Chapitre 1 :
Chasseuse de dragons :
J’ai une folle envie de le tuer. Ce salopard qui m’a enlevé il y a maintenant trois ans. Je siffle de rage. Encore une stupide mission. Yanov m’a peut être enlevé, mais il m’a apprit à survivre et aussi; il m’a donné un foyer. Malheureusement, je lui dois tout. Même jusqu’à la vie. Il peut aussi posséder tous les défauts du monde, il y a bien une chose que je lui reprocherais jamais. C’est qu’il est dévoué à son maître comme ce n’est pas permis. Je ne peux le contester. Ce maître, n’est autre que le roi des hommes. Je lui dois respect et obéissance. Même s’il traître son peuple comme un chien. D’ailleurs, le peuple ne le suit que parce qu’il est le plus puissant magicien du pays. Je dois m’espérer heureuse de n’avoir eu à croiser son chemin qu’une seule fois. C’était il y a trois ans. Et je m’en souviens très clairement.
Je venais d’ouvrir tout grands mes yeux. Je ne voyais rien, mais je sentais que j’étais allongée sur une chose plate, froide et dure. J’ai voulu bouger, mais de puissants liens me retenaient. J’ai entendu une voix me dire de me calmer. Elle me semblait mauvaise. Peu à peu, la lumière s’est faîtes. Et j’ai découvert, t’en bien que mal la pièce où j’étais. Ou plutôt, la grotte où j’étais. Un homme était penché au-dessus de moi. J’étais entravée aux mains, pieds et au niveau du ventre. Il faisait plutôt sombre, mais une faible lumière éclairait tout mon côté gauche. La voix provenait du fond de la grotte. Je ne distinguais pas la personne qui avait prononcé ces mots. Elle s’était tapie dans l’ombre. J’ai pathétiquement obéi et je me suis calmée. L’homme au-dessus de moi m’a dit :
-Tu n’as pas intérêt à bouger. Parkiel.
J’ai reconnu les yeux et la voix de cet humain. C’était celui qui m’avait enlevé.
-Toi…, avais-je sifflé entre mes dents et en essayant de forcer sur mes liens.
-Doucement tous les deux.
L’homme caché dans l’ombre en sort doucement :
-Yanov, excuses-toi auprès de notre invité.
-Oui maître, lui avait-il répondu en inclinant la tête, excuse-moi, il détourne ses yeux de moi, Parkiel, avait-il finit en crachant mon prénom.
On aurait dit que c’était une torture de s’excuser. J’ai sifflé comme un serpent enrager, et j’ai répondu, hargneuse :
-C’est une bien étrange façon d’accueillir des invités.
J’avais les yeux fixés sur Yanov, si bien, que j’entendais juste les pas de l’homme se rapprocher.
-Et toi, tu as une bien étrange façon d’entrer dans ma vie, répond l’homme avec sarcasme.
A ces mots, j’ai détourné mes yeux de Yanov pour les fixer dans ceux de l’inconnu. J’ai hurlé de stupeur. Ses yeux rouges sang tranchaient parfaitement avec sa peau, ses cheveux et ses canines aiguisées, d’un blanc aussi pur que la neige. Cette neige est tellement blanche, que la couleur en est devenue malsaine. Sur son visage s’étirait un sourire. Un sourire dangereux, voir mortel. Ses canines, anormalement longues, dépassaient de sa bouche. C’était un homme à très forte stature. Qui nous dominait de toute sa hauteur, Yanov et moi. Il portait une longue et ample tunique rouge, comme ses yeux. Avec, rabattue sur ses épaules, une large capuche. Cet homme n’inspirait que la terreur, l’horreur et le dégout.
Son sourire s’était élargi, après m’avoir entendu crier. Il s’était encore plus rapproché. Une fois à la table de pierre où j’étais allongée, il a fait signe à Yanov de partir, en lui disant :
-Si je l’en juge capable. Tu sais ce qu’il te restera à faire.
Yanov avait baissé la tête en signe de soumission et était partit sans piper mots. J’étais tellement absorbé par les pupilles verticales de cet homme, que j’ai juste entendu les pas de Yanov résonner dans la caverne. Jusqu’à ce qu’ils disparaissent.
-Nous sommes enfin seuls, ma chère, avait dit l’homme vêtu de rouge.
