Kaïgaan bailla, les crocs largement découverts, tout en marchant d'un air pataud. Il n'avait pas la moindre idée de quelle heure il pouvait bien être. Nous étions tôt le matin, peut-être un peu trop, c'est tout ce dont il était sûr. Une trentaine de minutes plus tôt, un supérieur l'avait réveillé alors qu'il dormait sur son lit chaud et douillet, lui ordonnant d'effectuer une patrouille de reconnaissance avec... Quelqu'un. A vrai dire, on lui avait dit le nom de son partenaire mais il avait été tellement dans les vapes que ce ne fut qu'un murmure qui lui parvint aux oreilles. C'était un nom long, avec plusieurs 'a', c'est tout ce qu'il avait pu entendre. Il s'était longuement étiré, tentant de réveiller ses muscles endoloris. Il n'avait pas beaucoup dormi, étant rentré un peu trop tard de l'une de ses promenades du soir censées le détendre. Mais bon, le fait est que Kaïgaan était quelque peu shooté et qu'il allait vite devoir se réveiller. Il marchait lentement, boudant quelque peu sa mission. Travailler pour les humains était déjà agaçant mais faire équipe avec un soldat l'était encore plus. Rares étaient ceux qui partageaient les idéaux du soldat électrique sur la condition des prisonniers et les méthodes barbares des humains. De toute façon, il évitait d'en parler et gardait cet avis secret, car cela pouvait vite lui attirer des ennuis. Enfin, il allait expédier rapidement leur foutue patrouille et il serait débarrassé de cet ordre moisi. Il arriva finalement au lieu de rencontre, les oreilles baissées dû à l'atmosphère glauque que dégageait cet endroit. Tous les arbres étaient noirs, carbonisés, respirant la mort de la nature, détruites par les Hommes. Il ne s'attendait à voir aucun être vivant ici. Comment pouvaient-ils se nourrir avec cette végétation morte ? Il arriva enfin en vue de l'arbre des pendus, chêne immense créateur de nombreuses légendes fantomatiques. Qu'importe, Kaïgaan ne croyait pas aux fantômes. C'était un chat réaliste qui ne croyait réellement que ce qu'il voyait, ou du moins ressentait. Et actuellement, mise à part la pression qu'engendrait un lieu aussi sombre, le soldat n'avait pas froid dans le dos. Il était peut-être un peu trop shooté pour ressentir quoi que ce soit d'ailleurs. Ses yeux le piquaient légèrement, voulant à tout prix se fermer et Kaïgaan n'avait qu'une envie : Retourner dormir. Il n'était pas d'un naturel flemmard, bien au contraire, mais ce jour-là il était crevé. Il s'arrêta pour s'étirer une énième fois avant de continuer sa route. Il fallait qu'il émerge rapidement, il ne savait pas à quel genre de partenaire il aurait affaire. Il contourna l'arbre immense et finit par apercevoir la silhouette d'un félin. Son odeur indiquait bien qu'il s'agissait du chat qu'il cherchait. Avec le temps qu'il avait pris pour rejoindre l'arbre des pendus, il se doutait qu'il était en retard sur l'heure du début de mission. A vrai dire, il se foutait pas mal de sa ponctualité, mais espérait que son coéquipier ne soit pas aussi consciencieux. Il rejoignit donc son partenaire et... Ah, SA partenaire... Bon, ça ne changeait rien mais bon, il espérait qu'une femelle soit plus réfléchie, moins timbrés qu'un mâle. En marchant vers elle, il lui lança :

- B'jour.

Il n'avait même pas fait l'effort de la regarder dans la yeux et son ton était assez détaché, comme s'il ne prenait pas cette mission au sérieux, ce qui était le cas finalement. Ce n'était pas une impolitesse volontaire, mais plutôt une démonstration de fatigue et de flemme. Il finit par s'assoir en face de la femelle en baillant une nouvelle fois. Moui, ce jour-là, Kaïgaan ne serait pas très réactif, enfin sauf si on le réveillait subitement.

