« Elle aurait dû se nommer Oxymore », c’est la réplique que sortent tous les Ophéis qui la connaissent.

Gaïa, elle se pense grande. Elle croit pouvoir vivre seule, indépendamment du reste du monde. C’est son petit côté arrogant, prétentieux même. Quoi qu’il en soit, il est vrai qu’elle se débrouille très bien seule… Sauf pour un tas de broutille quotidienne. Elle a du mal à s’intégrer, du moins à essayer de s’intégrer. Déjà peu bavarde à l’ordinaire, elle peut se montrer sèche et méprisante envers les personnes qui ne la considèrent pas comme étant « grande ». Car elle ne l’est pas, elle est encore jeune et adolescente, toute fraîche dans le corps. Elle n’aime pas qu’on lui donne des ordres, enfin sauf si ceux-ci sont demandés poliment ou avec un minimum de gentillesse et de courtoisie. Elle est très attachée aux principes de l’éducation, malgré tout. Elle a un caractère aussi distant, des tendances à s’isoler, à chercher un « espace vital », une identité. Beaucoup la pensent antipathique, trop sûre d’elle-même et narcissique. Pourtant cela n’a rien à voir, elle demande juste un peu de calme dans un monde de folies.

Gaïa a un caractère très prononcé, elle n’est pas faible mentalement, loin de là ! Peut-être physiquement, mais pas dans l’esprit : elle est combative et une guerrière dans l’âme. Elle ne se laisse pas influencer par les plus âgés, ni par les plus jeunes. Elle a son opinion, point. Mais elle accepte très bien d’entendre ceux des autres, et cela fait d’elle une personne très ouverte. Elle n’est pas capricieuse, ni menteuse, encore moins manipulatrice. Cela la répugne par ailleurs, et en aucun cas elle ne produirait de telles horreurs. Elle a un instinct de leader, même si sa solitude ne le prouve pas forcément. On dit aussi de mademoiselle qu’elle a une maturité plus développée que la norme, et une intelligence apparente. Gaïa n’est pas un âne, elle est réfléchie et sensée, elle sait reconnaître les bonnes et les mauvaises personnes. Elle ne sait pas tout, certes, et cela peut la déranger parfois car elle aimerait bien tout savoir. Pourtant, elle sait déjà l’essentiel. Elle sait tout ce qui vient du cœur.

Bien qu’assez inaccessible socialement, elle change quand elle est seule. Elle donne l’allure, avec les Ophéis, une future adulte aux airs de garçon-manqué que l’adolescence perturbe, malgré son côté hautement féminin. Seule, elle se dévoile, s’ouvre, se découvre de cette enveloppe de marbre. Elle se montre alors entièrement féminine, elle dégage même une sorte de profond instinct maternelle envers ce qui l’entour, se souciant de tout. Elle est souvent anxieuse pour les autres mais le garde en elle. Gaïa, c’est la vie, c’est l’amour aussi. La solitude la transforme à tel point qu’elle est alors quelqu’un d’autre, une féline chaleureuse et accueillante, aimante, attentive et loyale. Elle dira toujours le fond de sa pensée, sans réserve, avec le plus de tact et de poésie possible. Le Fléau du Jardin est l’amour à l’état pur, celui qui existe quand la confiance règne. Mais il est difficile de la percevoir ainsi, car elle hésite toujours à se dévoiler entièrement. Peut-être est-ce la faute de son passé parmi les Soldats ? Elle ne parle pas beaucoup d’elle, après tout. Elle parle beaucoup des autres, mais si peu d’elle...

Gaïa, si vous lui demandez quel est son animal préféré, elle vous répondra sans hésiter : « Tous, bien sûr ». Si vous la questionnez sur sa saison préférée, elle vous murmurera sans doute : « Le printemps pour ses fleurs, l’été pour ses orages, l’automne pour ses couleurs et l’hiver pour ses silences ». Elle aime beaucoup observer le ciel, les feuilles dans les arbres remuer au soleil, les orages. Elle adore les orages, pour elle c’est une chose fabuleuse. Et la neige, aussi. Notre féline est éperdument amoureuse de la vie, de la nature sous toutes ses formes - hormis les chats et les hommes, dont elle semble détenir une haine tenace. Elle peut se montrer plus ouverte quand elle voit quelqu’un en détresse cependant, et même affectée : elle est empathique. Elle ressent les émotions des autres en quelque sorte. C’est un instinct naturel chez elle, ce qui lui permet de devenir plus proche des autres. Mais parfois elle se laisse emporter par leurs émotions, et avec son pouvoir cela peut vite devenir dangereux. Elle sera toutefois toujours présente en cas de besoin, comme une sœur, une sœur d’âme tout simplement.

Elle détient pourtant une autre caractéristique plus profonde, plus lourde à porter : son pouvoir l’affecte au niveau émotionnel. Il arrive qu’un phénomène étrange se produise, surnaturel même. Elle ressent des émotions contraires, comme un céleste oxymore de la vie, un paradoxe des sentiments. C’est une sorte d’infime malédiction : il lui arrive de ressentir un profond amour doublé par une haine terrible, d’éprouver une joie immense et une tristesse sans pareil, une peur accablante et une bravoure tenace. Est-ce explicable autrement que par les mots ? Pas réellement. Elle le décrirait comme un sentiment brutal de contradiction, comme si quelque chose en vous désapprouvé votre sentiment initial, positivement ou négativement. C’est quelque chose de si puissant qu’elle peut se sentir déchirée entre les deux, entre deux titans qui se battent en duel pour prouver que c’est l’un qui a raison et pas l’autre. Deux forces contradictoires, destructrices, comme un fléau. Le Fléau du Jardin, en trois simples mots.

Elle reste malgré tout une enfant, une enfant qui parfois aime bien jouer. Il lui arrive de jouer avec son reflet dans l’eau, de tourner comme un chien autour de sa queue, ce qui répugne légèrement ses camarades au point que ceux-ci la rejettent, la critiquant de « bizarre ». Gaïa, par ailleurs, n’est pas connue pour avoir une quelconque peur : on ne l’a jamais vu sursauter devant quoique ce soit, n’étant pas spécialement trouillarde. Pendant son temps libre d’Apprentie, elle reste seule à l’écart, souvent à proximité d’un point d’eau, des plantes, ou dans les arbres allongée sur les branches. On ne sait pas vraiment ce qu’elle fait pendant ses instants, si elle rêvasse et s’évade ou écoute juste le silence... L’adolescence est une chose difficile, et parfois, au milieu de sa sagesse mélancolique, elle arrive enfin à retrouver une partie de ce qu’elle était avant : une grande enfant perdue. Qu’il est triste de grandir plus vite dans la tête que par le physique…

Note de l'auteur :