Enfin de retour ! J'étais épuisée de mon expédition dans le désert, depuis la forét empoisonnée, et ma téte encore pleine de cette rencontre hors du commun.

Eyeless Jack, un solitaire masqué et mystérieux, avait déclenché en moi un sentiment que je n'ai encore senti depuis longtemps.
Je ne saurais expliquer pourquoi, mais désormais je lui fais confiance.
Heureusement, le chemin du retour n'avait pas été si pénible.
Je ne faisais que penser á mon aventure, et le trajet s'était facilité.
Puis, Azuris se faufila dans mes pensées. Comment allais-je lui cacher ?
Ce n'est pas mon habitude de garder des secrets, habituellement je suis trés sincére, donc mentir serait hors ma ligue.
Pourtant, cette fois, c'était mon petit secret, et pour l'instant, personne n'a besoin de savoir.

Mes pattes me faisaient mal, j'ai passé trop longtemps á trainer partout.
Mon estomac se mit á gargouillier, ma 'promenade' avait laissé un gros creux dans le ventre.
Je me dirigeai vers la pile de gibier. Elle était moins remplie que dans la forét, mais bon.
Nous avons beau avoir de bons chasseurs, le gibier reste difficile á trouver dans ce désert.
Je sélectionnai un serpent, ma nourriture préférée, et m'installai pour le manger.
Je restai seule, mais sa ne me géne pas. Aprés tout, je ne suis pas trés sociable comme chatte.
Il faisait tard, il était temps d'aller me coucher.
Je me hissai á mes pattes, et me dirigeai vers ma taniére.
Mais ce n'était pas ma taniére. Je n'avais pas bien regardé, j'étais si fatiguée.
Il y avait des chátons et une nourrice, blanche avec des táches rousses, et une queue qui se séparait en deux á l'extrémité.
Elle était trés belle.
Je remuai les moustaches, un peu génée, et m'excusai :

-Désolée, je me suis trompée de taniére.

Je fis un petit sourire. Je ne suis pas trés douée pour ce genre de choses, mais devant des chátons, il faut faire de son mieux.
Je voulus partir, mais quelquechose me clouait au sol.

Lorsque je rentrai à l'oasis, j'avais un peu mal aux pattes, mais j'étais très satisfaite : en effet, j'avais réussi à attraper une chouette du désert. Bon, certes, j'y avais mis la journée, mais j'étais fière de moi. Pour une fois qu'une de mes parties de chasse se déroulait sans encombre ! Je tenais cette chouette entre mes crocs ; ses plumes me chatouillaient les moustaches. Je la déposai sur la pile prévue à cet effet, et me pris une gerbille. Je n'avais pas très faim, aujourd'hui. Je m'installai sur un roc pour déguster mon repas en admirant le crépuscule. Les couleurs du soir étaient magnifiques, sur le sable du désert. Une fois ma proie dévorée, le ciel était déjà sombre. Je me glissai dans ma tanière. Les deux petits étaient déjà endormis. Je m'allongeai derrière eux pour leur tenir chaud. Ils ne bronchèrent pas. Je passai quelques minutes, attendrie, à écouter leur respiration, à regarder leurs petits museaux s'agiter dans leur sommeil.
Soudain, une chatte entra dans la tanière. Elle avait un pelage brun rayée de sombre et je vis deux grandes ailes de chauve-souris frémir dans son dos. Les rayons argentés de la lune faisaient luire son pelage. Son oeil gauche brillait tel une flamme bleue dans le noir. Son autre oeil luisait faiblement, barré par une cicatrice.
Elle remua les moustaches, visiblement un peu mal à l'aise. Elle miaula doucement :

- Désolée, je me suis trompée de tanière.

Elle me fit un petit sourire gêné ; elle semblait crispée et je remarquai qu'elle regardait les chatons. Je répondis à son sourire et me levai doucement, en prenant bien garde de ne pas réveiller les petits. Je m'approchai d'elle et lui murmurai :

- Ce n'est rien. Viens, sortons un peu.

Je sortis et bondis prestement sur un rocher baigné de lumière lunaire. L'air était frais, et il n'y avait presque pas de vent. Je fermai les yeux et miaulai :

- Il fait bon, ce soir.

