Le cadavre d'un ancien monde

« Pv Pelage de Nuit»

Il fallut quelques semaines pour que Pan réaliser réellement que son frère -Vel- était vraisemblablement ici, sur les mêmes terres qu’elle. Vel était vivant, oui, ou du moins elle l’espérait pleinement.

Allongée sur sa paillasse, l'esprit de la petite divaguait, construisant peu à peu mille et unes théories plus ou moins farfelues quant au sort de son « petit » frère. C'était assez inhabituel, vu que Pan n'était franchement pas du genre à se creuser la tête plus que quelques secondes pour arriver à une décision ou une conclusion, qu'importe le contexte. Mais là, c'était différent ; son mode de pensée pour ce genre de choses n'était pas comparable. Ici, Pan ne parlait pas de n'importe qui, c'était Vel dont il était question, l'une des seules personnes qui n'aient ne serait-ce qu'un semblant d'importance pour elle. Enfin, plus précisément, ses deux frères étaient les seuls à posséder cette importance, malgré le décès de l'un d'eux. C'était donc pour cette raison que ce jour-là, Pan réfléchissait longuement. Cela lui pris une bonne heure de réflexion pour que finalement un petit remord -chose rare- monte en elle. Depuis que la gamine s'était enfuie du Labo', pas une seule fois n'avait-elle essayé de retrouver la trace de son frère. Pas une seule fois n'avait-elle daigné prendre le temps de demander à qui que ce soit s'il connaissait son existence. Son esprit avait même inconsciemment balayé la question comme si elle refusait de songer à toute chose liée à son passé, particulièrement à ses frères.

Cette idée la tourmentait, comme si toutes les choses auxquelles elle aurait surement du penser ces dernières semaines si elle n'était pas si égoïste lui donnaient tour à tour une claque dans la gueule. Pan était presque frustrée de se sentir si mal vis-à-vis de cela, elle qui d'habitude n'en avait rien à faire d'absolument tout. Il faut l'avouer, son égo et son je-m'en-foutisme furent touchés de plein fouet à cause de cette histoire, ce qui n'améliorait pas son humeur. La petite réalisait aussi, sans pour autant se l'avouer, que son frère lui manquait ; le fait qu'ils ne se soient pas revus depuis si longtemps créait un vide en elle. Pan ne pensait pas tout à fait à retrouver son frère en un instant, ce serait stupidement naïf, mais elle fut tout de même décidée à se mettre à la recherche de Vel, ne serait-ce que pour avoir la satisfaction d'avoir essayé. Alors, elle sortit de son cocon vers midi, sans trop savoir où se rendre, mais au moins avec une idée fixe en tête. Ce n'était rien qui sortait de l'ordinaire, Pan s'amusait presque tous les jours à découvrir ou redécouvrir ses environs, mais cette fois-ci elle le faisait pour une raison. Ou plutôt un prétexte.

Une fois levée, Pan sautilla à travers le camp, tournant sa tête de gauche à droite, le soleil brulant tapant sur son pelage et sa salopette rougeâtres. Elle profita encore un instant du peu d'eau fraiche qui alimente l'Oasis puis, sortit du camp et commença à arpenter le désert étouffant. Le désert, elle le connaissait relativement bien à présent malgré le peu de points repère qu'il possède. Son soleil tapant, son sable bouillant et sa grandeur sont, très basiquement, ce qui caractérise l'endroit. Rien d'agréable, vraiment, mais les quelques lieux éparpillés dans cette immense étendue de sable valaient tout de même le coup à découvrir et explorer. C'est avec cette idée-là que la petite traversait le désert à petit pas. Elle espérait trouver un lieu qui lui est inconnue, avec le prétexte de chercher et peut-être trouver son frère -ce qui était tout de même très peu probable-. Il fallut à la gamine une bonne heure et demie de marche pour finalement tomber sur un énorme bâtiment métallique, rongé par la ruine. Très franchement, cela aurait surement été plus approprié de trouver un sympathique point d'eau pour assouvir la soif et la fatigue de Pan mais l'atmosphère bizarre et glauque du bâtiment abandonné lui plaisait tout autant. Elle observa un bref instant le bâtiment qui se dressait devant elle, puis se décida à y rentrer. Avec le peu de force que Pan possède, elle parvint éventuellement à pousser l'imposant portail entrouvert de la bâtisse qui émit alors un grincement aigu, perçant. A pas bruyant, Pan s'avança sans grande discrétion ni prudence dans le lieu inconnu. La gamine, enjouée par une excitation nouvelle, jeta des coups d'oeil rapides de gauche à droite, observant le décor qui se présenta à elle. Le lieu était une sorte d'énorme hangar, épuisé par l'abandon et le temps. Une odeur de sel -sûrement le produit qui était autrefois traité là-bas- et de rouille imprégnait toute la salle, tandis que les petits cliquetis de quelques vieux engrenages retentissaient encore.

