Ce matin n'était pas l'aube d'une jolie journée, nous le craignions. Nous constations que nous ne pouvions rien espérer de beau pour cette matinée, puisque le roi vint nous cueillir à notre réveil, qu'il avait lui-même causé. Ce qui nous accueillait était un froid mordant, dévorant; dans ses yeux et au-dehors, le temps glacé ne nous confortait pas. Quoique notre fourrure était épaisse, cela n'empêchait pas les dégâts du froid d'avoir de nombreux et néfastes effets sur notre personne. Cela nous navrait, aussi, de devoir faire face à tant de maux, mais nous savions aussi que nous n'avions pas de choix à faire, pas plus que nous avions de mots; nous devions suivre les ordres, et cela se clorait ainsi, en espérant que demain soit un meilleur jour que ce qui nous attendait pour les heures à venir. Nous avions un rang après tout, et même si nous songions à redevenir nourrice comme avant, il était inutile de faire marche arrière désormais; nous n'étions pas vraiment certaines que cela était possible.

Nous suivions ainsi le roi et les autres qu'il était venu chercher, en faisant taire les plaintes qui grattaient notre gorge. Nous savions que cela ne servait à rien de faire le moindre bruit, et que le moindre bruit serait par ailleurs probablement sévit. Alors nous avancions avec nos petites pattes, le sol glacé brûlant nos petits coussinets trop fin pour sa couverture de gel. Il y avait l'ancienne soldate qui faisait un peu peur mais qui avait une voix rassurante, alors cela te convenait aussi. Il y avait aussi le chat un peu bizarre et bavouilleux, qui nous faisait nous poser de nombreuses questions sur l'anatomie et la science, quoi que notre petite tête brûlait trop à l'idée de songer au fonctionnement profond des choses. Et il y avait aussi ce chat presque blanc, qui était très imposant aussi, et qui nous causait quelques craintes au même titre que le roi.

Nous nous rendions au final à la zone en mutation. Le Roi marchait beaucoup trop vite pour nous, et nous devions presque courir pour ne pas perdre le reste du groupe. Notre maigre corps supportait très mal le froid et l'effort.

« Nous devons trouver tout ce que nous pouvons. Cette saison ne se terminera pas de si tôt et la nature va jouer encore un petit moment. »

Tes oreilles se baissèrent à cette nouvelle, et tu regardais d'un air au bord des larmes le sol. Le froid t'en ferait presque pleurer. Tu détestait cet endroit et tu détestais le roi pour t'y avoir amené contre ton gré, et tu te détestais aussi d'être incapable de protester. Tu avais des ordres, désormais. Tu regardas aux alentours; une couleur un peu trop vive dans ce paysage de pierre attira ton attention, et tu t'éloignas avec de petits pas du groupe. Grattant la terre, tu prélevas avec précaution la plante qui t'intéressait : de l'absinthe. Ton corps tremblait encore, c'est probablement pour cela que l'ôter du sol te prit un certain temps, mais tu revint enfin vers le groupe, la plante dans la gueule, attentive à la suite des événements et sur tes gardes également; après tout, il était peu probable que cette plante soit la seule ici, et il était dommage que ce plant soit seul, mais il serait surprenant que d'autres choses n'aient pas poussé aux alentours.