J’ai essayé en vain de tirer sur mes liens. Mais aucun d’eux n’a bougé. A ce moment-là, j’avais peur. Peur comme ce n’était pas permis. La voix qui me soufflait d’être forte n’était pas là. Pas là, pour m’aider à surmonter ma douleur et ma terreur. Voyant que je souffrais de sa simple présence. Cet homme, resta, comme pour me torturer. Quelques minutes plus tard, il brisa enfin le silence. Toujours avec son sourire ténébreux :
-J’ai à te parler. Mais pour cela, je suis obligé de te détacher. Alors ne fuit point. Cela ne sert à rien.
J’ai voulu faire le contraire à cet instant précis. Fuir aussi loin que mes jambes auraient pu me porter. Alors, lorsqu’il m’eu détaché, je me suis précipitée vers la lumière. Il m’a laissé faire, et je trouve cela bizarre maintenant que j’y repense aujourd’hui. Mais je ne l’ai compris qu’en arrivant au bord de la falaise. J’étais tellement occupée à m’échapper que je ne n’avais pas remarqué, qu’il rigolait. La lumière m’a tellement éblouie sur le coup que je ne voyais rien d’autre à part celle-ci. J’ai brutalement sentie mon pied droit courir dans le vide et le gauche déraper sur la roche. Mon cœur a manqué un battement. Pourquoi est-ce que je ne sentais pas le sol sous mes pieds ? J’ai baissé mes yeux et j’ai à peine aperçu le précipice, à cause de la lumière. J’ai bien cru que j’allais y passer. Mais en une fraction de seconde, une main miraculeuse m’a rattrapé et m’a projeté sur le dur sol de la caverne. Ma tête et mon dos l’ont cogné très violement. Mais j’ai résisté, pour ne pas perdre connaissance. Mes yeux, toujours aveuglent, ne m’ont pas aidé à y comprendre grand choses. Mes sens été encore très engourdi. Mais j’avais quand même sentie quelqu’un s’assoir à califourchon sur moi, et me ramener les bras derrière ma tête. Sa poigne de fer était impressionnante.
-Idiote, je t’avais dit de ne pas t’en aller. C’est un précipice de l’autre côté de la caverne, avait dit quelqu’un de sa mauvaise voix.
Je n’étais pas dupe, je savais que c’était cet homme qui m’avait rattrapé. Celui que je voulais fuir…
J’ai passé de longues minutes à récupérer mes cinq sens. Surtout la vue. Quand tous sont revenus, la douleur s’était amplifiée aussi. A la tête, le long de mon dos, aux mains et aux jambes. Et puis aussi, le poids de l’homme sur mon ventre m’avait à moitié coupé le souffle. Lorsque j’ai voulu me débattre pour m’en allait, il a resserré sa prise sur moi. Je ne voulais plus croiser son regard. Pourtant, de sa main libre, il a pris mon menton entre ses doigts armés de griffes et m’a forcé à le regarder droit dans les yeux.
-Tu ne peux pas t’échapper Parkiel, ni même espérer t’en tirer sans m’obéir. Alors écoute bien ce que j’ai à te dire et répond à toutes mes questions.
J’ai arrêté de me débattre mais mon corps tremblé comme une feuille. Hypnotisé par son regard diabolique, j’ai écouté :
-Te souviens-tu de ton passé ?
-Non, répondis-je incertaine.
Il a souri de contentement et a reprit :
-Je suis le roi des hommes. Mon nom est Aribel. Tache de t’en souvenir, l’étrangère. Je suis l’homme le plus puissant de ce monde et tous me suivent pour cela. Car je protège les humains des dragons ainsi que des races qui les accompagnent. Malheureusement, je ne peux pas arriver à bout de toutes ses créatures et pour cela. Il me faut des magiciens humains pour exterminer les dragons et des soldats pour les vermines qui les accompagnent. Ses magiciens sont très rares, ainsi que précieux. Car la chasse aux dragons est dangereuse. C’est pour cela que je paye avec largesse ceux qui me suivent. Mais parfois, je ne laisse pas le choix aux magiciens qui ne veulent pas tuer de dragons. Aimes-tu les dragons Parkiel ?
-Je n’en sais rien…
-Saha n’a pas été tuée par des humains, mais par des dragons, reprend-t-il implacable.
Pourquoi parle-t-il de ma petite sauveuse ? En y repensant, il est vrai que je vois un dragon l’emportait haut dans le ciel avant de la tuer. Pourtant, quelque chose cloche dans mes souvenirs. Mais je ne sais quoi.