« Waaaaaaah ! » s'exclama Pan, absorbée par tout ce qui l'entourait

Complètement extasiée par sa découverte, la petite en oubliait presque que, de base, elle n'était pas tout à fait venue pour s'amuser. Ah, j'imagine que c'était trop tard et puis, comment résister à la tentation lorsqu'un lieu si propice au jeu apparaît ?
La petite arpenta encore la vieille usine pendant plusieurs usines, sautant de plateforme en plateforme, examinant avec curiosité les divers instruments éparpillés depuis bien longtemps sur le sol métallisé. Pourtant, au bout d'un court moment, Pan ressentit l'étrange sentiment d'être observée ou du moins, qu'une présence se trouvait là. Elle huma l'air à la quête de l'odeur d'un autre chat, sans satisfaction.

«Eh ? Y'a quelqu'uuuun ? demanda-t-elle

Sa petite voix résonna dans tout l'hangar. Pan, prise par la curiosité, attendait plus ou moins patiemment une possible réponse.

Soldat inconnu.

« PV Pelage de Nuit »

Quelques secondes passèrent et la présence qu'elle sentait lui répondit d'une voix plus ou moins amicale. L'odeur reconnaissable des Soldats imprégna les alentours de son parfum métallique, trahissant l'appartenance de son interlocuteur.

-Salut toi. Que fais-tu aussi loin du quartier général, ou camp, comme vous l'appelez, des caméléons ? Et c'est quoi cette... salopette ? interrogea le chat, se trouvant à présent à côté de Pan

Le chat en lui-même -car c'est d'abord ce à quoi Pan fit attention avant de lui répondre- était un mâle plutôt grand, musclé et au pelage entièrement noir. Ce n'était pas ça qui attirait l'attention, cependant. Le matou avait de l'allure si on puit dire, possédant une large paire d'ailes draconiques, d'un rouge sang à l'intérieur et du même noir que son pelage sur les bords. Pour finir, ses yeux étaient d'un jaune perçant et ses crocs étaient anormalement longs. Oh, son physique paraissait assez effrayant, mais cela ne dérangeait nullement Pan qui était simplement contente de trouver quelqu'un avec qui bavarder, bien que cela interrompe sa découverte des lieux.
Pour ce qui était de sa salopette, la fameuse, on lui faisait souvent des remarques à ce propos. C'était compréhensible ; ce n'était pas tous les jours qu'on voyait un chat affabulé d'un habit si incongru. Cependant, elle plaisait à Pan, cette salopette. Elle rappelait quelques souvenirs et puis, c'était plutôt mignon, nan ? Dans tous les cas, elle n'avait plus trop le choix, maintenant.

