Ça faisait quelques jours que l’on était arrivés à l’Oasis. Un endroit joli et paisible, mais qu’est-ce-qu’il y faisait chaud… Je me dirigeai vers l’étendue d’eau pour boire un peu, et j’hésitais même à me jeter dedans. Je n’aimais pas trop l’eau, mais j’avais si chaud… Ah, je la regrettais tout de même un peu, la forêt. Surtout qu’on s’ennuyait un peu ici. Je ne connaissais que peu de personnes chez les Caméléons, donc je n’avais personne avec qui discuter ou jouer. J’aurais pu aller voir les chatons, c’est vrai, mais vu comme j’étais maladroite, je risquais de leur faire mal.
Après m’être désaltérée, je décidai de faire le tour de l’Oasis pour me dégourdir les pattes. Je croisais quelques chats, rarement seuls. Avec un frère, une sœur, des amis… Ou alors occupés à quelque chose. Tandis que moi, malgré mon rang de Messagère, je n’avais jamais rien d’important à faire. Sortant de mes pensées, je finis par trouver un coin d’ombre sous un rocher. Je m’y approchai en trottinant, espérant qu’il n’y avait personne que je pourrais déranger.

"Bonjour ! " lança une voix.

Sursautant, je me cherchai d'où elle provenait. C'était une jolie chatte rousse aux ailes d'abeilles, souriante, qui m'avait adressé la parole. Une Caméléon aussi il me semble, je l'avais déjà vue à quelques reprises, et elle m'avait semblé plutôt sympathique. Je m'approchai donc en trottinant joyeusement.

"Bonjour ! " lançai-je aussi. Puis j'ajoutai : "Belle journée, nan ? Oh, j'oublie la politesse. Je suis Cyani, Messagère. Et tu es... ? "

Souriant aussi, je m'asseyai tranquillement, me frottant l'oreille d'une patte d'un air distrait.
Étrangement, il faisait un assez frais. Pourtant il était près de midi, et pas le moindre nuage à l'horizon !

Souriante, la chatte rousse approuva en regardant le ciel :

"Effectivement, il fait très beau."

Reposant ma patte, je levai la tête à mon tour, perdant mon regard dans le ciel bleu, quand je reçus une bouffée d'air gelé dans la figure. C'était apparemment dû au battement d'ailes de la féline. Reposant son regard sur moi -je fis de même- elle me répondit  :

"Je me nomme Flocon, malheureusement sans-rang pour le moment."

Flocon ? Bizarre pour une chatte rousse aux ailes d'abeilles... Ma foi. Ce nom était peut-être dût à un trait de caractère particulier ? Vous me direz, mon nom n'a pas vraiment d'explication, hormis le faux espoir de ma mère... Et "malheureusement sans-rang" m'embêtait un peu. Après tout, j'avais un rang mais je ne m'en réjouissais pas spécialement, puisque je ne recevait pas d'ordre et encore moins de messages à faire passer, malgré mon rang de messagère. Puis bon, c'était pas très grave de ne pas avoir de rang, elle pouvait quand même essayer de servir les Caméléons si elle le souhaitait. J'admet que je ne pensais pas à grand-chose d'autre que ma tronche, pour ma part. Enfin je m'inquiétait quand même pour les autres, hein. Même pour ceux qui n'étaient pas Caméléons. Mais je n'aidais pas, pour le ravitaillement par exemple. Du coup, je ne demandais rien et ne me servait pas.

"Il fait un peu frais, non ?" demanda Flocon, frissonnante, me sortant brusquement de mes pensées.

Un instant, j'eus peur d'avoir songé à voix haute, mais heureusement pour moi, ce n'était pas le cas ! Mais maintenant qu' elle le disait, oui il faisait frais... froid, même. On était pas en été bon sang ? On se croyait à la mi-saison... Je secouai la tête, comme si cela allait chasser mes pensées.

"Oui, il fait pas chaud. Étonnant vu à quelle période on est, tu ne trouve pas ? "dis-je.

Puis me secouant à nouveau -une vraie manie, dites donc- je me relevai.

"Ça te dit de marcher un peu pour se dégourdir les pattes ?" Demandai-je.

