« Le seul remède à tous les maux est le sourire »
Tu t'étais perdue.
Longtemps.
Très longtemps.
Trop longtemps.
Tu avais erré sans arrêt.
Ton monde était le désert.
Chaque fois que tu voyais la forêt tu fuyais.
Chaque fois que tu voyais la ville tu fuyais.
Pourtant tu aurais aimé le revoir.
Revoir Kaïgaan.
Tant pis pour toi.
Il ne t'aimera pas.
Il ne t’aimera jamais.
Mais ce n’est pas grave.
Savoir qu’il vit est suffisant.
Le contempler te comblerait.
Que de rêves illusoires.
Passie t’a prévenu.
Tu n’en avais pourtant pas besoin.
Tu savais que tu ne devais pas.
Qu’avec toi il serait en danger.
Que tu es un pur poison.
Tu mets le monde en péril.
Ton existence est une insulte.
Alors tu continues ta course.
Toujours plus loin.
Toujours plus vite.
Toujours plus seule.
Passie s’est calmé.
Il te hait toujours.
Mais il te protège encore plus.
Comme s’il ressentait tes sentiments.
Comme s’il ressentait tes pensées.
Comme s’il se synchronisait à toi.
Que vous ne faisiez plus qu’un.
Passie et toi.
Toi et Passie.
Un tout formé de deux parties contraires.
Un tout qui parcourt sans relâche le désert.
Ce n’est plus toi.
Ce n’est plus lui.
C’est vous.
C’est vous qui êtes arrivés là bas.
Un endroit étrange.
Tu ne t’en souviens pas.
Serait-il nouveau ?
Tu y croiseras peut-être quelqu’un.
Tu as envie de rencontrer quelqu'un.
Quelqu’un de nouveau.
Quelqu’un d’autre.
Ou est-ce le souhait de Passie ?
Vous vous confondez toujours un peu plus.
Pourtant la nuance est toujours là.
Lui il est fort.
Lui il sait se débrouiller sans toi.
L’inverse n’est pas vrai.
Pourtant son pouvoir le fait disparaître.
D’ici un, deux ans, vous ne serez plus qu’un.
C’est dans longtemps n’est-ce pas ?
Ça arrivera vite.
Très vite.
Trop vite peut-être.
Il te tuera avant.
Il le sait.
Il ne veut pas devenir toi.
Et encore moins que tu deviennes lui.
Hors de question qu’il s’abaisse à ton niveau.
Hors de question que tu le souilles.
Il préfère encore mourir.
Tu as erré encore.
Tu as perdu la notion du temps.
Tu es rentrée dans un de ces bâtiments étranges.
Si grand.
Si magnifique.
Si étrange.
Il te rappelle une autre carcasse.
À quoi pouvait-ce bien servir ?
On dirait une machine volante.
Volaient-ils réellement ?
Dans tes rêves ils le font.
Ils s'envolent et t'emmènent loin.
Loin de tous tes problèmes.
Loin de toute ta souffrance.
Loin de Passie aussi.
Quel paradoxe.
Quel dilemme.
Tu as vécu dans des rêves.
Tu as vécu dans des idées.
Pendant longtemps.
Tu t’es perdue dans le temps.
Cet endroit ressemblait à un cimetière.
Un cimetière du temps.
Ici la vie ne coule plus.
Les souffles se suspendent.
Seuls la nuit et le jour se succèdent.
Sans cohérence.
Sans que cela importe.
Sans que tu ne le réalises.
Passie a chassé pour toi.
Passie a bu pour toi.
Passie a dormi pour toi.
Toi tu as rêvé pour lui.
Des cauchemars dans lesquels il retrouvait son corps.
Des cauchemars dans lesquels il te tuait.
Des cauchemars sombres et chaotiques.
Tu as beaucoup dormi.
Même quand il prenait le contrôle.
Tu as lâché prise.
Complètement.
Tu l’as laissé diriger le monde.
Ton monde.
Quand tu as entendu du bruit tu ne t’y attendais pas.
Lui non plus.
Pourtant il n’a pas pris le contrôle.
Pour une fois tu avais une volonté.
Une curiosité.
Quelque chose d'autre.
Quelque chose qui t’a poussé à résister un peu.
Tu t’es faufilée dans les couloirs à la recherche du bruit.
Tu l'as trouvé sous la forme d’une personne.
Un grand félin noir comme l’encre.
Ses yeux brillaient comme deux soleil miniatures.
Il imposait le respect.
Un respect triste.
Perdu dans ses pensées.
Il ne te vit pas arriver.
Quand il te remarqua il sembla troublé.
Juste un instant.
Puis il ferma les yeux.
Juste un instant.
Il les rouvrit sur un air de surprise déchirant.
Il semblait sur le point d'étouffer.
Allait-il pleurer ?
Ou vomir ?
Tu savais ce qu’il avait.
Tu l’as suffisamment vécu.
Il a perdu son pouvoir.
Par ta faute.
Et il panique.
Aussi à cause de toi.
Tu voudrais t’excuser.
Pourtant tu n’y arrives pas.
Vous êtes tellement différent.
Tellement opposé.
Il a cette grâce froide.
Ce charisme indifférent.
Toi tu n’as rien de tout ça.
Toi tu n’es pas agile.
Tu n'es pas insensible.
Tu es juste une explosion de tout.
Alors que lui est calme.
Il est tellement calme.
Il a l’air mal mais il ne fait pas de bruit.
Il souffre en silence.
Comme tu ne sais pas faire.
Vous êtes si différents.
Pourtant vous avez quelque chose en commun.
Un peu comme un Yin et un Yang.
Cette pensée t’amuse.
Tu ne sais pas pourquoi.
Tu aurais dû lui demander son nom.
Lui demander comment il allait.
Lui expliquer.
Lui dire tout ce que tu devrais.
Et tu ne le fis pas.
Tu t'aplatis sur le sol.
Tu t'avanças un peu.
Tu le reniflas, doucement.
Tu avais un peu honte.
Pourtant c'était un geste familier.
Trop familier peut-être.
Pas un geste que l'on doit s'abaisser à faire.
Pas quand tout le monde peut tuer pour un oui ou pour un non.
Tout le monde sauf toi.
Heureusement que tu as Passie.
Un caprae à l’odeur.
Pourtant il n’y ressemblait pas.
On aurait dit un soldat.
Ou un solitaire aussi.
Mais pas un caprae ou un ophéis.
Il n’en avait pas la tête.
Il n’en avait pas la carrure.
Il n'en avait pas le cœur.
La question que tu posas t’étonna toi même.
« Tu sais où nous sommes ? »Tu ne savais pas où vous étiez.
Passie non plus.
Tu ne pouvais pas appeler cet endroit le cimetière du temps quand même.
Ce n'était pas sain.
Ce n'était pas logique.
Le temps ne meurt pas.
Le temps n’a pas de cimetière.
Seuls ceux qui vivent en ont.
Ceux qui ne seront pas oubliés.
Ceux qui ne meurent pas dans le sable.
Ceux qui ne sont pas toi.
Il sembla gêné.
Perturbé.
Il n'aimait peut être pas cette question.
Pourtant il répondit.
Il en prit la peine.
Avec une voix grave.
Une voix douce mais rauque.
Une voix qui en a entendu d'autres s'éteindre pour toujours.
« Non… je viens juste d'arriver. Et toi ? »
[À éditer]
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