Je me tournai vers elle et soutint son regard étrange.

- Je m'appelle Yenäa. Et toi ?

Deux fois que je me fous la honte dans la méme journée. Mais qu'est-ce-qui m'arrive ?
La féline soutint mon regard et répondit á mon sourire. Elle se leva doucement et se dirigea vers moi.

- Ce n'est rien. Viens, sortons un peu.

Elle se dirigea vers la sortie. Comment fait-elle pour garder son calme ? Bon, c'est vrai je suis une rageuse, et pas des moindres. Sa doit étre facile, mais c'est juste mon caractére qui m'en empéche.

Je suivis la nourrice. Lorsque je la revis, elle était sur un rocher, avec une douce lumiére de la lune éclarant son beau pelage. Elle ferma les yeux et miaula :

- Il fait bon, ce soir.

C'était vrai, l'un des rares moments frais dans le désert, était la nuit.
Je la regardai, pour acquiser, mais c'est dur de contróler son regard, surtout avec un comme le mien.

Elle rouvrit les yeux, et se tourna vers moi, ses yeux jaunes étincellants dans la lumiére.

- Je m'appelle Yenäa. Et toi ?

Yenäa ? C'est beau...

Je m'assis. Je parle de plus en plus avec les gens, m'ouvre peu á peu au monde. Ce n'est pas si mal...
Azuris, Pythagoras, Eyeless Jack... et maintenant Yenäa.
Enfin, que si je réponds á sa question !
Brusquement ramenée á la réalité, j'ouvris ma bouche pour répondre, et dis d'un ton autoritaire.

-Je m'appelle Auras. Enchantée de faire ta connaissance Yenäa.

Je dois vraiment travailler ma voix amicale. La phrase n'avait pas du tout sorti comme je l'aurai voulu, mais il faut s'y faire. Maintenant, il faut juste trouver un sujet de conversation. Et ce n'est pas mon point fort.

Trouve. Un. TRUC !

-Euh...donc... Tu vas bien ?

Sérieux ? Auras, t'es vraiment sérieuse la ?!

La chatte aux ailes de chauve-souris s'assit à mon côté. Elle semblait songeuse. Après quelques instants, elle ouvrit la bouche et miaula :

- Je m'appelle Auras. Enchantée de faire ta connaissance Yenäa.

Son ton autoritaire, presque sec, associée à la gêne qu'elle avait eue en rentrant dans ma tanière, me fit remuer les moustaches d'amusement. Je compris qu'elle était du genre plutôt solitaire, à parler peu aux autres chats. Je lui souris, comme pour la rassurer et lui faire comprendre que je ne lui en voulais pas. Elle ajouta :

- Euh...donc... Tu vas bien ?

Et là, je l'avoue, je ne pus m'empêcher d'éclater de rire. Lorsque je l'avais vue la première fois, elle m'avait légèrement intimidée de par son apparence, qui n'était pas commune. Mais le ton de sa voix et son attitude me rappelaient les jeunes chats dont je m'occupais et cela me faisait toujours rire. Ce n'était bien sûr pas un rire moqueur, simplement un rire attendri. Je lui répondis alors, souriant entre mes moustaches :

- Très bien, merci. Et toi, Auras, comment vas-tu ?

Á ces mots, Yenäa éclata de rire. Malgré mon caractére, je ne me fáchai pas. Enfin, pas pour l'instant.
Si je voulais me faire des amis, je devais contróler mes crises de rage. Je fermai les yeux, inspirai, et la laissai se défouler.
Lorsqu'elle finit enfin de rire, la nourrice sourit.

- Très bien, merci. Et toi, Auras, comment vas-tu ?

Je láchai un soufflet de soulagement, elle ne se moquait pas. Cela suffit pour me calmer.

-Franchement, j'ai trés mal aux pattes, je viens de rentrer d'une expédition á la forét, lá oú tout est détruit. J'ai rencontré un...

Je coupai ma phrase. Je m'étais promie de ne parler á personne d'Eyeless Jack.
Je remuai un peu les oreilles, et repris :

-Pour l'instant, il n'y a aucun signe de vie lá bas. Je crois qu'on vas devoir rester dans ce fichu désert...

