Le jour où ma mémoire fit faillite...

Chaud.
Chaud.
Chaud.
C'en devient presque un chant.
Tu as chaud.
Terriblement chaud.
Mais ce n'est rien comparé à la fatigue.
Une chape lourde et encombrante.
Comme des chaînes autour de tes pattes.
Tu pourrais presque les voir.
Elles sont noires, ternes.
Comme le voile sur tes yeux.
Tu as chaud et sommeil.
Où te trouves-tu ?
Tu n'es jamais venue ici.
Quel étrange endroit que celui-ci.
La lumière rose de l'aurore nimbe les lieux d'une atmosphère paisible.
Pourquoi n'as-tu pas dormi déjà ?
Les cauchemars ?
Ou les souvenirs ?
Gris.
Brillant.
Géant.
Attirant.
Une nouvelle hallucination ?
Un monstre de fer éventré.
Tu vas vers lui.
Tu l'effleures.
Tu hurles.
Brûlant.
Tes coussinets sont abîmés.
Tu souffres.
Le soleil a chauffé le métal.
Tu vacilles.
Tu t'effondres.
Te redresse.
Tu avances lentement.

Chaud.
Chaud.
Chaud.
Ombre.
Lentement tu t'écroules.
Le sommeil te saisit de ses serres aiguisées.
Tu rêves encore.
Toujours le même cauchemar.
Tu le connais par coeur.
D'abord le sang.
Rubis. Pourpre.
Partout.
Qui imbibe la terre.
Coule sur les feuilles des arbres.
Puis les hurlements.
Le combat.
Entre ton père et le soldat.
Il lui déchire la gorge.
Et il disparaît.
Ton père hurle.
Après la mort.
Après toi.
Tu veux l'aider.
Le sauver.
Tu ne peux que le regarder mourir.
Il gémis.
Se tord.
Souffre.
Quand tout s'arrête.
Ton père est mort.
Tu peux bouger.
La flaque de sang uniforme révèle la vérité.
Tes crocs sont tâchés.
Tes pattes meurtrières.
C'est toi qui l'as tué.
Puis un chat gris et blanc arrive.
Ses yeux verts.
Deux grands yeux verts.
Tu sais déjà ce qu'il va t'annoncer.
Ta folie.
Mais cette fois-ci ces mots sont différents.
Tout comme sa voix.

« Y a-t-il quelqu'un ici ? »

Tu te réveilles en sursaut.
Tu trembles.
Les chaînes de fatigue à tes pattes ont disparu.
Dehors le soleil est d'or.
Ton pentagramme est allumé.
Il y a quelqu'un ici.
Passie ?

« Mhei. Passie, est-ce toujours toi ? »

Tu te lèves.
Tu regardes par une faille dans le ventre du monstre d'acier.
La lumière extérieur brûle tes yeux.
Tu les ouvres encore plus grand.
Un chat se tient là.
Etrange.
Son pelage est uni.
Brun comme l'écorce d'un arbre.
Ses yeux semblent noirs dans le contre-jour.
Tu n'es sûre de rien.
Sauf d'une chose.
Tu n'as plus besoin de sa réponse.
Ce n'est pas Passie.

Hors rp ::

Le jour où ma mémoire fit faillite...

Il semble perdu.
Incapable de comprendre tes paroles.
Il te regarde à travers les fissures, te suis de ses grands yeux bruns.
Pour une fois quelqu'un l'est.
Plus perdu que toi.
Désemparé.
Sa voix est tremblante.
Incertaine.

« Je ne m'appelle pas Passie, je m'appelle... »

Une phrase en suspend.
Jamais achevée, laissée dans le temps.
Encore un instant de perdu.
Il est perdu.
Troublé.
C'est de ta faute s'il en souffre.
Tu baisses la tête.
Il esquive le sujet.
Il a peur.

« 'fin bref... Qu'est-ce que tu fais ici ? »

La question t'étonne.
Tu ne connais même pas sa réponse.
Tu voudrais l'aider.
Le guérir.
Alors doucement tu te mets en marche.
Tes pattes se délient au son du vent.
Tu sors du géant de fer.
Et impassiblement tu t'éloignes.
Tes pas sont légers.
Le sable est doux.
Tu ne l'ignores pas, mais tu guettes l'aura.
Celle de ton pentagramme.
Qu'elle s'éteigne enfin.
Et c'est ce qu'elle fait.
Enfin.
Tu te retournes vers lui.
Il est plus loin maintenant.
Et il est redevenu celui qu'il était.
Avant ton pouvoir.
Avant de te connaître.

« Il n'y a pas de réponse à cette question. Il manque trop de variables. Tu les connais, toi, ces variables ? »

Ta voix n'est pas très forte mais elle porte.
Parce que tu as besoin d'être loin.
Toujours plus loin.
De n'importe qui.