-Bonjour ! Ben, que j'sâche, j'ai le droit de sortir du camp. Et pis, ce serait vachement chiant si je devais rester cloîtrer toute la journée. Tiens, regarde ; j'aurai même pas fait de rencontres ! Ma salopette, c'est une salopette. répondit-t-elle finalement, assez fière D'ailleurs, mon nom c'est Pan. J'imagine que t'aurais remarqué que je suis Caméléonne. Et toi, t'es un soldat, non ? Tu t'appelles comment ? Tu viens faire quoi ici ? ajouta Pan, soudainement intriguée par le chat ailé

Son habituel flot dequestions se déchaîna. En soi, ce sont des choses qui, malgré sa curiosité, ne l'intéressent pas particulièrement, mais cela valait au moins le coup de le savoir. Bien que tristement peu importants pour elle, c'était par simple curiosité que Pan aimait questionner ses rencontres de la sorte. Il y avait également le plaisir d'être envahissante, sûrement.

Aussi, maintenant qu'elle le disait, c'est vrai qu'elle était contente de faire la rencontre de quelqu'un, surtout dans un lieu aussi peu visité que celui-ci. Autrement, elle se serait sûrement vite lassée et serait repartie au camp se coucher peu après. La journée en est d'autant plus intéressante que le chat en face d'elle avait l'air, selon la gamine, assez sympathique. C'était, certes, un soldat, mais Pan n'accordait absolument aucune importance à cela et s'attardera sur la personne en soi plutôt que ce que les clichés sur le groupe auquel il appartient. S'il lui saute à la gorge, tant pis, elle reconnaitra alors que c'était une mauvaise idée.

Sortant de ses pensées, Pan fixa le soldat un instant, ses yeux jaunes brillants ressortant dans l'obscurité.

Soldat inconnu.

« PV Pelage de Nuit »

Le soldat répondit presque immédiatement, laissant paraitre le même ton amical et la voix chaude que quelques secondes auparavant.

-Tu marques un point, petite, pour répondre clairement à tes questions, mon nom c'est Pelage de Nuit et je suis bien soldat, mais tu dois le savoir, je le regrette amèrement, je préférerais être Félinae. Tes petits copains sont plutôt courageux pour s'en prendre aux autres soldats. révéla-t-il

Pelage de Nuit, c'était donc son nom. Pan resta sur place une fraction de seconde, le temps d'enregistrer l'information. Elle haussa cependant un sourcil à l'écoute de la seconde partie de ses paroles, dubitative quant à leur utilité. Eh, le fait qu'elle ne se soucie pas de l'appartenance de Pelage de Nuit aurait dû mettre la puce à l'oreille au mâle ; elle ne se contentait pas de respecter les limites invisibles construites par les préjugés des autres. Clairement, elle en avait rien à foutre de son opinion quant aux Guildes et tout ce qui tournait autour. Qu'il fasse ce qu'il veuille de sa vie, la petite ne sera pas présente pour l'en empêcher ou l'encourager, c'était une certitude. Malgré tout, elle ne fit pas de commentaires, se contentant de fixer -toujours, cela était surement perturbant- Pelage de Nuit dans l'obscurité de le hangar.

L'humidité ambiante et le manque de lumière ne faisait pas bons ménages. Des perles de sueurs ruisselaient sur le front de Pan, sûrement dues à l'inaction qu'avait coûtée la conversation. La gamine, réalisant cela, balança brusquement sa tête vers le reste de l'usine et réfléchit un certain temps, oubliant presque que Pelage de Nuit se trouvait toujours face à elle. Enfin, d'un ridicule mouvement des pattes elle sortit de la petite zone dans laquelle ils avaient commencé la discussion, prit un petit élan et sauta sur une petite plateforme non loin de là. Lorsqu'elle eut finit sa série de mouvements, elle se tourna à nouveau vers Pelage de Nuit, à présent en dessous d'elle. Sa tendance à changer complètement de comportement ou juste ses mouvements brusques en soi avaient tendance à surprendre, la gamine en avait conscience. Cependant, lorsqu'elle se mettait une quelconque idée en tête il était difficile de l'empêcher ; les autres se retrouvaient régulièrement sans même avoir le temps de comprendre ce qu'elle s'était mise en tête ou même ce qu'elle essayait de faire. Enfin, peu importe. Toujours est-il qu'elle arborait  la même tête enjouée que quelques secondes plus tôt, avec une espèce de pointe de naïveté qui lui était comme collée au visage. Enfin, du haut de son perchoir, elle répondit à Pelage de Nuit.