Je m'arretai encore. Il faut que je ne me laisse pas emporter. Essayant de garder la conversation sur la bonne voie, je donnai la parole á Yenäa :

-Et toi ? Qu'as-tu fait aujourd'hui ?

Parler, ce n'était pas si dur, en fait.

- Franchement, j'ai très mal aux pattes, répondit-elle. Je viens de rentrer d'une expédition à la forêt, là où tout est détruit. J'ai rencontré un...

Elle s'interrompit brusquement.
Un quoi ?
Je décidai de ne pas lui demander. Après tout, peut-être sa mission devait-elle rester secrète ? Sinon, je pouvais comprendre qu'elle ne veuille pas m'en parler. Nous ne nous connaissions que depuis une minute. Elle m'en parlerait si elle le souhaitait. Elle remua les oreilles et poursuivit :

- Pour l'instant, il n'y a aucun signe de vie là-bas. Je crois qu'on va devoir rester dans ce fichu désert...

Ah, visiblement elle ne se plaisait pas ici. De mon côté, à vrai dire j'étais partagée. J'avais toujours adoré la forêt, et maintenant elle était si loin... Mais cet endroit me convenait, même si mon pouvoir s'avérait être inutile, avec toute la lumière et la chaleur du désert. Auras me demanda alors :

- Et toi ? Qu'as-tu fait aujourd'hui ?

Je lui répondis d'un ton cordial :

- J'ai fait une partie de chasse. C'est assez... particulier de chasser dans le désert, et un peu compliqué aussi.

J'eus un petit rire léger.

- J'ai passé tout l'après-midi à poursuivre une chouette, mais j'ai fini par l'attraper. D'ailleurs, c'est bien la première fois qu'une de mes parties de chasse se passe bien ! Il faut dire qu'il m'arrive d'être... très maladroite.

Je me tournai vers Auras et m'enquis :

- D'ailleurs, si j'ai bien compris, tu occupes le rang de Veilleuse, c'est ça ?

Yenäa me répondit rapidement. Visiblement, elle s'y connait en conversation.

- J'ai fait une partie de chasse. C'est assez... particulier de chasser dans le désert, et un peu compliqué aussi.

Oh oui ! C'est trés compliqué. Elle lácha un petit rire, et je fis de méme.

- J'ai passé tout l'après-midi à poursuivre une chouette, mais j'ai fini par l'attraper. D'ailleurs, c'est bien la première fois qu'une de mes parties de chasse se passe bien ! Il faut dire qu'il m'arrive d'être... très maladroite.

Maladroite, hein ? Elle s'était déja pris un arbre dans la figure en poursuivant un lapin comme moi ?
Je m'apprétai á lui pointer ce détail, quand elle changea de sujet.

- D'ailleurs, si j'ai bien compris, tu occupes le rang de Veilleuse, c'est ça ?

Veilleuse ? J'appelle sa Gardienne, mais c'est la méme chose.

- Oui. C'est d'ailleurs un peu embétant quelquefois. L'autre jour j'ai tué un serpent ailé qui venait vers moi. J'adore les serpents. Pas grand monde en mange, mais je trouve sa trés bon.

Je commence á m'habituer á parler. Cette féline est trés sypmatique.

J'aimerais tellement étre comme elle un jour.

Pour l'instant, je dois me contenter de moi, mais je me sens bien dans mon corps, on me respecte.
Je cherchai un autre sujet de conversation, et je m'orientai vers ma demi-soeur.

-Yenäa, connais-tu Azuris ? C'est ma demi-soeur et une vraie boulette.

Je me grattai derriére l'oreille. J'avais une démangeaison et sa me génait depuis que je suis rentrée.
Une luciole passait par mon visage et atterrit sur mon nez. Je remuai mon museau pour le chasser.
Je dois avoir l'air d'une imbécile.

- Oui, me répondit Auras. C'est d'ailleurs un peu embêtant quelques fois. L'autre jour j'ai tué un serpent ailé qui venait vers moi. J'adore les serpents. Pas grand monde en mange, mais je trouve ça très bon.

