“Because it's summer


Quelle affreuse saison, l'été. La chaleur ignoble, l'odeur de transpiration que vous titille les narines, cette sensation de gorge sèche, les jambes qui collent et l'affreuse lumière solaire qui vous brûle la rétine. Les nuits qui se font plus courtes sont néanmoins grandement appréciées ; la fraîcheur du soir apporte une toute nouvelle dimension à la saison des chaleurs. Les vents de canicule sont détestables, et c'est dans ces moments qu'on se souvient d'à quel point on a besoin d'eau. Fatalement, les petits et les vieillards succombent chaque année, souffrant de déshydratation. La flore se fait plus rare également; les feuilles semblent même brûler parfois. Mais, ce qui fait souffrir le plus, je crois, ce sont les mirages. L'illusion d'une nappe d'eau s'étendant à l'horizon démoralise toujours, et ce, même avec de l'âge et de l'expérience. Ce qui est au départ de la déception se transforme en rage, puis en désespoir. Peu arrive à garder la tête sur les épaules. Qui peut bien apprécier l'été tel qu'on le connaît? Des malades ces gens là.

Enfin, cet été, c’est quelque chose de différent. Un vent nouveau souffle... plein de poussière du désert, en fait, c’est un vent de canicule. Un vent dont personne ne rêve en réalité. Pygmalion a toujours préféré l’hiver. Mais ça, c’est son côté artiste qui parle, parce qu’en réalité, ses golems de terre sont plus fragiles à cause de la possible neige, et prennent des allures étranges parfois. Il lui est déjà arrivé d’hurler de peur en voyant le visage déformé de l’une de ses créations. Elle ne souhaite ceci à personne. Ce serait bien cruel de vouloir le mal d’une personne, n’est-ce pas? Elle encore jeune, et d'une gentillesse exemplaire, à se demander comment June l'a éduqué, elle qui a tant de caractère et si peu de bonté. C'est d'ailleurs grâce à son tempérament calme qu'elle arrive à intégrer des groupes. Aujourd'hui justement, elle est entourée d'autres néophytes de plus ou moins son âge; elle ne parlait pas, mais ses golems suffisait à susciter de l'attention. En même temps, des statues de terre -pour la plupart- qui marchent à ses côtés, ça ne passe pas inaperçu. Quoiqu'ils peuvent se révéler plutôt utile mine de rien, ils sont fait en terre: il suffit de rajouter deux trois trucs (comme de l'herbe et des cailloux) sur leur dos pour qu'ils puissent se fondre dans la masse.
La petite chatte blanche était si concentrée qu'elle ne s'était pas aperçue qu'un être indésirable l'observait parmi les autres félins, avant de se faire violemment plaquer au sol sans aucune raison apparente.

« !!! »

Ce félin -un mâle?- adressa à Pygmalion un sourire si disgracieux qu'elle eu un instant très peur de lui, tant et si bien qu'elle ne put réprimer un petit cri, à peine audible. Mais, sans qu'elle ne comprenne pourquoi, ce mâle lâcha prise et la releva de force. Il était grand, à peu près la même taille que la jeune néophyte, mais il était nettement plus massif, plus fort physiquement. Et pourtant, il avait ce je-ne-sais-quoi d'enfantin dans son regard, avec des geste assez fluides, et des accessoires très féminins. De quoi le rajeunir, de sorte qu'il était impossible pour Pygmalion de lui donner un âge. Mais elle avait le sentiment qu'il était bien plus vieux qu'elle, avec cette impression de malaise qui se propageait tout autour de lui.

« On peut jouer ensemble ? J'ai envie de jouer ensemble. J'ai entendu qu'il y avait des cactus avec des lunettes dehors??? Oh ! Oh ! monsieur de roi, vous voulez venir aussi ? Vous aussi monsieur l'escargot ? Pourquoi vous avez pas de coquille ? »

Les gens avaient à peu près tous l'air déconcerté. Pygmalion la première. Mais elle fut vite tirée de ses pensées quand l'autre revint à la charge pour la prendre dans ses crocs. Inutile de préciser qu'elle fut très mal à l'aise. Elle tentait en vain de se dégager, et de prévenir celui qui la promenait un peu partout, mais il n'avait pas l'air d'écouter. Une fois à terre, elle marcha sur quelque chose de très piquant et se mordit fortement la langue. C'était une sorte de cactus étrangement vert, qui avait la forme d'un chewing gum longuement mâché puis craché par terre sans aucune manière. C'est des lunettes sur lui??

C'était sa fin. L'animal agonisait, couché sur son flanc en attendant son heure. La chaleur accablante de l'astre s'insinuant dans la moindre crevasse de sa peau et infiltrant sa chaire ne lui arracha aucune plainte, car sa pauvre gueule était aussi desséchée qu'un désert de sable. Ses lourdes pattes se heurtaient contre le sol aride, tâtonnant à l'aveugle, en quête de la moindre source d'humidité. Guidée par sa propre souffrance, dans un état semi-conscient, la créature se retrouva finalement dans un endroit plus propice à sa survie.

"Aaaaaah..." poussa-t'elle de soulagement.

Bali s'hydrata dans un geste qui reprenait au fur et à mesure de la vie. Le doux toucher de l'eau couvra rapidement tout son corps, car elle s'était déjà glissée dans l'eau sans crainte. Son pouvoir lui garantissait une certaine immunité, de plus les alentours du Royaume étaient relativement ratissés par des patrouilles qui sécurisaient les environs.

Plus les secondes passaient, plus son esprit devenait clair. Elle se rappelait maintenant la nuit dernière... Oh, il faisait si froid et humide! C'était souvent le cas dans les champignons, et Bali s'y sentait assez bien. Cependant, le Roi venait de la traîner dehors, pile poil au zénith, à cause d'un maudit chaton kidnappé par un maudit minet qui avait soit l'air dégénéré soit très divertissant. Heureusement pour elle, il ne semblait pas trop amuser Alec. Mon rang est la seule raison pour laquelle je suis encore en vie... Vaudrait mieux pour moi qu'on ne me chaparde pas ma place.

Sur ces pensées, Bali ouvrit ses yeux, qui ne l'étaient qu'à moitié jusqu'ici. Elle avait été sortie de sa rêverie par une douce senteur, et quelque chose qui chatouillait son nez. Pourtant, elle ne voyait rien caresser son museau. Bon sang... Est ce qu'en plus de son léger strabisme elle devenait aveugle?

Pas possible... Elle discernait tout de même une sorte de... lueur. Alors elle s'éloigna pour ne plus avoir son museau collé à cette chose, peu importe ce que c'était, et avec du recul la limace reconnut la silhouette d'une fleur. Une fleur transparente. Qui brillait tout bleu. Oui.

Elle fixa la plante, divergeant entre confusion, admiration et curiosité. C'est cette dernière qui l'emporta. Elle pataugea vers la plante et dressa sa patte au-dessus d'elle puis lui donna une petite tape. Bali pencha la tête sur le côté et répéta l'opération.

Ah bah oui, c'était une vraie fleur... Ça attirait encore plus son attention et agrandissait son questionnement.

"Oooooh..." fit-elle longuement avec les gros yeux.