Je revenais du Ruisseau, après avoir étanché ma soif suite à la traversée irréfléchie du désert avec Crow. Cherchant un endroit pour dormir, je m'étais dirigée vers l'orée de la forêt, là où l'air circulait plus librement. Peinant à garder les yeux ouverts, je sautai par-dessus un tronc d'arbre qui me barrait le chemin. Étant plutôt haut, mais fin, je ne fis pas un bond très long... Ce que je regrettai, car je finis par atterrir lamentablement sur un autre chat, qui dormait peut-être, mais qui de sûr n'embêtait personne. Je m'écartai rapidement, retombant encore une nouvelle fois, mais un peu plus loin, puis me répandis en excuses. Je détaillai la féline qui avait eu le malheur de se trouver derrière le tronc d'arbre: une jolie chatte rousse et blanche, aux magnifiques yeux verts-jaunes et à la queue qui se divisait en deux. Elle me disait quelque chose, était-ce aussi une Caméléon? Mais dans ce cas, qu'est-ce qu'elle fichait là? Ou peut-être une Felinae. En tout cas, je doutais que ce soit une Soldate, puisqu'il me semble que les Soldats doivent rentrer la nuit. C'était Saphira qui me l'avait dit. Je me demandai ce qu'elle était devenue d'ailleurs... Enfin bon, revenons au sujet de base, la féline devant moi qui n'avait probablement pas apprécié que je lui tombe littéralement dessus. J'attendais sa réaction, j'espérai qu'elle acceptait mes excuses...

Étirant ma fourrure rayée sous le crépuscule, je songeai à ma journée. J'étais partie chasser, comme tous les jours ces temps-ci, mais la chaleur ayant fait fuir les moindres proies du désert, j'avais dû rejoindre l'orée de la forêt, un lieu plus frais et abrité, où les proies, bien que rares et maigres, étaient tout de même présentes. Je réussis à attraper deux souris minuscules. Mais au moment de prendre le chemin du retour, le ciel, paré d'orange sombre, m'avait dissuadée de rentrer. Je devrais passer la nuit dans la forêt. La route du désert était longue et fatigante, et je ne tenais pas à l'effectuer de nuit, dans le froid et les bourrasques. J'avais donc rebroussé chemin jusqu'à trouver un tronc couché en travers du chemin, contre lequel poussait de la mousse. Je m'étais donc installée là. J'avais déjà dévoré une des deux petites souris, et j'avais enterré l'autre près d'un bouleau, non loin de mon lit de fortune. Roulée en boule, je m'endormis rapidement.

Ce qui me réveilla ne fut pas les rayons du soleil ou le chant des oiseaux, loin de là. Mais un chat qui me tomba littéralement dessus, au sortir d'un bond au-dessus du tronc couché. Poussant un cri de surprise, je bondis sur mes pattes et détaillai la nouvelle venue, qui était une femelle. Il faisait sombre, car le jour n'était pas encore levé, mais je pus apercevoir une fourrure grise rayée, et deux yeux étincelant dans la pénombre. L'un était d'un bleu de ciel d'été, l'autre d'un rouge sang. Son parfum musqué portait l'effluve des Caméléons, et je fus soulagée de me trouver face à une chatte de ma Guilde plutôt qu'à une Soldate. Son visage ne m'était pas inconnu ; j'avais déjà dû la voir ou la croiser au sein des miens, bien que son nom ne me revienne pas. Elle semblait penaude, et elle se fondit bientôt en excuses. Puis, elle me dévisagea. Elle semblait attendre ma réaction. Un peu amusée, je lançai dans un bâillement :

- Salut ! Je m'appelle Yenäa, et je suis une Caméléon, comme toi d'ailleurs. Je t'ai déjà vue, il me semble, mais j'ignore comment tu t'appelles. Alors, c'est quoi ton p'tit nom ?

Avant qu'elle puisse répondre, j'ajoutai d'un ton taquin en agitant les oreilles :

- Dis-moi, je n'en veux pas, mais c'est dans tes habitudes de jouer à saute-mouton avec un tronc, au beau milieu de la nuit ?