Personnellement, je n'avais jamais goûté de serpent, mais j'avais déjà entendu dire que sa viande était... "spéciale".
Il faudra que j'essaye, un jour...
Auras m'interpella à nouveau :

- Yenäa, connais-tu Azuris ? C'est ma demie-soeur et une vraie boulette.

L'image de la jeune chatte brune et de la journée en forêt que nous avions passée ensemble m'arrivèrent aussitôt à l'esprit. J'esquissai un sourire. Ainsi, Auras et elle étaient demies-soeurs ?

- Oui, je la connais, répondis-je en agitant les moustaches. Nous nous sommes rencontrées lors d'une promenade en forêt. Je ne savais pas que vous étiez soeurs !

La fin de la phrase d'Auras me revint brusquement à l'esprit. Je lui demandai alors en pouffant à moitié :

- D'ailleurs... pourquoi l'appelles-tu boulette ?

Ma question parut intérésser la nourrice. Elle sourit et remuait les moustaches.

- Oui, je la connais. Nous nous sommes rencontrées lors d'une promenade en forêt. Je ne savais pas que vous étiez soeurs !

Donc elle la connaít ? Sa ne m'étonne pas, elle va n'importe oú cette boule de feu.

Elle pouffa soudain de rire. Je me demandais pourquoi, quand elle ajouta :

- D'ailleurs... pourquoi l'appelles-tu boulette ?

Je souris á cette question."Boulette" n'était pas le seul surnom d'Azuris.
Je répondis alors, retenant un rire qui menasait d'éclater :

-Bah, je sais pas si tu le sais, mais cette chatte est une vraie gamine. Elle va a peu prés partout, et me tape souvent sur les nerfs.

J'hésitai a citer les autres surnoms que je donnais a Azu. Je me contentai de lui raconter la fois oú elle m'avait posé toutes sortes de questions complétement toqués pour essayer de me chiper mon giber de sous mon nez. Je pouffai de rire lorsque je lui racontai ce qui lui est arrivé aprés.
Elle s'était arreté prés de l'oasis, et a pris une bouchée de mon serpent. Et puis...et puis...

-Je l'ai poussée dans l'eau ! Tu aurais du voir la téte qu'elle tirait !finis-je en éclatant de rire.

J'étais en pleurs tellement je riais. Du sang táchait le sol, mais je ne m'en souciai pas.
Mon oeil mutilé pleurait du sang, et je m'y étais bien habituée.
J'avais oublié que se tenait devant moi quelqu'un qui n'avait jamais assisté á mon inexplicable faculté de pleurer du sang

Auras sourit ; elle semblait au bord du fou rire.

- Bah, je sais pas si tu le sais, mais cette chatte est une vraie gamine. Elle va à peu près partout, et me tape souvent sur les nerfs.

C'est vrai qu'Azuris était curieuse et un peu... disons, espiègle, mais cela ne m'avait pas dérangé plus que ça : j'ai l'habitude, avec les chatons. Auras se lança alors dans une histoire qu'elle avait vécue avec sa sœur. Je remarquai qu'elle était bien plus détendue qu'auparavant. Elle me raconta comment sa sœur avait tenté de lui prendre son gibier puis, en pouffant, comment cette dernière s'était approchée de l'oasis pour prendre du serpent. Auras s'exclama :

- Je l'ai poussée dans l'eau ! Tu aurais dû voir la tête qu'elle tirait !

Elle éclata de rire. Je ne pus m'empêcher de rire également, en imaginant la petite chatte trempée jusqu'aux os et son expression en sortant la tête de l'eau. Cela me fit aussitôt penser à la baignade improvisée que j'avais une fois prise avec Poison, ce qui me fit m'esclaffer plus encore. Soudain, quelque chose piqua mon attention et me fis aussitôt cesser de rire. Une petite tache rouge, sur laquelle se reflétait la lumière de la lune. Je levai les yeux vers Auras et je crois bien que mon cœur rata un battement. Du sang coulait de son œil balafré. Je poussai un hoquet, autant de surprise que de peur. Auras riait toujours, comme si elle ne s'en souciait pas. Peut-être ne s'en rendait-elle pas compte ? La lueur qui se reflétait sur son visage prenait une allure presque malsaine à cause du sang ruisselant sur sa joue, mais je ne pouvais m'empêcher de la fixer. C'était la première fois que je voyais quelque chose comme ça. C'était à la fois horrible et stupéfiant. De plus, ça devait être terriblement douloureux ! J'étais comme pétrifiée. L'inquiétude me clouait sur place. Je me secouai intérieurement et, les pattes tremblantes, m'exclamai, paniquée :

- Auras ! Ton... ton œil ! Ne t'inquiètes pas, on va te trouver un guérisseur ! Ne bouge pas, je reviens !

