Une chaîne de bâtiments détruits, de toutes tailles, se dressait à l'horizon. Dans une ruelle sombre où mille débris jonchaient le sol, de sombres silhouettes déboulaient dans tous les sens. De féroces cris retentissaient dans le quartier, comblant le silence effrayant de cette nuit noire. Des feulements d'agressivité, des grognements de douleurs. Une équipe de Felinae se battait avec hargne pour secourir du laboratoire un maximum de chats. Le sang perlait des griffes des félins. Une douleur fulgurante parcourait mon échine lorsqu'un monstre aux énormes griffes acérées m'enleva une touffe de poils blanche d'un coup sec. Un hurlement de repli s'éleva entre tous les grondements, mais il parvint à peine à mes oreilles, celles-ci étant focalisées sur la respiration haletante de l'expérience ratée qui me maintenait au sol, coinçant mes ailes. Avant même que je ne pu tenter de le repousser avec mes pattes arrière, il se précipita sur ma gorge, la mâchoire dégoulinante de bave, les yeux brillants dans la nuit.

Un choc me réveilla de ce rêve sanglant. Il fut non trop violent, mais cela suffit à me tirer de cette bataille imaginaire. En effet, mon corps avait dû gigoter pendant mon sommeil, et voilà que ma tête venait d'heurter la paroi de la cavité dans laquelle je dormais. Je m'assis en grognant, un peu déboussolé, puis secouai la tête. La lumière éclatante du soleil m'éblouit quand j'ouvris les yeux, et il me fallut un peu de temps pour que ma vision s'habitue à la clarté de l'extérieur. Après une brève toilette et quelques étirements, je m'extirpai de ma tanière, descendant des champignons géant qui peuplaient le Q.G. Le soleil n'était pas encore à son zénith mais ne venait pas non plus à peine de se lever. Il était rare, même trèèès rare que je me réveille à cette heure. Oui, cette heure, car même si nous étions toujours le matin, je considérais déjà ça comme tard. Je menais un rythme de vie stricte, imposé par ma propre personne : je me levais toujours à l'aube, et bien souvent j'allais chasser, m'entraîner ou même simplement marcher dans la forêt. Et là… Et là… Je ne m'étais pas levé à l'aube. Je ne pu retenir un soupir. Peu importait. Je m'étais levé trop tard, et j'avais loupé quoi ? 2 heures d'entraînement en solitaire, à peine ? Tant pis.

Je me dirigeai alors vers la sortie, passant entre les autres félins qui restaient au Q.G . Tout en longeant les immenses champignons mutants de la Sylve, lieu qui baignait dans un calme habituel, mes pensées divaguèrent vers le rêve qui m'avait retenu aussi longtemps dans cette tanière. C'est à peine si les feulements résonnaient encore dans mes oreilles. Les yeux dorés de l'expérience ratée étaient imprimés dans ma mémoire. Cela semblait si réel. Pourtant, cette bataille avait était créée de toutes pièces par mon cerveau. J'avais comme envie de me battre, de finir cette fausse expédition, de vaincre l'ennemi inventé. De retourner dans mon rêve. Ou même de vraiment le vivre, car après tout, je n'avais pas accepté le poste de combattant au sein des Felinaes pour rien. Non pas que je voulais qu'une guerre éclate là maintenant, seulement me battre pour ma guilde si cela venait à vraiment se produire.

Le paysage qui avait changé me sortit de mes pensées. À force de marcher en regardant dans le vide, mes pattes m'avaient guidé totalement aléatoirement à l'orée. Le silence avait laissé place à quelques étranges gazouillements d'oiseaux mutants, et la végétation était de plus en plus présente à chaque pas. La sensation de la mousse, légèrement mouillée, sous mes coussinets était plus agréable que de marcher dans l'herbe carbonisée de la Forêt Empoisonnée. Enfin, j'étais tellement plongé dans mes pensées que je n'avais pas remarqué que j'avais traversé cette forêt pour arriver à l'orée. Je n'avais pas non plus remarqué que, depuis tout à l'heure, mes griffes étaient sorties. Probablement à cause du souvenir de ce rêve. Une sorte de stress s'était emparée de moi. Pas un stress de peur, mais plus un stress qui me poussait à désormais rester sur mes gardes au lieu de trop penser.

Une silhouette féline attira mon attention. Une chatte dont les longs poils semblaient beiges, ou marron clair car son pelage était tigré. Son odeur était familière, puisqu'il s'agissait de l'odeur que portaient les membres Felinae. Il ne me semblait pas l'avoir déjà vu en tout cas. Elle demeurait tapie là, en face d'une flaque d'eau. J'ignorais ce qu'elle faisait, mais un moment de doute s'emparait de moi. Devrais-je aller la voir, ou ignorer sa présence ? Non pas que je voulais être malpoli, mais je n'aimais pas vraiment aller parler aux autres. Si je restais là, elle allait forcément se rendre compte de ma présence de toute façon… Et puis, peut-être qu'elle n'était pas non plus très bavarde, dans ce cas la je ne serais pas obligé de rester là.


J'espérais seulement ne pas être tomber sur quelqu'un surexcité ou quoi que ce soit dans le genre…

Elle s'était retournée, quittant la flaque d'eau de ses yeux. Ces derniers étaient violets clair, entourés par d'étranges marques sur son visage brun tigré. Il n'y avait pas de doute qu'il s'agissait de modifications physiques, ce qui sous-entendait qu'elle possédait un pouvoir. Élémentaire ? Psychique ? Télépathie ? Hallucinations ? Doublement de la vitesse ? La liste est longue. Il y avait des centaines, des milliers ou même une infinité de possibilités. Et puis, deviner un pouvoir n'était pas le mien.

A ce moment là, je ne savais pas quoi dire de plus. Je n'engageais pas souvent les conversations avec les autres. Peut être que le fait que je n'ai pas l'habitude de parler à des autres félins est la principale raison au fait que je les évite.
J'étais confronté à une situation si simple qu'est la discussion, pourtant, j'étais aussi paumé dans ma tête qu'un chaton dans un laboratoire. Mon esprit était bien souvent orienté vers des sujets impliquant les guildes, le Soldats, la guerre… Je préférais connaître les dernières nouvelles sur la frontière partagée par la Forêt Empoisonnée et la Ville plutôt que de taper la discut' sur la pluie et le beau temps. Mes rêves s'orientaient sur la haine envers les Soldats et les rivières de sang des combats. Je ne portais pas d'intérêt pour beaucoup de choses, aveuglé par la vision de la survie de la guilde contre l'ennemi, me sentant né pour donner ma vie à un clan et me battre avec la plus grande loyauté sans même chercher de popularité ou de reconnaissance.
Mais évidemment, on ne vient pas voir un inconnu pour lui parler de guerre, non ?
Enfin, comme on est de la même guilde, autant connaître ses alliés.


Je lacérai la terre, incommodé, attendant qu'elle parle. Étrangement, la curiosité de savoir son nom et son rang ne me piqua pas en réalité, en revanche je me demandais ce qu'il pouvait bien y avoir de si intriguant pour la fixer.