Je regarde le ruisseau s’écouler avec une force que je ne lui connais que depuis peu. La dernière fois que je m’étais risquée à ses bords ne remonte pas à longtemps dans mon esprit. Nous y étions même très nombreux. Pour aider une nouvelle recrue. Comment s’appelle-t-elle déjà ? Luciole je crois. Un être atypique et renfermé sur lui-même je trouve. Mais peut-être pourront nous nous entendre un jour ? L’eau du ruisseau a enflé avec les tempêtes et les pluies que nous sommes prises sur la tronche. En parlant d’eau, un filet de bruine agaçant tombe du ciel gris. Me mouillant lentement mais sûrement. Des gouttelettes de la seule eau claire de cette terre trône fièrement le bout de mes moustaches de chat. Les autres dégoulinants sous mon pelage détrempé. Je souris en repensant à ma vie jusque présent. Peu de mois, mais beaucoup d’aventures et j’aime ça ! J’arrive désormais à beaucoup moins penser à mon passé grâce au démon de Plume Noire. Mais avec certaines personnes, je ne sais pas pourquoi il remonte d’un coup. Je lève les yeux vers la masse de nuages gris. En quête de réponse que je ne trouve point. L’eau résonne et ruisselle sur les troncs des arbres morts ou en train de rentrer dans leurs sommeils hivernaux. Tout ce meurt…

  Nous sommes midi je crois. Aujourd’hui est jour de repos pour ma part et je tenais à être tranquille. À vrai dire, je découvre encore des paysages insolites dans cette terre nouvelle à mes yeux. Quand ce passe-temps me prend, j’aime être seule. Mais dès qu’une connaissance positive se présente, je ne peux m’empêcher d’aller à sa rencontre. Cependant, aujourd’hui, j’ai entendu dire que des choses étranges traînent dans des zones de notre monde… des choses, ou des restes de choses devrais-je dire, qu’on ne peut voir et toucher qu’une fois dans sa courte vie. Je réfléchie près du ruisseau, devenu grand, où peuvent bien se trouver ses objets…

  Je suis observée. Cette sensation me transperce l’échine. Je me tourne sur ma droite pour apercevoir une chatte noire près de la berge. Un bout de patte et d’oreille blanc. De belles arabesques sur les flancs. Mon visage s’illumine et je ris intérieurement. Je me lèves et m’ébroues un peu violement pour chasser le plus d’eau possible. Même si d’autres viennent remplacer les précédentes presque immédiatement. Une fois que je suis sûre qu’elle est sentie ma présence, je lui lance avec un grand sourire :
-Salut Luciole ! Evite de tomber dans l’eau cette fois !
Ma phrase n’avait rien de méchant, et j’espère qu’elle ne le prendra pas mal.

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La femelle noire en face de moi esquisse un sourire amusé. Je ne lui ai jamais vu, enfin… ce n’est que notre deuxième rencontre après tout ! Cependant, la jeune féline ravale son sourire aussi vite qu’il est apparu. Laissant ce masque froid, solitaire et indésirable sur son visage. J’en frissonne imperceptiblement. Elle me rappelle tellement moi quand je suis perdue, déboussolée… ainsi que d’autres attraits peu recommandables. J’accepte tout de même le choix de barrière de mon interlocutrice en continuant de sourire. Ses yeux, eux pourtant, sont, je trouve, la seule once non neutre et solitaire de ce magnifique visage. Quel secret Luciole pouvait bien cacher pour paraître aussi froide avec des yeux aussi curieux et pétillant de joie ? Je ne le sais pas, mais je sens du plus profond de mon cœur que cela ne doit pas être joyeux.
« Ne brusquons plus les choses ! » m’exclamais-je intérieurement.
J’ai déjà fait souffrir trop de gens par mes curieuses ardeurs. J’en ai marre de causer les pleurs et les tourments. Laissons venir les passés à moi à présent. C’est, de toute façon, la meilleure chose à faire.

  Luciole me répond alors :
-Salutation, Nashira. Je me passerais bien d’une baignade, aujourd’hui.
Elle fait aussi de l’humour ! J’en ris sous cape et mon sourire s’agrandit. Je lis une lueur de surprise dans ses yeux, tandis que ma compatriote enchaîne :
-Mais le ciel semble persister à m’ennuyer.
Je trouve sa façon de parler incroyablement étrange mais envoûtante. Le ciel l’ennui ? Sûrement la pluie ! Pas le ciel ! Sans lui, nous n’existerions pas… c’est toujours ce que je me suis dit. Pour me rassurer aussi… oublions ces fâcheux moments de doutes ! À moi aussi la pluie m’ennuis. Elle me transit de froid. Encore fort heureusement qu’elle n’est que bruine ! Mais il est vrai que cela peut suffire pour s’attraper la mort.

  La belle femelle noire remue les oreilles. Chassant allégrement les gouttes d’eau cristallines qui y trônaient. Je m’apprêtais à répondre, lorsque quelque chose des plus étranges apparut à mon interlocutrice. Ses yeux du magnifique jaune lumineux de l’insecte portant son prénom se glissent derrière moi. M’ignorant, me chassant de la vue de Luciole pendant qu’elle scrute déroutée cet objet. Je me retourne alors dans la direction de la chose en question. C’est une rose. Une rose bleue. Sans que la féline s’en aperçoive, je la suis alors qu’elle me contourne. J’observe la rose en même temps qu’elle. Détaillant ses magnifiques pétales bleus emprisonnés dans de la sève. Cette sève provient sûrement de l’Arbre des Pendus, car je reconnais l’odeur de l’écorce mélangée à la mort et la peur de cet arbre. Pour y avoir était de si nombreuses fois. Plusieurs petits amas de bruine ornant le bout d’un pétale commence à se regrouper, formant une belle goutte d’eau si déplaisante à nos pelages de félin. Elle tombe alors dans la terre humide, qui dégage une légère odeur d’humus. Mais surtout de gadoue calcinée. Encore une fois grâce à nos amis les humains ! Je m’ébroue encore une fois en lançant quelques gouttelettes sur Luciole.
-C’est beau…, murmurais-je.

  Le spectacle de cette belle rose m’envoûte moi et ma connaissance. Nous restons là, sans bouger, de peur que cette si belle rose s’échappe. Ne s’effrite, comme le reste du vaste monde. Pourtant, ce morceau de la nature est bien réel et reste là, devant nos yeux ébahit. Un silence de plomb seulement rompu par la pluie nous enveloppe, Luciole et moi. Quelque chose de blanc attire soudain mon regard. Une poudre, à quelques pas de nous. Non pas mouillée comme le reste de la zone, ni en gadouille. Non, elle reste là elle aussi, d’un blanc éclatant, comme si le vent était près à la faire s’envoler en un coup. S’éparpiller dans les airs, pour redevenir invisible à nos yeux. Est-ce donc cela ? Les soi-disant objets mystérieux et inhabituel qui hantent notre monde ? Je me dirige vers la poussière, que m’éclaire de cette couleur si pure. Je dis alors à Luciole, toujours à mes côtés :
-Chère amie, sais-tu ce que sont ces objets ? J’ai entendu dire qu’ils étaient là depuis l’automne.
J’espère que Luciole pourra me fournir une explication.

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