Apparemment, je l'avais bel et bien réveillée, cette pauvre chatte. Enfin le contraire aurait été étonnant. À part un cadavre, personne n'aurait pu continuer de dormir avec un chat qui lui tombe dessus.
Elle s'était éloignée en poussant un cri quand je suis tombée sur elle. Après que je me sois excusée, la féline qui semblait amusée me dit en baillant :

Salut !  Je m'appelle Yenäa, et je suis une Caméléon, comme toi d'ailleurs. Je t'ai déjà vue, il me semble, mais j'ignore comment tu t'appelles. Alors, c'est quoi ton p'tit nom ? "


"Dis-moi, je n'en veux pas, mais c'est dans tes habitudes de jouer à saute-mouton avec un tronc, au beau milieu de la nuit ?" ajouta-t-elle, sans doute pour me taquiner.

Gênée, je lui répondis : "Euuuh, b'soir ! Je suis Cyani." un petit silence suivit, puis pour ne pas non plus laisser un gros blanc s'installer, je completai :

"Eeeet... Nan, c'est pas dans mes habitudes. Mais je pensais pas que quelqu'un se cacherait derrière..."

Je secouai les moustaches, puis m'assis aussi, souriante. Je ne tenais plus debout, mais elle avait l'air de vouloir discuter, donc autant sympathiser, même si du coup j'allais réellement passer une nuit blanche. Tant pis, je passerai la journée à dormir...

La jeune chatte qui me faisait face semblait terriblement gênée, et je regrettai un instant ma petite pique. Je n'avais pas pensé qu'elle en serait autant embarrassée. Elle répondit tout de même, brisant le silence pesant qui avait succédé à ma blague douteuse :

- Euuuh, b'soir ! Je suis Cyani.

Cyani... Non, ce nom ne m'était décidément pas familier, bien que l'allure de la chatte me disait quelque chose. Je ne lui avais donc jamais parlée, même si j'avais déjà du la croiser maintes fois au camp Caméléon. Le silence s'étira un peu, qui me mit affreusement mal à l'aise. La jeune chatte n'avait visiblement pas l'habitude de faire la conversation. Finalement, à mon plus grand soulagement, elle mit fin aux longues secondes muettes en répondant à ma boutade d'un air si sérieux qu'il faillit m'arracher un soupir :

- Eeeet... Nan, c'est pas dans mes habitudes. Mais je pensais pas que quelqu'un se cacherait derrière...

Elle s'assit en remuant les moustaches, un léger sourire flottant sur ses lèvres. Ses yeux vairons luisaient dans la pénombre. Je l'imitai en agitant un peu les oreilles. J'avais remarqué que, malgré la bonne humeur qu'elle affichait, elle semblait épuisée. Après tout, la nuit n'était pas tout à fait finie, si l'on en croyait la lueur chancelante mais toujours forte des étoiles, qu'on apercevait au-dessus de nos têtes, par-delà les cimes sombres des arbres, qui bruissaient et tanguaient lentement dans la brise nocturne. Un vent frais ébouriffa ma fourrure et je m'ébrouai en lançant joyeusement, pour tenter de détendre l'atmosphère un peu tendue que je sentais entre Cyani et moi :

- Il ne fait pas chaud, cette nuit, hein ?

M'avançant un peu, brisant l'écart tacite qui s'était instauré entre nous deux, je posai les deux bouts de ma queue sur son épaule et lui proposait d'une voix douce :

- Viens donc t'installer par là avec moi, contre le tronc. Nous serons à l'abri du vent et tu pourras te reposer un peu. On dirait que tu tiens à peine debout ! ronronnai-je, essayant de me montrer conciliante.

Je m'avançai alors vers le tronc et, lui désignant la plaque de mousse qui le recouvrait, me blottit tout contre, les pattes repliées sous mon ventre. Comme je l'avais prédit, le vent ne m'atteignait pas, ici. J'étais bien à l'abri. D'un signe de tête, j'invitai Cyani à me rejoindre avec un sourire.

Yenäa remua les oreilles. On dirait que j'avais bien fait de répondre en plaisantant ! Tandis qu' une légère brise soufflait, elle s'ébroua avant de me lancer joyeusement :
"Il ne fait pas chaud, cette nuit, hein ? "

Ce à quoi j'acquiescai. Cependant, il fallait avouer que ce n'était pas désagréable, un peu de fraîcheur, après avoir crevé de chaud toute la journée...
La chatte rousse et blanche s'approcha un peu, puis posa son étrange queue sur mon épaule, en me disant :

" Viens donc t'installer par là avec moi, contre le tronc. Nous serons à l'abri du vent et tu pourras te reposer un peu. On dirait que tu tiens à peine debout !"

