Je m'étais glissée discrètement en dehors de la caserne. Les hommes ne nous privaient pas de nos mouvements, mais il aurait suffit qu'un seul d'entre eux me donne un ordre pour que ma journée soit fichue en l'air. J'avais filé comme une ombre sournoise, ne souhaitant pas passer de nouveau toute ma matinée à patrouiller entre des cages aux félins effrayés, ou à exercer un pouvoir déjà maîtrisé depuis de longs mois. Je ne cherchais pas de chose en particulier, et bien que cela soit étrange pour une période de l'histoire aussi sombre, c'était un fait: Je me promenais. Entre la pollution, les nuages menaçants, les Rôdeurs, je me promenais. Peut être étais-je un peu folle sur les bords de risquer ma peau ainsi. Je suivais ce sentier de terre battue, retournée, utilisée par les humains afin de transporter bien des choses. Je faisais toutefois attention à ne pas poser une patte dessus, j'avais trop entendu d'histoires de chats morts après un impact involontaire. Je baillais, mes grands yeux balayant les environs. C'était calme, étonnement, et je déviais de ma trajectoire pour m'éloigner de ce chemin trop bien tracé. À ma grande surprise, de l'herbe finit par effleurer mes pattes. Des feuilles trop vertes pour être réelles, des fleurs même, par moment... Cet endroit était de toute beauté pour mon cœur de soldate.

Je pensais alors avoir trouvé ou me reposer un moment. C'était futile, comme activité, de ne rien faire pendant que des camarades travaillaient, que les ennemis -était-ce seulement des ennemis?- se préparaient. Pourtant, je m'asseyai sans l'ombre d'un remord, ma longue queue se tortillant tel un énorme serpent entre les herbes. Je finis même par m'allonger, les oreilles hautes sur mon crâne, les yeux brillants. Ma truffe à quelques centimètres d'une fleur, je la contemplai avec fascination. J'en avais rarement vu. J'étais plus habituée à la noirceur de la ville. J'ignorai ou j'étais, mais j'aimais cet endroit. Un fin sourire étira mes lèvres, avant que je ne me redresse vivement. Un bruit. Sûrement un animal. Je me relevai lentement, nerveuse. Un chat? Un rôdeur? Un prédateur? J'entrouvrai la gueule, humant silencieusement l'air. Un chat. Pas un soldat selon moi, son odeur m'était étrangère. Je ne disais rien. Peut être passerait-il sont chemin si je ne l'alertai pas.

Un nouveau bruissement attira mon regard. Un buisson bougeait. Je me préparais dors et déjà à décamper, mais la silhouette fine d'un chat me poussa à rester campée sur mes pattes. Je couchai une oreille, le détaillant rapidement du regard. Un mâle d'après son odeur, crème et blanc, d'étranges iris rouges. Bien évidement, il demeurait plus haut que moi, si bien que je dû fléchir légèrement la nuque afin de me dévisager. Au premier abord, il ne me semblait pas hostile, cependant je restai méfiante. Il pourrait se jeter à ma gorge à la seconde ou je me détournerai. Prudence est mère de sûreté.

-Qui es-tu ?

Sa voix grave manqua de me hérisser l'échine, mais je me forçai à rester calme. Ainsi, il était curieux? Très bien. Je n'étais pas disposée à satisfaire son intérêt aussi simplement, mais abaissai ma queue brandie en l'air depuis quelques secondes. Je n'aurais pas besoin de fouet pour le moment. Je redressai le museau, le visage fermé, et déclarai d'un ton clair puisqu'il semblait attendre:

-Vuoksi. Je me permet de te retourner la question.

En vue de l'endroit où je me trouvais approximativement, je pariais en silence sur un Felinae de passage. Je ne souhaitai pas me rouler par terre en feulant avec lui, cela aurait été un mauvais choix stratégique de ma part. Je ne le quittai pas des yeux, les mâchoires serrées. Bien que mes griffes soient rentrées, il semblait cependant clair que je ne craindrai pas de me défendre par le sang s'il tentait quoi que ce soit. J'étais relativement pacifique, mais pas folle. Finir écorchée vive ne faisait pas parti de mes projets d'avenir. L'ambiance calme du lieu me permettait de conserver une certaine maîtrise de moi. S'il avait été chaotique, nul doute que je l'aurai lacéré afin de pouvoir assurer ma fuite. Pourtant, je n'en faisais rien, attendant qu'il parle de nouveau.