Je sautai aussitôt du rocher et regardai aux alentours. J'étouffai un juron en me rendant compte que j'avais oublié où se trouvait les tanières des guérisseurs. Tout était nouveau, ici, et dans la panique, il m'était impossible de réfléchir correctement. J'avais l'impression que des abeilles bourdonnaient dans mes oreilles et j'avais le ventre atrocement noué. Je m'élançai vers une tanière au hasard, mais dans ma maladresse habituelle, je trébuchai et glissai sur un rocher pentu. Retrouvant mon équilibre juste à temps, les griffes crissant sur la roche, je réussis à stopper ma petite chute à quelques centimètres de l'eau de l'oasis. Je poussai un feulement de rage. Auras avait besoin de mon aide et moi, évidemment, je ne pouvais pas faire les choses correctement ! Il fallait que je trébuche ! Encore ! Griffes sorties et fourrure hérissée, je commençai à remonter le plus vite possible le rocher sur lequel j'avais glissé. Durant ma pénible remontée (ce rocher était vraiment pentu et glissant), une seule pensée m'obsédait et tournait en rond dans mon esprit :
Pourvu qu'Auras puisse être soignée à temps...

Yenäa rit avec moi, mais s'arréta brusquement. Confuse, je regardai autour de moi.
Rien. Je me retournai vers Yenäa. Celle-ci était comme pétrifiée, et fixait mon visage d'un air apeuré.

Quoi ? J'ai une araignée sur le visage oú un truc du genre ?

Elle poussa un hoquet. Était-elle malade ? Faisait-elle une vision ? Je n'ai jamais vu son pouvoir, sa peut bien étre sa.
Les pattes tremblantes, elle s'exclama :

- Auras ! Ton... ton œil ! Ne t'inquiètes pas, on va te trouver un guérisseur ! Ne bouge pas, je reviens !

Ah... J'avais oublié ! Maintenant elle panique á cause de moi !
Je m'apprétais á lui dire de ne pas s'inquiéter, que ce n'était rien, quand elle se retourna et partit en courant.

-Yenäa ! C'est bon ! Reviens !

Je doute qu'elle m'ait entendu. Et voilá, encore quelqu'un qui a peur á cause de mon oeil.
Elle faillit tomber dans l'oasis. Je bondis pour essayer de la retenir. Mais elle a réussi á garder son équilibre et n'est pas tombée.
Je fis un souffle de soulagement, mais Yenäa se debattait toujours pour grimper le rocher qu'elle avait glissé dessus.
Je grimpai le rocher á toute vitesse, j'ai une bonne corpulence, et je suis habituée á ces pierres.
J'attrappai la féline par la peau du cou, et la hissai en haut du rocher.

Haletante, je fermai les yeux. Je voyais bien l'odeur de la peur de la nourrice, et je fis de mon mieux pour la reconforter.

-Yenäa, ne t'inquiéte pas. Je sais que mon oeil pleure du sang, c'est pas nouveau. Je vais bien.

Puis, sentant que ce n'était pas assez, je rajoutai :

-J'apprécie quand méme que tu te soucies de ma santé. Désolée de t'avoir fait peur.

C'était aussi doux et chaleureux que je le pouvais, mais je ne suis pas douée pour ce genre de choses. Je m'essuyai le visage avec ma patte.

Pourvu qu'elle ne le prenne pas mal !

Soudain, alors que j'étais presque en haut, je sentis qu'on m'attrapait par la peau du cou et qu'on me hissait sur une surface plate. Soulagée de retrouver un sol plat, je fis retomber ma fourrure et relevai les yeux.
Auras ? Mais...
Là, je l'avoue, je ne comprenais rien. Je la croyais gravement blessée, et voilà que c'était elle qui m'aidait. Je sentis mes joues chauffer de honte. Je me sentais bien inutile et stupide.

