PV Plume Noire & Ricchi

L’air était presque aussi humide que l’humus recouvrant le sol de la sylve. Le ciel était nuageux et laissait quelques rayons de soleil frapper la terre, encourageant les quelques plantes ayant survécus à s’épanouir. Des champignons multicolores de toutes les sortes et gigantesques m’entourait. Je m’étais écartée du quartier général afin d’être assurée de ma solitude. Je comptais en effet me risquer à une activité assez hors norme et qui pourrais être périlleuse en présence d’autres félins. Mon statut d’ombre était officiel, ma discrétion était prouvée depuis bien longtemps mais ma capacité à combattre et à assassiner était encore à prouver et était particulièrement problématique dans mon cas, mon esprit refusant catégoriquement de faire souffrir un autre félin, même ennemi. Mon dernier espoir d’avoir toutes les capacités requises pour mon nouveau poste était de contrôler d’une quelconque façon Démone. Cet être sadique et cruel était bien plus apte à blesser, combattre et plus technicien que moi. Je ne pouvais réprimer mon envie de grincer des dents à l’idée de ce que je m’apprêtais à faire.

Bien ancrée sur mes pattes, les yeux dans le vague, je laissai ma double personnalité s’insinuer non sans douleur dans la moindre de mes veines et dans chaque parcelle de mon corps. Je tentais de reproduire la situation du contrôle de mon corps par mes deux personnalités. Toute cette concentration me donnait un horrible mal de crâne. Petit à petit, je sentis mes iris envahies de volutes rouge sang qui s’entremêlaient avec grâce et vitesse dans celles vert émeraude et mes muscles de contractèrent sous l’effort. Mes babines se retroussèrent sur mes crocs tandis que des larmes salées coulèrent sur mes joues à cause de la souffrance que j’endurais. J’avais compris depuis quelque temps que moi, ange déchu sortie d’un laboratoire, était en quelque sorte une incarnation de la souffrance. Moi, personnalité de base, se refusait à la faire subir à autrui et gardais tout en moi, et Démone, l’autre, n’était que violence, sadisme et pulsions. Mes ailes se tendirent.

Avec lenteur et précaution, je me mouvais afin de désentraver mes ailes des chaînes métalliques. Ces dernières furent enroulées autours de mes pattes, prête à l’emploi. Je laissai alors l’initiative à ma double personnalité, qui avait acceptée de coopérer sous la promesse de futur combat. Cette dernière sortie les griffes et les plantèrent dans le sol puis passa la langue sur les babines avant de prendre impulsion et de faire un fantastique bond dans les airs grâce à mes ailes noires. Elle effectua plusieurs acrobaties guerrières dans les aires, s’entraînant à utiliser les chaînes comme arme. La douleur enserrant mon crâne devenait de moins en moins supportable, mais je ne devais pas arrêter sous risque de perdre totalement le contrôle et qui sait ce que ma double personnalité pourrait faire se voyant totalement libre.

J’entendis soudain des bruits de pas félins non loin de moi. Je failli perdre le contrôle puis rabattit mes ailes sur mes côtes afin de rejoindre le sol avec vitesse, ne me sentant pas du tout à l’aise dans les airs, contrairement à Démone. J’aperçue alors un félin dans mon champ de vision et tourna la tête en sa direction. Les spirales cessèrent de se mélanger, mon œil droit redevint vert émeraude mais le gauche avait un iris rouge sang. Je serrai les dents, craignant ce qui allait arriver.

© Adrenalean pour Epicode

PV Plume Noire & Ricchi

C’était un félin très étrange qui se détacha de l’ombre. Déjà, il y avait eu quelque chose dans sa silhouette qui me dérangeait. Ces deux choses flottantes et rattachées au cou du chat, qui semblait être un mâle. Il continuait d’avancer dans ma direction, jusqu’à être à environ un mètre de moi, lorsque je me rendis compte que ces excroissances étaient deux têtes miniatures. J’avais vu un grand nombre de modifications corporelles toutes plus étranges les unes que les autres, mais celle-ci se trouvait être la plus dérangeant que je n’avais jamais vu. Etais-ce des êtres distincts de l’étranger, reliés à lui comme des parasites, ou des parties de lui-même, un peu comme mon Démon ? Tout ceci attisait ma curiosité. Par habitude, je reculai de quelques pas, marquant la distance entre ce matou et moi. Mon odorat m’indiqua que c’était fort probablement un solitaire, l’effluve se dégageant de son pelage ne correspondant ni à celui des Felinae ou des Caméléons, ni en celui des Soldats. Je décidai donc de rester sur mes gardes, même s’il ne semblait en rien agressif. Je devais d’autant plus faire attention au moindre de ses mouvements que mon double était prête au combat, et elle n’hésiterait pas à prendre le dessus sur moi si je lui en donnais l’occasion, comme le montrait la pulsion sadique dont pulsait mon œil gauche. Le félin se décida à engager la conversation, d’un ton très intéressé :

« Je t'ai regardé t'entraîner tout à l'heure, tu es douée. Dis-moi, ou as-tu appris tout ça ? Je ne t'ai jamais croisé lorsque j'étais Soldat. Oh, j'allais oublier, mon nom est Ricchi. »

Alors ce solitaire, disant se nommer Ricchi, avait observé Démone en plein entrainement ? Sans que l’on ne s’en rende compte ? Je fus assez surprise de cela, d’autant que dans mon esprit se mit à ricaner mon double. Mais ce n’était pas cela qui m’inquiétais le plus, ce mâle faisait autrefois partie de la guilde ennemi ? L’avait-elle quitté par désaccord avec leur façon de penser, leurs objectifs, où partageait-il les mêmes idées ? Mon esprit était empli d’interrogations. Décidément, cet être était assez mystérieux. Je m’assis à mon tour, toutefois en faisant toujours attention au moindre mouvement ou à la moindre crispation de celui qui me faisait face. Je ne voulais pas qu’il me saute dessus par surprise. Son ton n’ayant rien d’agressif, je décidai cependant de lui répondre, affichant le masque froid que j’avais l’habitude de revêtir :

« Je me nomme Plume Noire. »

Je marquai une pause afin de réfléchir. Devrais-je lui révéler l’existence de ma double personnalité ? Celle-ci ressortant déjà plus ou moins… Non, trop dangereux. En plus, il me poserait probablement de multiples questions sur lequel je n’aurai pas très envie de m’éterniser. Je décida d’omettre ainsi quelque détails, mais ne le laissa pas sur ses interrogations :

« J’ai appris seule à combattre ainsi, c’est un peu obliger si l’on veut pouvoir se défendre sur cette terre impitoyable… Excuse-moi mais une question me titille : Que sont, ou qui sont, les deux êtres qui sont reliés à ton cou ? »

Ma queue balayait le sol couvert d’humus tandis que je me sentis assez nerveuse. J’espérais ne pas avoir posé la mauvaise question, comme lorsque les autres me demandent pourquoi je m’entrave les ailes… En parlant de mes ailes, je mourrais d’envie de remettre mes chaînes, par habitude. Le fait de ne pas sentir de poids sur mes plumes me dérangeait, l’ayant associé aux combats et tortures de Démone. Sortant de mes pensées, je regarda de nouveau l’étrange matou qui me faisait face, attendant une réaction de sa part.

© Adrenalean pour Epicode