« Pourquoi n'ouvre t-elle pas les yeux ? »

Elle aurait tout donné pour changer de vie. Pour ignorer ce monde, cette terre maudite par la science. Elle ne voulait plus croire au progrès, à un possible remède contre cette tragédie : c'était la colère de Dieu.

Parmi les trois nouveaux-nés, Petra était la dernière. La chaleur fusionnelle de sa mère fut la première chose dont elle bénéficiait. Sa robe longue la couvrait l'hiver, sa langue brossait son pelage ébouriffé, et ses yeux la dévorait de plaisir. Elle était comme le soleil, immuable et rayonnante auprès de ses chatons. Le grondement des bombes s'écrasant au sol était comme effacé par sa tendresse. L'amour d'une mère efface bien des pleurs lors d'une guerre.
"Amour". Ce premier mot. Ce premier souvenir.

Ils vivaient tous dans des ruines. Peu à peu, elle grandit, et ses frères aussi. tous étaient doté de la même transformation physique que leur père : la roche leur mangeait la chair. Parcourut de douleurs insoutenables, elle passait son temps à se tirailler face à la torture de la roche transperçant sa peau. Les taux de survies étaient faibles, et ses deux frères semblaient dans un état misérable. Malgré toute l'attention de leur mère, elle n'a rien pu faire. Le destin fut le même que celui du père : ils périrent, leurs organes embrochés par la pierre, tous poignardés par leur propre transformation.
L'amour ne peut pas vaincre la roche.

Effondrée, la mère ne put se sortir de ses tourmentes. Ses deux enfants et son amant n'étaient plus que des cadavres, baignant dans le déclin de lumière. Le soleil qu'elle était avant ne ressemblait plus qu'à un orage interminable. Elle se laissa mourir devant les corps sans vie des chatons,elle allait périr elle aussi, entourée par les ruines en pierres.

« La roche causera notre perte. »

Ce fut ses derniers mots avant de lâcher prise. Petra était condamnée, prise au piège par sa dépendance envers sa mère. Les proies fuient et les ruines tombent face aux machines de guerre : leurs organes de bronze firent trembler les terres. C'était une confrontation inévitable pour la jeune féline, elle n'attendait plus que la dernière bombe, le dernier tir, ou la dernière roche pour l'achever. Tout espoir dans ce monde s'était envolé depuis que l'homme est né, et que ceux-ci sont à présent dépendant de la ferraille. Ils avaient fabriqué mille et mille sortes de machines, prêtes à tuer leurs prochains, et tout ce qui les entoure.
Elle ne voulait plus jamais rouvrir ses yeux.  

Une lumière ? Non, un démon. Le diable a finalement pu la sauver. Le souvenir d'avoir discerné ses cornes, sa robe d'un rouge ardent, ses deux grands sabots et sa queue sataniste était gravé à jamais dans sa tête. Était-elle rejetée par Dieu ? Ne voulait-il pas exaucer son souhait ? Elle n'avait plus rien à perdre, abandonnée de tous, elle chercha réconfort auprès du pêché. Elle avait intégré le Royaume entant que néophyte, puis monta en grade dès ses 1 an et demi en tant que Belliciste.

C'était décidé. Délaissée par Dieu, elle se donnera corps et âme auprès de Satan.