- Yenäa, ne t'inquiètes pas, miaula-t-elle d'une voix douce. Je sais que mon œil pleure du sang, c'est pas nouveau. Je vais bien.

À ce moment précis, ma colère contre les hommes émergea à nouveau. Je la réprimai, parce que s'énerver ne résolvait rien et que ce n'était pas le moment. Ils faisaient souffrir tant de chats...  Je ne pus m'empêcher de m'imaginer en train leur crever les yeux, pour qu'ils subissent la même souffrance que celle d'Auras. Après tout, ce ne serait que justice... Je réprimai de nouveau ces pensées avec un petit soupir. Elles ne me mèneraient à rien.

- J'apprécie quand même que tu te soucies de ma santé. Désolée de t'avoir fait peur, ajouta-t-elle.

Elle semblait réellement désolée. Je ronronnai doucement pour la rassurer et lui répondis d'une voix que j'espérai douce et assurée :

- Ce n'est pas ta faute. Je n'aurai jamais dû paniquer comme ça.

J'agitai les moustaches, un peu amusée en repensant à la scène.

- D'ailleurs, tu as pu voir directement ce qui m'arrive quand je ne suis plus concentrée ! Quand je te disais que j'étais maladroite comme pas possible...!

Á mon soulagement, Yenäa ronronna, et me répondit d'une voix douce :

- Ce n'est pas ta faute. Je n'aurai jamais dû paniquer comme ça.

J'admirai son calme. Moi, je ne suis pas du genre á prendre n'importe quoi sans me défendre.
Yenäa agita les moustaches, et reprit d'une voix amusée :

- D'ailleurs, tu as pu voir directement ce qui m'arrive quand je ne suis plus concentrée ! Quand je te disais que j'étais maladroite comme pas possible...!

Maladroite hein ? C'est vrai qu'elle s'était bien cassée la figure. Je me rappelai de la fois oú j'avais essayé de chasser un lapin dans la forét.

-Maladroite ? Je t'ai déja raconté la fois avec Azuris, quand je me suis pris un arbre en chassant un lapin ?

Je ronronnai d'amusement en y repensant. C'était au ruisseau, avec Azuris, et elle m'a demander des conseils de chasse. Moi méme, ne savais pas bien chasser, donc j'avais donné une explication bien ridicule, ai vu une odeur de lapin, et je n'avais pas fait attention oú je bondissais.
Revenue au présent, je regardai Yenäa.

- Maladroite ? Je t'ai déjà racontée la fois avec Azuris, quand je me suis pris un arbre en chassant un lapin ?

Auras ronronna d'amusement ; je fis de même. Mon inquiétude s'était envolée, et j'étais heureuse de partager ce moment avec elle. Je lui répondis en riant :

- Pas mal ! Moi, quand je chasse des lapins, j'ai plus souvent tendance à tomber dans des trous ! Et quand je les attrape, je trébuche sur leurs oreilles !

Je me rappelais aussi d'une fois où j'étais tombée dans une mare en tentant d'attraper un oiseau. L'eau était glacée ! Brrr... J'avais froid rien que d'y penser. Je miaulai à Auras d'une voix enjouée :

- Je t'avoue que je suis ravie de trouver aussi maladroite que moi !

Yenäa se mit á rire, et dit soudain, comme si elle venait d'y penser :

- Pas mal ! Moi, quand je chasse des lapins, j'ai plus souvent tendance à tomber dans des trous ! Et quand je les attrape, je trébuche sur leurs oreilles !

J'eus du mal á retenir mon nouvel éclat de rire. Alors c'était sa, l'amitié.
Yenäa parut se rappeler d'encore une autre mésaventure, j'étais prenante, mais malheureusement ne me raconta pas ce qui se passait dans sa téte.

- Je t'avoue que je suis ravie de trouver aussi maladroite que moi !

J'arrétai de rire. Maladroite ? Moi ? Je n'étais pas maladroite, c'était juste mon pouvoir qui était plútót déconcentrant. Mon pouvoir... mon oeil...
Une image de main blanche d'humain, tenant une aiguille pointue, ressurgit dans ma mémoire.
Une voix fit écho dans mes oreilles...