Ce matin, Alagaësia était plutôt joyeuse. Pour une fois, on l'avait prévenue la veille au soir qu'elle irait en patrouille ce matin-là, et elle était heureuse de savoir qu'il n'y avait plus beaucoup de Caméléons dans les parages; elle n'avait aucune envie de se battre. La seule chose qu'on lui avait caché, c'était qui serait son partenaire de patrouille. Enfin, on ne lui avait pas caché puisque cela n'était pas encore décidé lorsqu'elle avait été prévenue. Quoi qu'il en soit, elle était de bonne humeur et elle avait envie d'engager une conversation amicale avec son – ou sa – partenaire. Elle espérait juste qu'ils n'iraient pas aux Monts Rocheux. Depuis la mort d'Aria, elle ne pouvait plus mettre les pattes là-bas. Elle prit le chemin de l'Arbre des Pendus aux aurores, soit une ou deux heures avant l'aube. Elle savait que sa patrouille n'était pas censée être avant l'aube ou même plus tard, mais elle avait besoin d'un peu de calme pour se réveiller tranquillement. De plus une petite course entre les racines calcinées de la Forêt Empoisonnée lui ferait le plus grand bien. Dès qu'elle eu en vue cette dernière, Alagaësia s'élança vers elle et commença sa course effrénée. Une vingtaine de minutes plus tard, elle était arrivée à l'arbre, après avoir fait quelques poses dans sa course pour chasser, s'étirer ou bien vérifier qu'il n'y ai personne dans les parages. Une fois arrivée au point de Rendez-Vous, elle fit un petit peu de repérage pour ne pas être complètement paumée, puis elle retourna s'assoir à l'endroit où elle devait attendre l'autre Soldat.
Au bout d'un moment, elle entendit des pas et elle se retourna, apercevant Kaïgaan, à demi-réveillé, qui s'approchait d'un pas incertain, engourdit par le sommeil. Tant mieux; elle n'allait pas devoir supporter un chat prétentieux et manipulateur. Elle ne connaissait pas trop Kaï, elle savait juste qu'il allait souvent au laboratoire, et allez savoir pourquoi. En tous cas, il n'avait pas l'air de maltraiter les jeunes bleus et apprentis, et cela la rassura. Après tout, elle n'aimait pas trop la façon dont les Soldats traitaient les plus jeunes.

«B'jour.» dit Kaïgaan, en s'approchant lentement d'Alagaësia.

«Salut Kaï! Tu n'as pas l'air très en forme aujourd'hui.. Peut-être que courir te réveilleras un peu. C'est pour toi que je dis ça; si on rencontre une autre patrouille – bien que ça n'arrive pas souvent – et que des Secondes Lignes te voient fatigué comme ça, ils vont se poser des questions... Ils s'en posent déjà, d'ailleurs.» dit la jeune chatte.

Elle se leva posément et s'étira de tout son long en attendant la réponse de Kaïgaan.

HRP:

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Une fois avoir rejoint la soldate, il la regarda plus attentivement. Nuancée de gris et blanc, aux yeux dorées, elle portait une sorte de collier assorti à sa fourrure. Elle avait également l'air grande avec son... Truc rouge flamboyant. Il l'avait déjà vu plusieurs fois dans la caserne, il faut dire qu'une telle fourrure était difficile à rater. La demoiselle lui répondit joyeusement :

- Salut Kaï! Tu n'as pas l'air très en forme aujourd'hui.. Peut-être que courir te réveilleras un peu. C'est pour toi que je dis ça; si on rencontre une autre patrouille – bien que ça n'arrive pas souvent – et que des Secondes Lignes te voient fatigué comme ça, ils vont se poser des questions... Ils s'en posent déjà, d'ailleurs.

Bwarf, trop de mots. Ainsi la jeune chatte le connaissait déjà, alors que lui ne savait même pas son nom. Enfin, on le lui avait dit mais il n'y avait pas prêté attention. Quelle impolitesse. Enfin, il se souciait bien peu de s'il était bien élevé ou non, mais ne pas être condescendant pouvait lui éviter bien des maux. Enfin bref, il n'était pas temps de penser à son éducation. Elle lui avait proposé de courir et même s'il n'était pas adepte des courses matinales dans les bois, il allait accepter, pour ne pas la froisser. Elle avait l'air de bonne humeur et lui n'avait pas envie, enfin, n'était pas assez en forme, pour se battre, verbalement comme physiquement. Kaïgaan allait lui demander son nom, très certainement rempli de 'a', quand sa dernière phrase résonna enfin dans sa tête. Il était temps. Il dressa les oreilles, se réveillant instantanément. Pour le coup, elle venait d'obtenir toute son attention. Il prit la parole rapidement d'un ton suspicieux, s’efforçant d'être calme, pour ne pas lui montrer qu'en réalité un stress immense venait de l'envahir.

- Comment ça ils se posent des questions ?

Il remua la queue en plissant les yeux. Il pensait être discret lorsqu'il trainait près du laboratoire, ou partait en forêt, feignant de patrouiller. Si les soldats se posaient des questions, il avait du souci à se faire. Il allait lui falloir regagner leur confiance, et cela n'allait pas être bien agréable. En attendant, il devait paraître naturel, quelque peu surpris de cette accusation. Il n'avait jamais discuté avec la chatte en face de lui, et ne savait rien de son caractère, ou de son avis sur les méthodes des humains. Kaïgaan espérait ne pas être tombé sur une fanatique. De bonne humeur, certes, mais fidèle jusqu'à la mort aux humains. Alors qu'il attendait sa réponse, il réfléchissait à toute vitesse sur ce qu'il allait bien pouvoir inventer pour se justifier de ses balades répétées.

Kaï réagit presque tout de suite à la dernière parole de la chatte. Alagaësia s'en était doutée; ce genre "d'accusation" ne passe pas inaperçu chez l'intéressé.

«Comment ça ils se posent des questions ?» demanda-t-il, s'efforçant de garder son calme.