-Eh bah, enchantée, Pelage de Nuit. Fé' chaud, nan ? En même temps on est dans le désert, c'est à pas étonnant. Tu viens ? J'ai envie de continuer la conversation ici. Ou alors... ou alors on peut jouer s'tu veux ! Enfin, peut-être que t'es trop vieux ou sérieux pour ça. Je sais pas, bleh.

La petite avait tendance à monologuer pendant trop longtemps, se perdant elle même dans ses paroles.

-D'ailleurs, tu m'as toujours pas dis c'que tu faisais ici. finit-elle

Elle attendit encore une fois ce qu'allait renchérir Pelage de Nuit, toute sourire.

Soldat Inconnu.

« PV Pelage de Nuit »

Le visage du mâle se raidit aux mots de la petite. Son malaise était vraisemblablement visible dans ses traits, c'était une évidence que la question le dérangeait. Pourquoi ? Oh, Pan l'ignorait. Peut-être était-ce ses mouvements incongrus ou ses paroles qui le contrariaient, mais là n'était pas un grand problème pour la petite qui, indifférente, fixait son ami immobile. Malgré tout, au bout d'un petit moment, Pelage de Nuit déploya ses grandes ailes et s'éleva dans les airs, rejoignant la petite qui battait vivement de la queue du-haut de son perchoir. Sur sa trajectoire, battant gracieusement des ailes, il jeta quelques phrases à Pan, espaçant légèrement ses mots par des silences troubles :

-Eh bien... je suis venu car mes supérieurs m'ont alerté que tu étais là... je devrai te ramener à la caserne, mais je ne veux pas, alors j'étais venu ici pour te faire partir... je ne supporte pas qu'un autre chat soit exposé à une autre expérience, à cause de moi...

Ah ? Aaah ? Aaaaaah ? Vraiment, ça ? Aux mots de Pelage de Nuit, Pan explosa un rire au seuil de la moquerie -quoique que ce n'était pas de mauvaise intention-. Elle ne se retenait pas. Sa petite voix, tout de même portante, s'étala dans tout le hangar et un écho retentit pendant d'infimes secondes. C'était certes une belle intention que de se soucier du sort d'une inconnue, mais cela ne touchait nullement Pan qui se contentait relativement simplement de continuer son fou rire, allant jusqu'à se rouler sur le béton glacé qui leur servait de sol. Pan n'a ni les capacités physiques, ni les capacités mentales pour assumer sa philosophie de vie -qui se résume assez simplement à "Rien à fouuuutre !"- mais ce "choix de vie irréfléchi", elle ne l'a jamais questionné et ne le questionnera jamais. Alors, quand ce mâle, bien que tout à fait sympathique, lui annonçait qu'il était préoccupé par la petite, il ne faut pas s'étonner que ça l'amuse. Il arriva un point où Pan commençait à essouffler ses capacités et, au fur et à mesure elle s'arrêta pour enfin s'adresser à Pelage de Nuit, qui avait du subir l'immaturité naïve de la petite :

-Waaah ! T'es marrant toi ! Mais t'sais, rien à foutre de tes supérieurs, de ce qu'ils me veulent. On verra ça plus tard, peut-être. Dans longtemps. En attendant, ça te préoccupe tant que ça que moi, huuuumble presque inconnue, soit en potentiel danger ? C'est gentil, j'imagine, elle accentua certains de ses mots, affichant une petite mine vantarde er repris, Sinon, t'as -encore- pas répondu à ma question. Tu veux jouer, ou pas ? finit-elle, avec un large sourire

De nouveau, et encoure plus enthousiaste, elle fixait intensément Pelage de Nuit de ses prunelles dorées.