Le soldat marchait tranquillement par cette agréable soirée. Pourquoi était-il si loin de la ville ? Lui-même ne le savait pas. De toute façon, plus il était loin de la ville, mieux il se sentait. Kaïgaan avait marché sans but après sa mission matinale et ses pattes l'avaient menées ici. Il connaissait très peu cet endroit, puisqu'il n'y avait été que peu de fois. L'arbre était immense, et son épiasse parure verte le rendait encore plus imposant.

Ça pour un gros arbre, c'est un gros arbre.

Un vent frais vint caresser le pelage gris et bleu du soldat et remuer les feuilles de l'entité végétale. Kaïgaan se demanda depuis combien de temps il pouvait bien exister. Les arbres poussaient si lentement et pouvaient malgré tout atteindre des hauteurs impressionnantes... Si ces maudis humains les laissaient pousser. Le soldat soupira avant de s'approcher un peu plus de l'arbre. C'est là qu'il dressa les oreilles en entendant quelques chose : Des sanglots. Une voix féminine était en train de pleurer. Il se rapprocha et lorsqu'il pu voir la chatte, celle-ci leva la tête. Elle avait dû sentir son odeur avec cette brise... Entre deux sanglots, la femelle s'exprima d'un air désespéré :

- Pitié , ne me tuez pas...

Kaïgaan ne lui répondit pas tout de suite, frappé par le désespoir qui émanait de la chatte. A son odeur, le soldat devina qu'elle était une Felinae. Son pelage était noir avec quelques extrémités blanches. Elle portait quelques bijoux violets, de la même couleur que ses yeux tristes. Enroulée entre ses immenses ailes noires, elle le regardait comme s'il lui apportait la mort elle-même. Kaïgaan grinça des dents. Bien sûr qu'il n'allait pas lui faire de mal, mais il ne voulait pas lui faire peur. Ce qui était assez difficile au premier abord lorsqu'on est un soldat. Mais qu'il le voulait ou non, voir une pareille chatte pleurer lui était insupportable. Il sentit une douceur immense monter en lui, comme si tout son côté agressif et moqueur avait disparu. Bien que Kaïgaan maniait très bien les mots pour se moquer, il n'avait jamais été très fort pour réconforter quelqu'un. Il remua les oreilles, gêné par la situation et parla doucement :

- Je ne vais pas te faire de mal...

La douceur de sa voix le surpris lui-même. Il se fit plus petit pour ne pas lui paraître menaçant et s'approcha lentement d'elle. Il arriva presque couché en face d'elle, la regardant avec empathie. Pourtant, il restait méfiant comme à son habitude, les pattes placées d'un telle façon qu'il pourrait facilement esquiver en cas d'attaque désespérée de la femelle. Il tenta de démarrer un conversation, même s'il manquait vraiment de tact dans ce genre de situation.

- Ça... Ne va pas ?

Évidemment que ça ne va pas, espèce de bouffon. Elle chiale. Non mais quel génie celui-là...

Il était assez gêné par la situation. Elle avait peur de lui, il ne savait rien d'elle et il ne savait même pas comment réellement réconforter quelqu'un. Il se doutait qu'elle n'allait pas raconter tout ses problèmes à un soldat. Peut-être même que sa simple présence allait la stresser encore plus. Mais il ne pouvait tout simplement pas la laisser dans cet état. Entendre les pleurs des prisonniers sans pouvoir agir était assez difficile, pour une fois qu'il pouvait aider quelqu'un au bord du gouffre, il allait le faire.

La féline essuya ses larmes avant de lui répondre :

- Oui , ça ne va pas...

Boooon, elle ne me répond pas agressivement, c'est un bon début.

Le soldat se détendit et replia ses pattes sous lui-même, de façon à être mieux installé. La femelle ne comptait pas lui faire de mal, ou alors jouait parfaitement la comédie. Bref, il n'avait autant rien à craindre d'elle que elle de lui. Il était couché en face la chatte, la laissant exprimer ce qu'elle ressentait.

- C'est juste que ces derniers temps ont été difficiles pour moi...

Oh. Il se doutait que la vie d'un Felinae était plus dangereuse que celle d'un soldat. Livrés à eux-mêmes, ils devaient affronter la maladie, le froid, tous ensemble. Qu'avait-elle bien pu vivre ? Peut-être que parler lui ferait du bien... Avant qu'il ne pu lui répondre, elle le questionna :

- Pourrais-je savoir q-quel est ton nom ? M-moi c'est Nyria...

Nyria... C'est un nom plutôt mignon. Whait, pourquoi je pense ça ? Concentre-toi Kaï allons !

Nyria, puisque tel était son nom, renifla et baissa la tête, l'air honteuse. Elle sembla se perdre dans ses pensées avant de reprendre quelques instants plus tard :

- Pardon...

Cette Felinae avait vraiment l'air ébranlée. Comme si un flot de pensées lui arrivaient en tête sans qu'elle ne puisse les contrôler. Elle avait l'air détruite, à fleur de peau. Il ne fallait surtout pas la brusquer. Kaïgaan décida donc de répondre d'un ton doux.

