, il n'avait absolument aucune honte à réveiller tous ses voisins de chambre et de courir un peu partout vers la sortie; mais c'était un peu comme ça tous les matins, alors ils considéraient souvent ça avec très peu d'intérêt. Isaac avait toujours été un peu agité, mais ce n'était pas vraiment nouveau. La matinée était plutôt fraîche, et la journée se s'annonçait pas plus chaude, au grand désespoir d'Isaac. Ce n'était vraiment, vraiment pas quelque chose de plaisant; il n'avait jamais aimé le froid, bien qu'il ne cessait de se lever à des heures affreusement matinales, qui n'avaient pour avantage que de lui permettre de profiter de quelques heures supplémentaires lors de ses sorties quotidiennes; or, les désavantages, qu'une personne tout à fait normale aurait considéré trop gros pour se lever, faisaient un poids terrible sur sa personne. Cela dit, ce n'était pas ses préoccupations lorsqu'il se leva encore, et il se dirigeait joyeusement vers sa nouvelle destination.

A vrai dire, lorsqu'on était en surplus d'énergie, ce n'était pas impossible d'avoir l'impression que rester cloîtré dans un endroit proche stimule du gâchis permanent. Or, c'était tout à fait son impression. Il n'avait personne à enquiquiner si tôt, en fait, pas que ça le dérangerait spécialement,mais disons qu'il n'avait que de mauvaises expériences qui découlaient du fait de déranger un soldat en plein sommeil. Aussi, parfois, cette espèce de femelle rouge complètement farouche qui le chassait des couloirs à la moindre occasion, qui le plaquait avec une facilité déconcertante au sol, et qui le faisait saigner du nez. Brrr, pourquoi les gens ne l'aimaient décidément pas ? Il ne faisait pas ça par plaisir d'enquiquiner les gens, quoique, il faisait tout de même ça principalement pour la science ! Et les gens semblaient désappointé tôt dans la matinée. Mmmh. Ennuyant. Parce que ça ne laissait pas assez de temps pour se repaître des informations qui étaient censées découler de leurs propres pensées. Enfin, puisqu'ils n'aimaient décidément que rester dans leurs trous à marmotter, musarder à rien faire, mieux valait se décider à dépenser son temps à faire autre chose, et marcher semblait être une bonne manière, surtout de ces fleurs qui étaient le propos principal de la journée.

Le soleil commençait à être plutôt haut, sonnant midi, lorsqu'il arrive enfin à la chapelle. Oh, il s'était permit d'avancer à un rythme peu soutenu, souvent épuisé, il pouvait donc aisément gaspiller du temps lors de sa course à faire autre chose. Comment ça c'était drôlement contradictoire ? Bah, ce n'était rien qu'un petit détail sans importance. Comparé à ses prévisions, le temps n'était pas si mauvais; un ciel relativement bleuté, des nuages à peu près grisâtres mais tout à fait clairs, du moins assez pour ne pas être porteur de plus que quelques gouttes de pluie; qui ne s’apprêtaient définitivement pas à tomber sur son visage. Au moins, le temps conservait une certaine fraîcheur, renforcée par une brise continuelle. Levant la tête vers le ciel, il s'accorda de nouvelles secondes de repos, soupirant lourdement; ça faisait étrangement du bien. Mais cette solitude lasse n'allait pas l'aider à quoi que ce fut, alors, il se fallait qu'il agisse. S'approchant de l'ombre de la chapelle, là où les dites fleurs, fameuses, avaient poussé, il réfléchit pendant une dizaine de minutes à l'apparition des fleurs en ce lieu, ce qui était propice à leur développement, avant même de penser à quoi que ce soit de superflu, comme les propriétés des fleurs par exemple. Enfin, il se décida à les observer, les enregistrer, les assimiler avec ses connaissances propres, totalement excité par la découverte. Au final, elles ne semblaient pas si étrange, de ce point de vue-là.

Allongé dans le sable fin, il continuait de contempler les magnifiques mais banales plantes qui s'étendaient faiblement devant lui, comme de timides petites choses, anorexiques et mal en point de par la violence du monde. C'était adorable, pour lui, qu'on puisse ainsi, amoindri, se battre pour une vie passagère, de quelques maigres mois.