Il réfléchissait, cela se lisait sur ses traits. Il hésitait même devant mon regard perçant. Et j'attendais, j'attendais sans me lasser qu'il me donne enfin de quoi coller un nom sur ce nouveau visage que j'aurais sûrement oublié d'ici quelques jours. Il avait la même attitude que moi, celle d'un félin ne souhaitant pas la guerre mais qui pouvait l'engager si je faisais des miennes.

- Mon nom est Kodaï, sans vouloir être indiscret, pourquoi est-tu venue ici ?

Ses yeux ne quittaient pas mon minois. Je tressaillais légèrement par moments, et laissai ma patte gratter pensivement le sol. Lui répondre? Le laisser planer dans le doute? J'évaluais sa carrure du regard, l'air de me demander si je pouvais parvenir à lui fausser compagnie en m'évadant à toute allure. Pourtant il m'intriguait. C'était un de ces rares ennemis enclins à discuter. Ils avaient tendance à beaucoup trop de méfier et se jeter sur nous dès que l'occasion se présentait. Je ne les en blâmais pas, ils le faisaient pour leur propre survie... Je m'égarais peu à peu dans mes pensées, oubliant momentanément le fait que j'étais censé lui fournir une réponse claire à sa question. Je secouai un peu la tête, glissant une langue rose sur mes lèvres.

-Kodaï. Kodaï... À dire vrai, je me promenais.

Cela pouvait paraître tiré par les poils, mais c'était bel et bien vrai. Je m'étais sentie forcée de répéter son nom, afin de m'assurer de l'avoir bien entendu et de parvenir à le prononcer sans l'écorcher tout bonnement. Puisqu'il ne dirigeait vraisemblablement pas d'embuscade, je finis par tout bonnement m'assoir. J'étais toujours tendue comme un arc, mais plus sur cette position défensive adoptée auparavant. Je pris un air pensif, le visage fermé.

-En revanche, j'imagine que te retourner la question serait déplacé, tu me sembles être en pleine patrouille... Ou peut être que je me trompe.

- Navrée d'avoir rompu ta tranquillité, en ce cas.

Ma tranquillité ? Tu m'as juste piquer le seul endroit à l'ombre peu fréquenté. Bon, pas grave, j'avais envi de tailler la discutaille, autant rester. Sous ses airs de tumetouchejtebouffe elle avait l'air plutôt sympathique, enfin pour un soldat. Je lui répondis :

- T'en fais donc pas pour ma tranquillité va. Puisque t'es là, pourquoi ne pas discuter ? Si sa t'gene pas biensur. J'aimerais savoir, pourquoi es-tu devenu soldate ? Si tu viens ici plutôt que de rester dans ta caserne, c'est parce-que t'en as marre ? x'cuse pas curiositée hein.

Je changerais jamais. Toujours aussi avide d'infos. J'suis pas comaire ou un truc du genre, mais j'aime bien parler. C'est bien la parole. Sa créais des liens eheh. J'en profita pour la détailler un peu plus. Elle portait une chaine en or, surement un cadeau des humains, et d'étranges anneaux en or pendouillaient à ses oreilles. C'était classe omagadd. J'espère qu'elle pardonnera mon indiscrétion, car elle a l'air de pas rigolée. Alalah, qui d'autre moi pour discuter avec un soldat ? Sa me perdras un jour, c'pas possible. En meme temps, je peux les comprendres, je l'ai moi meme été, dans mes premiers mois. J'eu une petite pensée pour mon frère, mort pour ma liberté, et mes yeux se voilèrent de chagrin. Zut ! pourvu qu'elle n'est rien vue, j'veux pas passer pour un fragile moi. Enfin bref ! J'attendais donc sa réponse.