- Y'a pas de mal. C'est normal d'être comme ça lorsqu'on est triste.

Son regard s'adoucit et il ajouta :

- Je m'appelle Kaï.

Il n'osait pas dire grand chose d'autre. Allait-elle se confier si facilement à un ennemi ? Le soldat savait que la tristesse poussait à l'imprudence mais il voulait lui faire comprendre qu'il ne lui ferait rien de mal. Il ne lui dit rien, la laissant choisir si elle voulait parler ou non.

La femelle lui répondit d'une voix plus claire :

- C'est un beau nom. Je suis enchantée de te rencontrer.

Le soldat remua les moustaches, quelque peu gêné de ce compliment soudain. Son nom avait une grande importance pour Kaïgaan, puisqu'il était sa façon de refuser l'avenir que lui avait imposé son père. C'était assez allégorique, lui-même pouvait le comprendre, mais il tenait à ce qu'on l'appelle par le nom par lequel sa mère l’appelait. Et non pas "Kaïgaan", en entier, choisi par son maudit père. Bref, il était assez content que Nyria trouve son nom appréciable, puisqu'il symbolisait son peu de liberté.

- J'aimerais me confier. Ce qui me rend si triste c'est que...Ma meilleure amie Laam est morte puis peu avant mon fils cadet a été porté disparu. Il y a aussi que le père de mes petits n'était jamais là pour eux sauf quand il le voulait et quand il le voulait , ce n'était que très rarement. De plus il donnait seulement de l'affection à son fils aîné qui en plus lui ressemblait tellement physiquement...Maintenant les deux seuls petits qu'il me reste me demandent sans cesse pourquoi leurs père ne passe plus du tout de temps avec eux et je ne sais pas quoi leurs dire.

Elle éclata une nouvelle fois en sanglot. Alors que son corps se secouait de soubresauts, des larmes coulaient le long de ses joues noires, tombant ensuite entre ses pattes. Kaïgaan n'osait rien dire. Que dire de toute façon ? Il ne pouvait rien changer à sa situation et réconforter les gens n'était pas réellement ce pourquoi il était le plus doué. Il ne savait pas ce que c'était de perdre un compagnon, enfin une compagne dans son cas. Comment un chat pouvait-il laisser ses enfants seuls avec leur mère ? Le soldat grinça des dents. C'était exactement ce qu'avait fait son père finalement. Les laisser, lui et sa soeur, seuls avec leur mère, enfermés dans cette maudite cage. Kaïgaan ne connaissait pas encore les joies et les tristesses liées à l'amour, mais il savait ce que cela faisait de perdre un être cher. Dans son cas, c'était sa soeur, emportée par les humains. Il allait tenter de lui dire quelques chose de réconfortant, enfin, essayer, quand elle le questionna après avoir essuyé ses larmes :

- Ce n'est pas un peu dur d'être Soldat ? Mon demi-frère en est un et il m'a raconté que parfois il est difficile de ce concentré ou même de dormir là-bas. Il dort près des laboratoires et apparemment le soir il entend le gémissement des jeunes expériences. J'espère que mon petit Devil n'est pas une de ces expériences à l'heure qui l'est. Je serais détruite si cela était le cas... Si il n'est pas déjà mort...

Oh. Premièrement, le soldat avait deux questions : Qui étaient ces deux chats ? Peut-être qu'il les avait déjà vu... Si cela se trouait, il les connaissait et ne s'était jamais rendu compte de rien. Mais aucun "Devil" ne lui disait quelque chose. Ensuite, ses paroles résonnaient dans sa tête, l'empêchant de se concentrer sur le nom du chaton. Les gémissements de douleur des expériences, les cris apeurés des prisonniers, il ne les connaissait que trop bien. C'était la principale raison pour laquelle il faisait son possible pour rester hors de la ville la journée et rentrer tard le soir, lorsque tout ces pauvres chats se sont endormis d'épuisement. Il lui répondit après un silence, d'un ton moins doux, peut-être à cause de ses sombres pensées.

- Je suis sûr que tout a s'arranger pour toi. La tristesse ne dure qu'un temps, après on s'adapte, on oublie, et la vie reprend. Si tu veux, je peux essayer de trouver Devil, pour... Le surveiller de loin si on veut.

Sur cette phrase il pencha la tête sur le côté avec un léger sourire. Il se doutait que ses mots n'étaient pas très réconfortants, puisque de toute façon il n'était pas adepte des longs discours redonnant le moral. Mais il avait essayé, fait l'effort dirons-nous, même si c'était bien peu comparé au malheur de Nyria. Il n'avait pas répondu à sa question sur la difficulté morale d'être un soldat. Il n'aimait pas se plaindre, ou raconter sa vie, se confiant bien moins facilement que la chatte noire. Mais elle savait bien ce que c'était, à l'entendre parler. Il n'avait ni le besoin, ni l'envie d'épiloguer sur ses problèmes de conscience. Alors avec ces courtes phrases il se tut, puisque de toute façon elle semblait avoir envie de parler.

Up :B

J'archive car Nyria part