Brusquement, je me souvins que j'étais en compagnie. Je fis un petit sourire, et continua de rigoler, comme si rien n'était. D'une petite voix faible qui ne me ressemblait pas du tout, je dis, cette voix toujours dans mes oreilles :

-Oui...oui c'est vrai... je suis plutót maladroite, oui.

J'avalai ma salive. Ma gorge était séche. Pour avoir quelquechose á faire, je léchai ma patte et la passai derriére mes oreilles.
Pourvu que Yenäa ne remarque pas.
Toujours, cette voix résonnante, méme si je n'en avais aucun souvenir de ces paroles...

Auras ! Auras, non ! Auras !! Pas ma fille !!

C'était la voix de ma mére.

Auras s'arrêta de rire, visiblement déconcertée. Elle resta ainsi, le regard dans le vague, pendant plusieurs secondes. Je ne riais plus et l'observai, intriguée et un peu inquiète.
Soudain, comme si elle se réveillait d'un long songe, Auras cligna des yeux, sourit, et rit un peu avant de prendre la parole d'une voix faible :

- Oui... oui c'est vrai... je suis plutôt maladroite, oui.

Cette voix, ténue et fragile, ne ressemblait pas vraiment à la chatte énergique et un peu bourrue dont j'avais fait la connaissance plus tôt. Auras se lécha la patte et fit sa toilette, comme si de rien n'était. Elle n'allait pas bien, ça se voyait. Je laissai donc tomber la question "ça va", parce que la réponse était évidente. Je cherchai son regard et dis d'une voix douce :

- Tu sais Auras, si tu as des problèmes, tu peux m'en parler si tu le souhaites.

Je m'approchai un peu d'elle, et dans une... pulsion de nourrice disons, lui donnai un petit coup de langue sur l'oreille en poussant un petit ronron.

Yenäa me regarda, et dit d'une voix assez réconfortante :

- Tu sais Auras, si tu as des problèmes, tu peux m'en parler si tu le souhaites.

Je regardai le sol, mal á l'aise. A ma surprise, la nourrice s'approcha de moi, et me lécha l'oreille en ronronnant. Ne savant que faire, je ronronnai aussi. Il était temps que j'apprenne á apprécier les bons moments de la vie, et que j'arréte de vivre dans le passé.

-Merci Yenäa, mais tu n'as pas á t'inquiéter. C'était juste des mauvais souvenirs.

J'avais l'impression de connaítre Yenäa depuis toujours. Elle était comme une mére.
Je regardai le ciel. La lune brillait toujours, les étoiles á leur place. On était bientót minuit.
Je baillai. Le voyage á la forét m'avait épuisée. Il était temps de dormir.
Je me tournai vers la féline. Deriére elle, la premiére lueur de l'aube apparaissait.

-Il est temps d'aller se coucher. On est bientót le matin, et j'ai une patrouille á organiser.

Je saluai ma nouvelle amie, et me dirigeai vers la taniére des gardiens, la bonne, cette fois.

Auras ronronna un peu et me miaula doucement :

- Merci Yenäa, mais tu n'as pas à t'inquiéter. C'était juste des mauvais souvenirs.

Cela me détendit un petit peu, mais je restais inquiète pour son moral. Les yeux de mon amie se tournèrent vers le ciel. Je l'imitai. Les étoiles brillaient superbement, comme à leur habitude, entourant la demi-lune. Le ciel sombre s'éclairait déjà des quelques teintes orangées de l'aube. J'inspirai profondément, apaisée. Près de moi, Auras bâilla puis se tourna vers moi :

- Il est temps d'aller se coucher. On est bientôt le matin, et j'ai une patrouille à organiser.

Je hochai la tête ; j'avais moi aussi besoin de dormir. Nous nous saluâmes, puis Auras rentra dans sa tanière. Je restai assise là quelques minutes pour admirer le ciel, puis retournai dans ma tanière, parfaitement détendue, et m'allongeai derrière les petits encore endormis.

Hors RP:

Fin du rp

J'archive donc c: