Ils dansent dans le ciel. Repliant leurs ailes, les dépliants ensuite pour planer de nouveau. Petites formes sombres se découpant dans le ciel. Les corbeaux volent en belle troupe, rassurés à l’idée de retrouver leurs logis. La nuit arrive, le monde se replie. Lumière ne sera plus que ténèbres. Rassurant deviendra effrayant. La douceur du monde ne sera plus que dureté. Et à cet instant, les vivants se reposent. Sauf pour les animaux nocturnes, ceux qui ne sortent que lorsque le Soleil part afin de laisser place à sa sœur, la Lune. Chauve-souris, hiboux, blaireaux et petits rongeurs ; ils profitent de cette sécurité invisible. Le noir dissimule beaucoup de choses. Même la clarté des étoiles ne parvient pas à ouvrir les cœurs sombres et glacés. Les meurtriers se montrent la nuit, les proies aussi. Et lorsque vous voyez la Mort planer au dessus de vous, vous restez paralysés, incapable d’agir et de sauver votre peau. Alors vous criez, hurlez de désespoir, car comme chaque personne, vous avez des amis et une famille. Sauf qu’ils ont appris à ne plus entendre ces cris, à y rester insensibles. Ils ne sont plus que des coquilles vides, des âmes égarées qui n’entendent plus que les ordres donnés. La vie les a rendus ainsi.


Sous les coups du petit silex, sa lame devient plus acérée. Affûter une telle arme prend un temps fou malgré les apparences. Appuyée contre un rocher, l’épée est retenue d’une chute avec la patte de la guerrière. La pierre dans la gueule, elle poursuit ses gestes répétés sans vraiment se soucier d’une potentielle coupure. N’aimant guère la compagnie, elle préfère vaquer à ses occupations tard, le soir, à l’abri des regards. Voilà un moment qu’elle est arrivée chez les Soldats, Amikoa. Pourtant, les amis ne sont pas au rendez-vous, et cela lui convient. Rester seule est mieux. Pour elle et pour les autres. Comment peut-on faire pour apprécier quelqu’un ? Cette question tourne à l’intérieur de son esprit. Elle tourne en boucle. Et notre Bengal n’y a toujours pas trouvé de réponse. Elle les voit évoluer les autres soldats, elle voit se parler entre-eux, patrouiller, chasser et former. Rire, pleurer, s’énerver et aimer également. Aimer… quel sens à ce mot déjà ? De toute manière, peu importe. Elle n’a plus besoin d’aimer puisque personne ne l’aime et ne la connaît. Protéger et défendre sa guilde, c’est tout ce qu’il importe. Les amis passent après. Et lorsque qu’enfin, l’affûtage est terminé, la féline lève son épée, sa sœur de combat, vers le ciel.

Son coeur palpite.
La lame scintille.
Le rubis étincelle.
Ses yeux brillent.

Quand soudainement, un bruit se manifeste. Le réflexe est immédiat ; la soldate sort ses griffes, se concentre sur les odeurs et les sons. Une odeur familière, peut-être, et peut-être une odeur étrangère. Des craquements sur le sol. Des pas qui se rapprochent de plus en plus. Elle n’aime guère cela. A moins que ces sons ne viennent pas dans sa direction, elle se sent piégée et vulnérable. Surtout qu’il n’y a pas réellement d’échappatoire possible. Son sang froid, elle doit le reprendre. Ses muscles sont bandés. Son esprit est calculateur. Ses yeux se plissent. Son souffle se fait moins rapide.

Elle n’a pas peur.
Mais se sent piégée.
Alors elle attend.
Le futur décidera de son sort.
Après tout.
Personne n’est maître de son destin.
Un grondement sourd monte dans sa gorge.
Oserez-vous approcher ?

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La nuit commençais à tomber lorsque je me dirigeais machinalement vers le champ d'entrainement. Pourquoi y étais-je allée déjà ? Je crois que c'était pour prendre l'air. En tous cas je ne me souviens pas avoir vraiment voulu être ici. La nuit avait guidé mes pas.
Quoiqu'il en soit, quand j'arrivai dans le champ, des félins étaient présents. Deux Soldats, plus précisément. Tous deux s'entraînaient chacun de leurs côtés. L'un d'entre eux maltraitait l'un des mannequins qui avait déjà bien souffert de multiples Soldats. On le voyait complètement déchiqueté, des morceaux de tissus éparpillés partout autour de lui. Pauvre chose. Le félin qui lui faisait subir encore une fois des coups de griffes était un chat au pelage léopard. Grâce à ses trois queues, je reconnus Perle Noire, un mâle que j'avais croisé quelques fois mais à qui je n'avais jamais adressé la parole. L'autre chat faisait quelque chose de plus anormal. En effet, il semblait exécuter un spectacle avec l'épée qu'il maniait. On aurait dit qu'il avait toujours su faire ça, qu'il était né avec ce don. L'épée virevoltait, se tapait contre quelque chose d'invisible dans le ciel, effleurait le sol avant de remonter dans le ciel. C'était impressionnant à voir. Je ne connaissais qu'un seul félin capable de faire ça avec autant de grâce : Amikoa. Je l'avais déjà vu accomplir de telles prouesses. Elle était très forte. Mais, je n'avais jamais discuté avec elle. Elle paraissait assez froide et n'avait pas l'air de vouloir de la compagnie. Peut-être était-ce le moment d'aller lui parler ? Je me dirigeais vers elle à pas lents quand elle fit un geste qui me dérouta. Arrêtant son jeu avec son arme, elle sortit les griffes et se tourna vers le bout du champ, l'air menaçant. Perle noire la rejoignit et lui dit quelque chose que je ne pus entendre avec la distance. Puis, Amikoa fit quelques pas dans la direction où ils regardaient et planta son épée dans la terre. J'aperçus deux silhouettes se dessiner face à elle. Intriguée, je décidai d'aller voir ce qu'il se passait. A peine avais-je atteint Perle noire que l'odeur des inconnus s’imprégna dans mes narines. Je saluai Perle noire d'un signe de tête et je m'approchai des inconnus. Je ne suis pas vraiment quelqu'un d'imposant, faisant une taille assez normale. Quand j'arrivai à la hauteur d'Amikoa, je pu enfin voir qui était ces Felinaes imprudents. C'était deux femelles, une grande noire aux ailes blanches, une autre plus petite blanche avec quelques rayures vertes et une queue de paon. Je jetai un rapide coup d’œil à Amikoa qui semblait être prête à les tuer à l'instant avec sa lame. Puis, je reportai mon regard vers les autres félines et leur dit d'une voix calme mais un peu menaçante :

- Mais dites-moi, que viennent faire deux Felinaes dans le champ d’entraînement des Soldats ? Vous êtes perdues ? " J'affichais un petit sourire narquois et continuai "Peut-être que vous voulez qu'on vous ramènes chez vous...?"