« Je suis déjà venue ici. Dans un monde devenu poussière pour devenir poussière à mon tour. C'est ici que je suis morte et qu'on m'a enterrée. »
Il faisait froid.
Terriblement froid.
Ton corps gelait presque.
Ton souffle s'amenuisait.
Comment pouvais-tu avoir froid ?
Le désert est de feu.
Il y fait toujours chaud.
Sauf la nuit.
Mais ce n'est pas la nuit, non ?
Tu vois le soleil briller dans le ciel.
Un ciel si bleu et si pur.
Un ciel caché dans tes yeux.
Le sable est sombre.
Comme il l'est la nuit.
Mais tu vois le soleil.
Tu devines la lune.
Tu en pleurerais presque.
Tu comprends.
Elles sont de retour.
Tu y avais échappé quelques temps.
C'était si court.
Ou si long ?
Tu ne sais pas.
Tu ne sais jamais rien.
Les visions.
C'est comme un enchantement.
Un sort qui te tiens prisonnière.
Piégée dans le temps.
Le ciel se dissipe.
Tu vois la nuit.
Tu vois les étoiles.
Tu vois le désespoir.
Tu comprends le froid.
Depuis combien n'as tu pas mangé ?
Tu sais que tu es maigre.
Tu sais que tu es faible.
Tu sais que tu es seule.
Alors pourquoi avancer ?
Pourquoi ne pas mourir ?
Tout simplement ?
C'est pour lui.
Tout est toujours pour lui.
C'est lui qui te garde en vie.
Lui qui chasse.
Lui qui boit.
Lui qui ne meurt pas.
Vous marchez côte à côte.
Tu aimerais parler.
Mais pour dire quoi ?
Il ne t'aime pas.
Il ne t'aimera jamais.
Personne ne le fera.
Tu sais où tu es.
Tu es déjà venue.
Une attaque.
Il y avait eu une attaque.
Et une chatte noire et blanche.
Qu'était-ce déjà ?
Des rats.
À manger.
Pour survivre.
Tu le vois déjà en position.
Il traque.
Il chasse.
Tu ne sens plus le froid.
Tu es le fantôme désormais.
Tu n'as même plus besoin de marcher.
Tu flottes jusqu'à lui.
Tu n'es qu'une pensée.
Un souvenir.
Passie.
Lui il réussit toujours.
Comme maintenant.
«
Tiens. Mange. -
Merci Passie.-
Ne me remercie pas. Si je ne risquais pas de mourir avec toi il y a longtemps que je t'aurais tué moi même. »
Tu baisses les yeux.
Tout ça tu le sais déjà.
Tu sens de nouveau le froid.
Il a disparu.
Tu manges la viande encore chaude.
Le goût t’écœure.
Le sang te donne envie de vomir.
Mais tu n'as pas le choix.
Tu laisses la carcasse de côté.
Tu as peur.
Tu te sens mal.
Alors tu cours.
Vite, très vite.
Les coraux morts te saluent au passage.
Tu trouves une flaque.
Pour nettoyer tout ce sang.
La mort est partout sur toi.
Celle de ta nourriture.
Celle de tes amis.
Celle de ta famille.
Tu voudrais hurler.
Hurler à la lune.
Mais il n'y a que les loups pour faire ça.
Tu n'es pas un loup.
Toi tu n'es rien.
Tu t'allonges pour pleurer.
Tu es déjà morte au fond.
« Je me suis toujours demandée, maman, qu'est-ce qu'il y a tout en haut du monde ? Tu crois que l'on nous voit de là-haut ? »
Une voix.
Légère.
Agréable.
Et une question.
Elle résonne.
Tu ne sais pas y répondre.
Et pourtant tu aimerais.
Mais la voix n'a pas besoin de toi.
Elle résonne.
Peut-être vient-elle des cieux eux mêmes ?
« Peut-être ma chérie, je n'en sais rien. On doit sûrement paraître tout petit depuis les cieux. »
La voix d'une mère.