«Quelques rumeurs courent sur toi à la caserne; par exemple, certains disent que tu passes trop de temps au laboratoire ou bien que tu emprunte toujours les mêmes chemins pour tes patrouilles. Ils te soupçonnent d'aider les Frais. Personnellement, je serait heureuse que tu ne maltraites pas les jeunes. Après tout, on a déjà tous été à leur place, et on a tous ressenti les mêmes douleurs. Je pense qu'il est inutile de les traiter ainsi. Enfin bon, quoi que tu fasse, je ne m'en mêlerait pas, ce ne sont pas mes affaires. Mais tu devrait te montrer plus vigilent à l'égard des autres soldats; la plupart ont la langue bien pendue. Et si je peux te donner un conseil, concentres-toi plus sur tes devoirs de Soldat et ils fermeront les yeux sur ton cas, comme pour moi.» répondit la soldate.

Alagaësia appréciait ce chat. Il n'était pas aussi mesquin que les autres soldats, et il semblait aimer aider les autres. Enfin, peut-être se trompait-elle. Elle s'assit en attendant la réponse de Kaïgaan, impatiente que cette conversation se termine; elle voyais bien que cela mettait le matou mal à l'aise, et elle était confuse de la mettre dans cette état. Elle était impatiente de changer de sujet mais elle voulait également connaître la réponse que le soldat allait lui donner. La curiosité l'emporta sur les bonnes manières et la compréhension, et elle continua à attendre avec impatience. RAAAAAH. ALAGA. TU ARRÊTES DE CROIRE QU'IL VA TE FAIRE LA RÉVÉLATION DU SIÈCLE. APRÈS TOUT, C'EST LA PREMIÈRES FOIS QUE TU LUI PARLES. pensa t-elle intérieurement, car elle avait beaucoup de mal à contenir sa curiosité.

HRP:

- Quelques rumeurs courent sur toi à la caserne; par exemple, certains disent que tu passes trop de temps au laboratoire ou bien que tu emprunte toujours les mêmes chemins pour tes patrouilles. Ils te soupçonnent d'aider les Frais. Personnellement, je serait heureuse que tu ne maltraites pas les jeunes. Après tout, on a déjà tous été à leur place, et on a tous ressenti les mêmes douleurs. Je pense qu'il est inutile de les traiter ainsi. Enfin bon, quoi que tu fasse, je ne m'en mêlerait pas, ce ne sont pas mes affaires. Mais tu devrait te montrer plus vigilent à l'égard des autres soldats; la plupart ont la langue bien pendue. Et si je peux te donner un conseil, concentres-toi plus sur tes devoirs de Soldat et ils fermeront les yeux sur ton cas, comme pour moi.

Kaïgaan souffla du nez en reculant la tête, l'air surpris. Tsss, lui qui pensait être discret, il avait l'air malin. Mais cela pouvait être pire, on le soupçonnait juste d'être un peu trop gentil avec les frais, pas de souhaiter libérer les prisonniers. Il allait facilement s'en sortir. La femelle s'était assise et une brise fraiche vint caresser leur pelage. Il s'assit également, tentant de montrer qu'il était à l'aise et que ces accusations ne le stressaient pas. Il essayait tant bien que mal de contrôler sa queue qui souhaitait frétiller pour libérer son stress, ce qu'il ne pouvait pas laisser paraître. Il devait trouver une réponse, quitte à paraître un peu brusque, mais il ne pouvait pas laisser ces rumeurs se propager et se transformer. Il prit donc un air outré mais sérieux pour lui répondre.

- Ce n'est pas parce que j'aide les frais à s'adapter à leur nouveau foyer que je suis un traitre. En étant sympathique, ils souhaiteront d'avantage rejoindre notre cause. Ce n'est que de la logique, mais je doute que la plupart des soldats en soient fournis.

Sur cette dernière phrase, il sourit en coin. Son explication tenait la route et il s'en était bien sorti. Néanmoins, il souhaitait changer de sujet. Trop parler de cela pouvait le trahir, sans même qu'il s'en rende compte. Il ne devait pas mentionner de libération, d'avis quant aux méthodes des humains, ni même son affection pour les autres guildes. Non, il allait porter le costume du parfait soldat, réfléchi et dévoué. Un bon petit chien en soit. Il passa un coup de langue sur son poitrail, en ayant l'air le plus détaché possible, puis releva la tête en changeant de sujet.

- Au fait, tu vas peut-être me trouver égoïste mais je ne connais même pas ton nom.

Il lui sourit poliment en penchant très légèrement la tête sur le côté. S’intéresser à son interlocuteur était le meilleur moyen de changer de sujet et de toute façon, il avait envie de connaître le nom de cette demoiselle. Il ne la connaissait pas mais pour le moment elle n'avait pas l'air bien méchante. Il verrait sa position lorsqu'ils rencontreraient un Felinae ou un Caméléon. Elle comprenait la souffrance des frais, mais n'avait pas non plus l'air de faire quelque chose pour changer cela. Enfin, Kaïgaan se doutait bien que de nombreux soldats se plaisaient très bien chez les humains.

Up!