"En plus avec cette température on pourrait presque tenter la traversée du désert ! " terminai-je en plaisantant.

Je secouai les moustaches d'un air amusé et lui fit un grand sourire, attendant sa réaction.

Flocon souris, puis se recula. Elle hocha la tête en réponse à ma première question, puis inspira une bouffée d'air. Elle se mit à tousser. Je me demandai pourquoi, mais je ne fis aucune remarque. À ma seconde question elle se secoua elle aussi, puis quand j'eus posé ma dernière question, intriguée, elle me demanda:

«Le désert ? Qu'est-ce donc?»

Je me retins de rire. Ça pouvait arriver de ne pas connaître certains mots, certaines choses ! Je cherchai mes mots, je n'étais pas très douée pour expliquer...

«Le désert? Et bien... Euh... Bah c'est la grande étendue de sable qui nous entoure ! Une grande étendue de sable "déserte". C'est pour ça qu'on appelle ça comme ça, je crois.»

Je m'étais embrouillée comme pas possible, j'espérai qu'elle comprenne ! Et pourvu qu'elle connaisse le mot sable, sinon, j'étais mal barrée pour lui expliquer.
Bizarrement le pelage de la chatte rousse se hérissa. Puis elle se calma et lissa vite ses poils, avant de me sourire.

«Qu'est ce qu'il t'arrive, si c'est pas indiscret ?» demandai-je, sa saute d'humeur ayant piqué ma curiosité. Je lui souris en retour.

Apparemment, me voir galérer à expliquer ce qu'était le désert faisait rire Flocon. Ma foi, si elle trouvait ça drôle, tant mieux hein! À l'inverse, ma question sembla la mettre mal à l'aise... Et ça, c'était moins bien. Beaucoup moins bien. Elle battit des ailes, et j'ai reçu un courant d'air étonnamment frais dans la figure, me faisant sursauter.

«Et bien... Je repense souvent à ce que ces créatures ont fait à ma famille... Sinon, pour ton explication, quel est le rapport avec le désert et le fait qu'il fasse frais ?», me dit-elle.

Je lui répondis donc qu'il faisait toujours chaud dans le désert habituellement, sauf la nuit, d'où ma plaisanterie. Pendant que je lui répondais -encore en m'embrouillant dans mes explications- la féline rousse fut distraite par un papillon qu'elle tentait vainement d'attraper, puis se cassa la figure. Elle se releva finalement en grimaçant, attendant des explications...Déjà venues, en fait. Me retenant à grand peine et absolument pas discrètement de rire, je ré-expliquai:

«En fait, il fait toujours très chaud dans le désert. Sauf la nuit. C'est parce qu'il n'y a rien pour faire de l'ombre, je crois...»

Et, trop curieuse, j'enchaînai, ma queue ondulant rapidement derrière moi:

«Dis, c'était quoi ce courant d'air froid que j'ai senti quand tu as battu des ailes? C'était vraiment du vent normal? Ton pouvoir? Autre chose?»

Flocon, recroquevillée, sembla quelques peu gênée par ma question. J'étais décidément bien trop curieuse ! Elle répondit tout de même que c'était bel et bien son pouvoir, en qu' il avait pour effet de tout rendre froid autour d'elle. Ce qui expliquait l'air froid que j'avais senti quand elle avait battu des ailes. Elle ajouta en se redressant qu' il y avait pas mal de points négatifs, et qu' elle pouvait avoir de gros problèmes en étant exposée au soleil.

"Et toi, quel est ton pouvoir ? " me demanda-t-elle.
Gênée à mon tour, je lui répondis que je n'en avais pas. Puis je remarquai qu' elle fixait quelque chose au sol. En regardant de plus près, je m'aperçus que c'était des poils. Les siens. Me rappelant ce qu' elle avait dit à propos des inconvénients de son pouvoir, je lançai :
"Hum...On devrait peut-être aller chercher un point d'ombre non ? Surtout qu' à ce que j'ai compris, le soleil est dangereux pour toi..."
Sur ces mots, je cherchai du regard un endroit ombragé... Malheureusement, je ne vis rien susceptible d'apporter suffisamment de fraîcheur. Je me tournai donc vers la féline rousse, qui devait avoir l'habitude des problèmes liés à son pouvoir.