Sont-elles deux ?
Non ce n'est pas ça.
Elle est seule.
Elle doit être perdue.
Ou alors elle a trouvé.
Tu te surprends à te redresser.
Ton pentagramme est éteint.
La personne n'est pas si proche.
Alors pourquoi sa voix résonne ?
Ce n'est pas dans l'air.
C'est en toi.
Pourtant tu ne les imagines pas.
« Comme de petits êtres sans importance, voués à rien ? »
La voix est triste.
Désespérée.
Comme un reflet.
Celui de ton âme.
Incapable de se battre.
Incapable de comprendre.
Sans importance.
« Nous avons tous notre importance dans ce monde, Petit Oiseau Chanteur. Et tu trouveras un jour, pourquoi tu es là. Je suis sûre que tu verras le monde depuis là-haut, comme nous tous. »
C'est la même voix.
Si différente pourtant.
Pourrait-elle réellement dire vrai ?
Tu n'es pas importante.
Tu n'as fait qu'une seule chose.
Tu as tué ton père.
Oh, ce n'était pas de ta patte, mais tu l'as laissé faire.
Quand lui il te suppliait.
Et que tu n'as rien fait.
Tu pourras dire ce que tu veux.
Tous savent que tu es coupable.
Tu aurais du mourir à se place.
C'est toi qui devrais voir le monde d'en haut.
« Parce que tu as déjà vu depuis les cieux, toi ? Et puis, pourquoi es-tu là ? »
La voix est faible.
Tu te dois de la suivre.
Tu as besoin de la réponse.
Comme un dialogue entre deux personnes.
Un dialogue intérieur.
Celui qui apaise.
Pas celui qui te dévore.
Passie s'est rendormi au fond de ton esprit.
Et si c'était lui qui parlait ?
Et si c'étaient de nouvelles hallucinations ?
Non.
Tu le sais.
Tu le sens.
Cette voix n'est pas la tienne.
Elle n'est pas dans ton esprit.
Tu restes cachée sous les coraux.
Tu espionnes.
Juste assez pour entendre.
« Mon rôle, dans ce monde, c'est de t'avoir donné naissance, ma chérie. Et puis tu sais, je serais toujours là pour toi. Même si maintenant, je suis beaucoup trop loin pour te le dire en personne. Crois en tes rêves, Petit Oiseau Chanteur, crois en tes rêves. »
C'est une mère qui parle.
Qui parle à son enfant.
Ta mère ne t'as jamais parlé.
Elle ne t'a jamais aimé.
Tu es l'erreur de sa vie.
Cet oiseau a de la chance.
Beaucoup de chance.
Sa mère l'aime.
Sa mère est morte.
Ta mère est morte.
Ta mère ne t'aime pas.
La voix s'est éteinte.
Tu es inquiète.
L'as-tu laissé s'échapper ?
Tu as besoin de l'entendre parler.
Elle te rassure en quelque sorte.
Ce dialogue était apaisant.
Mais maintenant ton esprit bouillonne.
Tu te redresses franchement.
Là bas, au loin, une silhouette se dessine.
Tu cours vers elle.
Tu n'y peux rien.
Et si c'était ta mère ?
Ta mère qui venait te chercher ?
Après tout ce temps, seule dans le noir.
Le pentagramme sur ton épaule s'active.
Mais tu le vois trop tard.
Pauvre Mhei.
Pauvre et imbécile.
Tu percutes de plein fouet cette inconnue.
Tu te dégages.
Tu es confuses.
Tu murmures un mot d'excuse.
«
Pardonne moi Petit Oiseau Chanteur.-
Alors comme ça dès que je m'absente il se passe des choses intéressantes ? »
Ton poil se hérisse imperceptiblement.
Tu es tendue.
Passie est là.
Il flotte à côté de la chatte inconnue.
Tu le fixes.
Tu trembles de peur.
Et tu sais qu'il va te faire souffrir.
Mais comment ?
Code par xLittleRainbow