Mon frère et moi sommes nés d’un père et d’une mère solitaires. Tous deux avions des modifications génétiques à la naissance, et moi j’ai hérité de deux flammes et de cinq jolies queues. Ma famille et moi avions vécu plutôt difficilement, de part les maladies, les blessures, les prédateurs… Mais nous avions toujours réussi à faire face à ce genre de complication. Ce qui a décimé mon foyer, c’est des décès stupides qui auraient facilement pu être évitable. Mon père, un grand rêveur, et est mort d’inattention : une barre de métal a cédé d’un immeuble et s’est écrasé sur lui. En ce qui concerne mon frère, c’était plus difficile à esquiver, mais ça reste tout de même une mort ridicule, pour moi. Lors d’un puissant incendie d’été (que j’ai sûrement crée avec mes flammèches) ma mère et moi avions pu traverser les flammes pour nous mettre à l’abri et en sécurité, mais mon pauvre frère, lui… Il n’a pas eu cette chance. Il n’avait aucun pouvoir, aucun talent, aucune modification utile. Mais bon, ainsi va la vie. Je m’en suis remise plus vite que ma mère, en tout cas. Dailleurs, je crois que c’est elle qui remporte le trophée du décès le plus absurde : elle s’est volontairement faite tuer par des soldats en patrouille. Pourquoi ? Le chagrin. Après tout elle a perdu son compagnon et son fils, elle était complètement désespérée. Mais oh, je suis là moi ! Il restait encore sa fille ! Si elle avait été un peu plus forte... Enfin bon, après ça des Felinae me sont tombés dessus et après avoir reconnu mes talents pour la chasse, ils m’ont recruté en temps que chasseuse. Logique. J’ai passé une bonne partie de ma vie là-bas, bien entourée et amie avec 99 % des chats du clan. J’ai aussi rencontré l’amour, un beau soldat gris et bleu nommé Kaï avec qui j’ai partagé la plus belle et la plus mouvementée des aventures. Mais le destin en à fait qu’à sa tête et les malheurs se sont raccrochés à ma fourrure.


En voulant retrouver Kaï, je me suis faite capturée par les bipèdes qui m’ont emmené dans l’endroit le plus immonde que je connaisse. Une caserne inconnue et loin de chez moi, remplie de soldats encore plus féroces et dérangés que ceux que je connaissais. Et encore ! Les anciens soldats n’étaient pas si terribles. Ils étaient surtout disciplinés et c’était ce qui faisait leur force, là ce n’était que des félins sanguinaires qui ne pensaient qu’à se battre et à se reproduire. Les plus faibles n’avait pas leur place… A mon arrivée, je fus utilisée comme reproductrice. Tous les mâles se bousculaient au portillon, et moi, effrayée, je me défendais comme je pouvais jusqu’à ce que le plus gros des leurs me tombe sur le dos. Impossible de me déloger et bizarrement je ne pouvais pas actionner mon pouvoir. Sûrement à cause du produit que ces saletés de scientifiques m’avaient injecté juste avant… Enfin bref, le gros matou à fait ce qu’il avait à faire et j’ai donc mis au monde deux petits que j’ai prénommé Alizé et Aimé. Deux adorables chatons que j’aimais, que j’aime et que j’aimerais pour toujours. J’aurai préféré que leur père soit quelqu’un d’autre, à vrai dire… Mais ce sont tout de mêmes mes petits, et ce n’est pas l’identité de leur père qui m’empêchera de les choyer. Bon, je l’avoue, j’avais un peu de mal à m’entendre avec Alizé, c’est une sacrée tête de mule ! Tout le contraire de son frère, un chat baraqué qui est désormais plus grand que moi ! Lui est une véritable peluche ambulante et un grand sensible. Bref, après m’être occupés de mes petits jusqu’à leur sevrage, je fus demandée aux entraînements pour m’exercer au combat. Mon pouvoir avait été jugé comme très utile, quel gâchis de laisser une torche ambulante en tant que reproductrice, hein ? Alors durant des mois et des mois, je dû me battre et m’entraîner, tous les jours. Je devais actionner mon pouvoir jusqu’à la limite de celui-ci, et si je refusais, je recevais des petites décharges électriques très désagréables. J’ai essayé de fuir, maintes fois… Je voulais retourner chez moi, retrouver Kaï et mes amis. Mais rien à faire, je n’arrivais jamais à aller plus loin que la grande muraille blanche qui entourait la caserne isolée. Alors je fus contrainte d’obéir aux ordres, comme tous bons petits soldats. Pour satisfaire les scientifiques (et ne plus recevoir de châtaigne), je me suis entraînée, encore et encore, mais mon pouvoir ne s’améliorait pas. La limite était toujours la même, j’avais beau l’utiliser au maximum, rien n’y faisait. Par contre, ces entraînements intensifs m’ont permis de m’endurcir, mentalement et physiquement. Cela m’a également permit de mûrir, mais à cause du stress permanent, je suis aussi devenue plus nerveuse. Le séjour dans cette caserne m’a finalement apporté autant de mal que de bien.



Puis, après de nombreux mois passés à m’entraîner, arriva le jour de rentrer à la maison. Si on me l’avait annoncé plus tôt, j’aurais sûrement sauté de joie, mais habituée à la vie dure des soldats, je ne fus pas vraiment emportée par la gaieté. J’ai juste acquiescé, mon fils et ma fille à mes côtés.  Je ne vous explique pas le trajet, je n’ai qu’à peine regardé à l’extérieur de la cage.
Et nous voilà arrivés, sur les terres que j’ai toujours connu, celles où je suis née et où se trouve toutes les personnes que je connais. Au fond de moi, je me suis sentie émue et j’avais hâte de tous les retrouver, mais impossible pour moi de le montrer. Je suis juste restée là, assise, impassible, à contempler le décor de la Ville.
En ce moment, je suis logée chez les soldats, les vrais cette fois. Ceux que je considère réellement comme des soldats. Je ne compte pas me sauver, cette fois, je pense vivre avec eux. Mais quelque chose me perturbe, une chose qui me ronge l’esprit et qui m’effraie… J’ai peur de ce qu’ils vont pensé de moi, j’ai tellement honte de ce que je suis devenue...