-Aimes-tu ce que les dragons ont fait à ceux qu’ils sont censés protéger ? me demanda-t-il, le regard toujours fixé sur le mien.
J’avais mal, je transpirais par chaque port de peau libre et mon souffle était saccadé. J’ai quand même répondu, essoufflée :
-Non. Je hais ce qu’ils ont fait à Saha…
Son sourire s’était élargi et ses yeux avaient commencés à briller d’une lueur de plus en plus malsaine, dangereuse et mortelle.
Il m’avait ensuite lâché le menton et avait sorti une cordelette au bout de laquelle pendait l’écaille de dragon que je portais avant autour du cou. J’ai écarquillé tout grand mes yeux et j’ai voulu l’attraper. Mais mes poignés étaient encore retenues par son autre main.
-Tss, je te rendrais cette écaille seulement si tu me réponds. As-tu tué le dragon qui la possédé ?
Je me suis calmée et j’ai répondu :
-Oui.
Je mentais peut-être, mais c’est le seul fragment que j’avais de mon passé. Je me devais de le reprendre coûte que coûte. Aribel la faisait doucement osciller. Son sourire sadique toujours aux lèvres. La peur me tenaillait encore le ventre. Mais je voulais récupérer cette écaille. De sa voix terrifiante, il me posa son ultime question :
-Tueras-tu tous les dragons qui se dresseront sur ton chemin ? Pour venger Saha et notre peuple tombait au combat ?
-Oui…
La réponse n’avait été plus que l’écho d’un murmure. Ses yeux s’étaient ensuite encore plus dilatés. Ses pupilles réduites à deux fentes. Puis, il a arrêté de balancer l’écaille, me la ensuite jeter au visage et c’est mit à éclater d’un grand rire sournois. La douleur s’étant faîte trop ardente, j’ai cédé à l’inconscience.
Voilà comment j’ai rencontré le roi des hommes, Aribel. Le diable incarné. A part ses plus proches conseillé, aucun ne connait la nature de son pouvoir, apparemment d’essence diabolique.
Quand je me suis réveillée, une semaine plus tard. J’avais atterrie dans une auberge. Toutes mes blessures avaient été pensées. J’ai été soulagée de trouver mon écaille de dragon autour du cou. Yanov est ensuite venu. Il m’a emmené au cœur des hautes montagnes du nord pendant plusieurs longs mois. Pour m’appendre les rudimentaires de la chasse aux dragons. Vers la fin de mon entraînement, je lui ai demandé de m’enseigner la magie. Il m’a répondu qu’elles sont toutes différentes. Et qu’il fallait que j’apprenne à utiliser la mienne par moi-même. Il avait été catégorique là-dessus. Je n’ai donc plus redemandé. Ce géant aux yeux bleu était froid, dur à cuire, intransigeant et sarcastique. Il traite les faibles avec autorité et les rabaissent continuellement. Je hais ce type, qui dit protéger un peuple qu’il insulte non moins comme une merde. Pourtant, au risque de me répéter, je lui dois tout. Il m’a sauvé la vie à plusieurs reprises durant mon entraînement. Plusieurs fois, j’ai failli rester entre les crocs ou griffes d’un dragon. Pendant longtemps, j’ai fait des blocages quand il faillait porter les coups. Quelque chose me disait que c’était anormal. Pourtant, au bout d’un certain temps, j’ai commencé à les porter. Et ces coups sont devenus mortels. En plus de cela, Yanov me battait si je ne les portais pas. Pendant tous ses mois passés avec lui, je n’ai pas vraiment beaucoup réfléchie d’où je venais, ou qui j’étais réellement. Je me posais juste une seule question :
« Devrais-je continuer à tuer alors que je sais que quelque chose est anormal ? ».
Oui, car pour tout vous dire. Cette voix suave, qui me murmurait d’être forte, me hurler de ne pas tuer de dragon. Mais quand je me suis réellement mise au travail, elle n’est devenue qu’un écho, jusqu’à se taire. Et je me suis sentie libre. Elle ne m’a plus jamais adressée la parole.