Ensuite, elle s'éloigna, puis s'installa contre le tronc d'arbre en me faisant signe de la suivre, souriante.
Je la suivis donc, et, en effet, il y avait moins de vent à cet endroit, comme elle me l'avait dit. C'était peut-être pour ça qu' elle dormait là et pas ailleurs, maintenant que j'y pensais... La remerciant, et lui disant que j'étais effectivement très fatiguée, je vins m'allonger à côté d'elle, essayant de ne pas prendre trop de place.
Je sentai que je n'allais pas tarder à m'endormir, mais je restai tout de même éveillée au cas où elle veuille dire quelque chose. Elle était bien gentille de me laisser m'installer là d'ailleurs. Beaucoup d'autres m'auraient probablement faite dégager, surtout vu la façon dont je lui était tombée dessus...

Up ♪

Cyani me remercia et vint s’installer près de moi, le regard brillant de soulagement. Elle ajouta qu’elle était en effet épuisée, comme le suggéraient ses pattes tremblantes et ses yeux ternes ; elle se blottit près de moi, les paupières tombantes. Elle semblait lutter pour ne pas s’endormir, comme si elle attendait quelque chose. Je lui lançai gentiment :

- Hé, si tu as sommeil, tu ferais mieux de dormir. Je monterai la garde pour toi si tu le souhaites.

Je me penchai et commençai à lécher la fourrure rayée de la chatte, pour la bercer et l’encourager à se laisser aller dans les bras de Morphée. J’hésitais à utiliser mon pouvoir, pensant que ce n’était pas vraiment nécessaire, vu l’état avancé de la fatigue de Cyani. Je continuai à faire sa toilette jusqu’à ce que je sente sa respiration ralentir et devenir plus profonde. Je m’écartai alors un peu et redressai les oreilles, à l’affût, gardant son sommeil comme je l'avais promis.

Lorsque je la sentis remuer de nouveau près de moi, je la poussai doucement du museau et soufflai :

- Alors, bien dormi ?

J’attendis de la voir relever la tête pour me lever et m’étirer complètement. Une fois mes muscles un peu réchauffés, je lançai avec enthousiasme :

- Une petite partie de chasse pour se réveiller, ça te dit ?

"Hé, si tu as sommeil, tu ferais mieux de dormir. Je monterai la garde pour toi si tu le souhaites." me dit Yenäa.
J'hésitai ; elle était peut-être fatiguée, elle aussi ! Mais elle commença à me lécher le dos, ce qui me fit perdre toute volonté de rester éveillée. Je la remerciai -ou du moins tentai de la remercier, j'ignore si j'émis autre chose qu' un borborygme incompréhensible- avant de me détendre totalement. À l'aise, je ne tardai pas à m'endormir profondément et sans faire le moindre rêve. C'est donc tête et corps reposés que je me réveillai en plein milieu de journée -probablement d'après-midi, même- à côté de Yenäa, qui ne semblait pas avoir bougé d'un poil.

"Alors, bien dormi ? " me lança-t-elle après m'avoir donné un léger coup avec son museau.

J'aquiesçai et la remerciai un peu plus correctement pendant qu' elle se levait et s'étirait, avant de l'imiter.

"Une petite partie de chasse pour se réveiller, ça te dit ? " proposa-t-elle joyeusement.

J'ignorai quoi répondre ! Je ne pouvais pas refuser au risque d'être impolie, en plus mon ventre commençait à protester contre moi, mais j'étais vraiment d'un niveau médiocre à la chasse, et je ne voulais pas continuer de lui imposer la présence d'un boulet. Quoique c'était quand même elle qui avait proposé, je ne devais pas la déranger tant que ça, si ? Après une longue minute de réflexion, je lui répondis :

"Avec plaisir ! Par contre, ne sois pas trop optimiste, je suis encore moins douée qu' un chaton pour la chasse..."

Ne voulant pas trop la décourager avec cette note négative, je tentai de rattraper le coup en ajoutant :

"Mais ne t'inquiète pas, je ferai de mon mieux pour ne pas être un boulet ! "

Ouille, je m'enfonçai là. Trop tard, ce qui était dit, était dit, et je ne pouvais pas revenir en arrière. Remuant les moustaches, j'attendis sa réaction. Je ne voulais pas parler plus au risque de m'enfoncer encore.