Courir.

En fait, tout avait commencé lorsque tu avais parcouru le désert. Néanmoins, cette fois, tu eus la génialissime idée de ne surtout pas y aller aux heures les plus chaudes. Tes aventures de ces derniers jours t'auront fait comprendre la leçon. Tu étais donc partie à l'aube, dès que possible. Sans un avertissement toutefois. Tu ne savais pas encore réellement où tu allais, mais lorsque tu arrivas à percevoir les cieux nocturnes, tu fus éblouie de constater qu'il était piquetée de milliards de points argentés, surprise par cette magnifique obscurité, douce et tellement plus fraîche qu'en journée. Tu t'es allongée un instant dans le sable, encore frai lui aussi, et tu as contemplé le ciel. Tu n'avais vu un si beau ciel qu'une seule fois, et ce fut avec... Lui... Et Sorrel, aussi. Tes babines se redressèrent et formèrent un doux sourire, mélancolique et gracieux. Tu fermas les yeux, et c'est alors que tu t'adressas indirectement au ciel, comme pour lui transmettre un message. Un message vers l'Au-Delà. Avec un peu de chance, lui aussi entendra ce message. Avec un peu de chance, tout redeviendra normal.

Si cela l'a seulement été un jour.

Tu t'étais redressée, t'étais ébrouée comme un petit chien, et t'en était allée en trottant joyeusement vers la ville. Mais de la buée se formait sur tes verres : il devait y avoir quelques larmes qui s'y nichaient. Elles s'en iront, ne t'inquiétas-tu pas. Doucement mais sûrement, tu vis les pics de béton déchirer le ciel se rapprocher de toi. La ville te sembla d'autant plus impressionnante de nuit. À chaque pas que tu fis, tu sentais le sable crisser agréablement dans un faible son. Ta queue le balayait pendant ta marche, entrant dans son poil, tu le repoussais comme unique jeu et puis tu t'arrêtas un instant pour tenter d'en faire un petit tas. Après quoi tu t'en retourneras à ta route habituelle. La nuit est un monde bien divergent du nôtre où toutes sortes de choses se produisent, dans l'ignorance la plus total des autres. La ville, elle, n'échappe pas à cela. Tu zigzaguas entre les bâtisses solitaires, en ruine, ancienne trace de vie d'un peuple les ayant abandonnées. À quoi cela pouvait bien ressembler, la vie là-dedans ? Quelque chose tomba par terre, non loin.

Tu te redressas, surprise. Tu tournas la tête vers ce qui venait de tomber, c'était une pierre. Tes oreilles se redressèrent, tes vibrisses remuèrent doucement et tu t'approchas, les sourcils foncés, méfiantes. Y avait-il quelque chose, dans ce silence ? Quelque chose qui te guettait ? Tu pivotas la tête lorsque tu entendis un nouveau bruit. Quelque chose, n'importe quoi, t'avait pris pour cible. Ou quelqu'un. Tu pris une inspiration est te dit que ce n'était sûrement qu'une bête sauvage. Il y en a partout, des créatures de la nuit. Des monstres. Un frisson te parcourut et, prise par un étrange sentiment de contradiction, t'avanças courageusement vers ce qui te faisait tant peur. Il y avait bien une masse dans l'obscurité. Tu te fis violence pour ne pas tenter de prendre la fuite et surtout pour ne pas te montrer déraisonnable. La chose bougea. Merde. La peur te gagna un instant, dominant la bravour et tu t'élanças à travers le désert, fuyant à toute allure. La bestiole te suivait-elle toujours ? Tu ne puisses le dire, car bien vite, tu oublias tout ce qui pouvait se trouver autour de toi. Ta course ne devint que plus difficile lorsque ce terrible sentiment, phénomène « oxymore », te poussa à vouloir absolument revenir sur tes pas pour combattre la peur.

Tu ralentissais, prise par un élan de courage, puis accélérais, contrôlé par l'effroi. Que devais-tu faire ? Comment ? Pourquoi ? Tu commençais à paniquer, puis ta force morale devint si puissante que tu aurais pu terrasser un lion et ainsi de suite dans une boucle infernale. Ta respiration s'accélérait elle aussi, ton coeur cognait dans tes tympans et tu te mis à voir flou. Il te sembla un instant distinguer quelque chose, à quelques pas : une sorte de carcasse géante. Titubante, tu t'avanças lentement vers le cadavre, puis reculas ; mais où étais-tu ? Tu avais envie de crier, de laisser échapper un long hurlement de haine envers toi-même, envers les autres, envers les hommes aussi. Qu'est-ce que l'on avait bien pu te faire ? L'odeur de tes fleurs te semblait plus vive qu'avant et cela te donna la nausée. Le sol dérapa sous tes pattes, le ciel pivota violemment alors que tu parvenais enfin contre la chose. Et tu te rétamas au sol ; sombrant dans un sommeil puissant dans lequel quiconque ne pouvait te sortir à moins que tu ne t'y résolves.

Et merde.

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