Quand Yanov m’a jugé apte à me débrouiller seule, il m’a laissé un mois, un seul et unique pour que je découvre ma magie et la maîtrise par moi-même. Alors, quand je l’ai vu partir, tout le stress et mon unique question se sont envolés avec lui. Puis, j’ai fondu en larmes, en m’écroulant sur la dure roche. Un millier de questions m’avaient assaillie. Qui j’étais ? D’où je venais ? Pourquoi ai-je une écaille de dragon ? Et pourquoi ai-je ses sens aussi aiguisés et des pupilles verticales ? Je voulais savoir où était passée ma mémoire. Puis la rage a surgit en moi. J’étais perdue, j’étais qu’une simple ignorante à qui on avait ordonné de tuer un ennemi qui n’était peut-être même pas le sien. C’est dans cette rage noire que j’ai découvert ma magie. Je contrôle le vent. Il m’obéit sans conteste. J’ai aussi découvert que les flammes des dragons ne peuvent me brûler. J’ai continué à hurler ma rage pommé au milieu de nulle part, jusqu’à ce que je m’aperçoive dans le reflet d’un lac. J’avais de longs cheveux blancs, avec de légères mèches bleutés qui m’encadrait un visage effrayé. Mes yeux orangés aux reflets de braises et aux pupilles de reptiles semblaient éteint, impuissant, triste ainsi que d’autres choses que je ne peux décrire. Je semblais être une jeune adolescente très, très tourmentée.
Quand je me suis vue comme cela, j’ai hurlé et pleuré une dernière fois. Et en séchant mes larmes, j’ai crié un avertissement dans la montagne :
« Un passé est derrière moi, mais je l’ai oublié ! Alors maintenant, je recommence une vie et peu importante ce qu’il y avait autrefois, c’est terminé ! Désormais, je me nomme Parkiel, j’ai treize ans et je maîtrise le vent. Souvenez-vous de moi, dragons ! Je serais votre apocalypse car je suis une chasseuse de dragons ! »
Cela fait désormais trois ans que j’ai hurlé toute cette rage.
La seule chose qui me donne envie de tuer un dragon, c’est parce qu’ils ont tués Saha et beaucoup des nôtres. Mais au fils des années, j’ai perdu la raison de pourquoi je faisais ce métier qui m’avait était imposé. Jusqu’à… jusqu’à devenir un monstre assoiffé de sang et de vengeance. Voilà ce que je suis aujourd’hui.
Un vent ardent souffle sur mon visage. Mes yeux scrutent l’horizon. Ils sont emplis d’une rage incontrôlable. Comment Yanov peut-il oser me demander une telle chose ? C’est une aberration ! Je siffle de rage. Avec la requête qu’il m’impose, j’ai encore plus envie de le tuer. Je veux bien mettre à mort tous les dragons du monde s’il le veut, mais un village entier pour en débusquer tout un clan ? Sûrement pas ! Mais ce n’est comme si j’avais vraiment le choix. Je relis le morceau de papier une dernière fois puis je le jette derrière moi. Voilà ce que j’en fais de ses ordres moi ! Il va en entendre parler, cela je vous le promets ! Mais pour l’instant, c’est une autre mission que j’ai à accomplir.
Je m’avance sur le roc rouge jusqu’au bord de la falaise. J’inspire puis hurle un ordre menaçant en draconien vers le précipice. Le draconien est la langue que parlent les dragons à la naissance. Elle est incompréhensible pour tous, sauf moi. Dès que j’ai commencé mon entraînement, je l’ai comprise et j’ai su la parler. Bref, ce n’est pas là où je veux en venir. Cet ordre est destiné à un dragon des montagnes. Aucuns magiciens de ceux envoyés sur ordre du roi n’ont réussi à le débusquer. Apparemment, ce dragon vit dans les montagnes, est très dangereux, fait beaucoup de dégâts et sait se rendre invisible. Ma mission, pour le moment, est de le trouver, puis de le tuer. Actuellement, je suis en plein cœur des pics rocheux, suspendus à quelques centimètres au-dessus d’un précipice d’ont ne voit même pas le fond. Et je hurle une menace dans une langue incompréhensible à un dragon invisible. La totale. Je soupire, et sans hésiter une seconde, je saute dans le vide.
Vous pourriez me pendre pour une tarée, et vous auriez raison. La vitesse augmente, et très vite, je perds la notion d’où j’en suis dans ma longue chute. Le vent me déchire les tympans et me propulse droit vers les parois. Parfait, c’est ce que je voulais. D’instinct, je lève mes bras pour les mettre à angle droit. Cela me stabilise, et en même temps, j’ordonne au vent de se taire et de m’aider. Et comme par magie, il devint une douce brise et arrêta de me hurler dans les tympans. J’eu alors l’impression d’être en apesanteur. Cela me permit de ralentir considérablement ma chute, ainsi que d’être plus à l’écoute de ce qu’il m’entoure. Mes fins sens ne détecte rien d’anormal, à part une sensation de chaleur tout au fond du gouffre. C’est sûrement là que se tapie ma mission. Que c’est lâche de la part de ce dragon de ne même pas accueillir les invités !
Je mets à sourire d’une façon dangereuse. En même temps, je m’arrondie et faits des pirouettes dans le vide. Sans prévenir, et en une fraction de seconde, je croise les bras sur mes bottes pour en dégainer mes deux poignards. Dès que j’ai les manches en main, je me déplie totalement et utilise ma magie pour me rapprocher de la paroi du gouffre. Avec un hurlement strident, j’y plante mes deux armes qui s’enfoncent dans le roc rouge avec un bruit désagréable. Mon corps cogne en même temps contre le roc. Mes poignards crissent le long de la roche et m’assourdissent à nouveau. Je serre les dents pour oublier cet horrible bruit ainsi que la douleur qui parcoure mon corps. Puis, quelques mètres plus bas, le bruit, ma douleur, ainsi que ma chute s’arrêtent en même temps. Je soupire de soulagement et regarde autour de moi en m’agrippant de toutes mes forces à mes armes.
J’ai de l’ombre sur le visage, c’est anormal. L’autre falaise brune face de moi est assez éloignée. Mais je remarque qu’elle n’est plus aussi lointaine que tout à l’heure. D’où l’ombre. Cela veut sûrement dire que le précipice se termine en boyau. Je vois aussi que ma chute a été assez rapide. Car une bonne vingtaine de mètres me sépare du rebord où j’ai sauté. Je soupire encore une fois, j’ai horreur des culs de sac. Le soleil pointe seulement ses premiers rayons. Cela donne à la roche une teinte de sang. Sang, que je n’ai encore point versé.
Je resserre encore plus ma prise sur mes armes et mes pieds prennent appui sur la roche irrégulière. Pendant ce temps, je baisse les yeux et mes pupilles verticales s’arrondissent pour essayer de voir quelque chose, dans la pénombre grandissante. Je grogne de contentement quand j’aperçois une petite étincelle briller au fond du gouffre. Je recommence à crier une provocation en draconien :
-Alors dragon ! Qu’attends-tu pour accueillir ta mort ? Mes lames demandent du sang ! Elles n’en n’ont jamais assez !
Soudain, un puissant hurlement monte du gouffre et se répercute dans les montagnes. Je rigole alors comme une malade mentale. Je t’ai trouvé; dragon. Et tu t’es fait avoir, comme un débutant. Je tire de toutes mes forces sur mes poignards qui quittent la roche avec un bruit de bataille. Et je me remets à dégringoler, armes en mains. Cette fois-ci, par contre, je ne demande pas au vent de se taire. Malheureusement, au dernier moment, j’aperçois un mouvement d’une sorte de fluide translucide. Il remonte à grande vitesse du fond du gouffre. Sans réfléchir, car je sens un danger, j’ordonne au vent de me propulser contre la falaise. Je m’y écrase durement et à moitié assommée, je m’agrippe à un minuscule promontoire sur lequel j’ai atterrie. J’entends un claquement de mâchoire à quelques centimètres de moi. J’aperçois des yeux violacés. Ils sont menaçants et terrifiants. Ils me défient du regard. Puis, avec un bruit de gorge. Le fluide redescend lentement. Je reprends mon souffle. J’ai eu une petite frayeur, il est vrai. Mais ce sont ces frayeurs qui font vivre mon métier. Cela, et le sang. Le sang des ennemis coulant à flot sur les champs de batailles. Même si dans l’histoire de cette guerre ainsi que de ce monde. Les énormes champs de batailles, où les vautours voltigent après, ont été bien peu nombreux.
En attendant, je reprends très vite mon aplomb. Le dragon s’est montré. C’est exactement ce que je voulais. Je sais qu’il va très vite revenir à la charge. Mais cette fois, il ne me ratera pas. Je n’aime pas être dans cette position inconfortable de savoir quand partir. Alors, je rassemble ma magie pour la libérer au bon moment et me permettre de m’envoler. J’aperçois de nouveau l’étincelle au dernier moment. Mes pupilles s’étrécirent et j’invoque des ailes tout en me poussant sur la roche. Je m’envole et prends de la vitesse, aidée par le vent. Rapidement, je remonte le gouffre et dépasse largement le rebord. Je sourie tout en continuant de m’envoler haut dans le ciel. Puis, je fais demi-tour et mes grandes ailes de dragons battent régulièrement pour me maintenir stable dans le ciel. Elles ressemblent à des ailes de chauve-souris et sont d’un rouge braise. Elles partent d’entre mes omoplates. Je les invoque à ma guise, mais j’use alors beaucoup d’énergie. J’ai beau détester les dragons et avoir besoin de recourir à cette partie de ma magie. Je dois quand même avouer, que ces ailes ont quelques choses de magnifique, grandiose et royal. Mais ce n’est pas la préoccupation de parler de ma magie.
Je regarde fixement le gouffre sourire aux lèvres. J’attends qu’il sorte. Un grognement sauvage remonte du précipice et en fait trembler le roc. Puis une voix en draconien, grave et aux intonations roulantes, parle :
-Beaucoup des tiens sont venus, mais je n’ai pas cédé à des menaces.
-Tu comprends ma langue alors ? demandais-je en ricanant.
-Oui, gamine. Mais je ne m’abaisse pas à la parler. D’ailleurs, je suis surpris que tu parles la mienne.
J’arrête de rire net. La colère ressurgie, alors je serre et desserre les poings autour de mes manches de poignards pour essayer de me calmer.
-Tu ne sais rien dragon. Ne m’abaisse plus jamais à m’appeler gamine ou je viendrais te trouver sur le champ !
-Il est vrai que je n’ai point envi d’être tué par une enfant. Tu as du cran quand même. D’osais me défier sans peur des représailles et de sauter sans réfléchir dans ma tanière. C’est quand même outrant d’apprendre qu’une humaine comme toi puisse invoquer des ailes de dragons ou, parler ainsi que comprendre notre langue.
-Suffit dragon. Tes mots me mettent hors de moi et je risque de te tuer sans demander ton prénom !
Une sorte de rire, profond et guttural, remonte en masse de la grotte. Je grogne de fureur. Il se paye ma tête en plus ! Le rire se stop quelques minutes plus tard et le dragon reprend en pouffant légèrement:
-Cela faisait tellement longtemps que des magiciens ne m’avait plus défié, que j’en ai oublié vos stupides cérémonies !
-Elles sont importantes pour nous ! Et puis à ce que je sais, vous aussi vous en avez de stupide ! Adorée une reine devenue déesse alors qu’elle est morte ? Il parait aussi, qu’elle n’aurait même jamais existé, répondis-je avec une pointe de sarcasme.
-N’insulte jamais Zing ! Reine de tous ! En son honneur nous faisons des cérémonies, il est vrai. Mais dis-moi humaine, à quoi cela sert de demander le nom de quelqu’un que tu vas tuer juste après ? Et puis comment connais-tu Zing ? Seuls les dragons connaissent son existence.
Avec un sifflement, je réponds :
-Cela reste à moi, je pointe ensuite l’une de mes lames vers lui. Finit de jouer, dragon. Donnes-moi ton nom ou je ne pourrais pas le crier quand je tuerais le dernier de ta race.
-Essaye un peu de m’enlever la vie petite garce !
-Tu l’auras voulu. Tu vas voir le soleil pour la dernière fois de ta vie.
-J’aimerai bien t’y voir !
Il se mit à rire alors que je commençais à me concentrer. Soudain, je mis mes bras comme pour protéger mon visage, mes armes pointées vers l’extérieur. Je murmure quelques phrases intelligibles et je commence à remonter doucement mais sûrement mes bras vers le ciel. Les rires du dragon commencent alors à devenir des interrogations, puis des hurlements de peurs et des injures vis-à-vis de mon être. Le gouffre commence à s’ébranler. Je ne perds point ma concentration et continue de remonter le dragon le long du précipice grâce à ma magie du vent. Petites explications. J’ai créé un immense ouragan entre le sol et le dragon, quand ce dernier était au fond du gouffre. J’ordonne donc à cet ouragan de remonter le dragon des montagnes à la surface. Et il en faut de la puissance pour réussir cet exploit.
Assez rapidement, j’aperçois enfin le museau du dragon. Il ne s’est pas rendu invisible comme quand il m’a attaqué. Le dragon plante ses serres dans la roche en hurlant. Il se débat contre ma magie avec une fureur sans nom. Mais la mienne est encore plus grande. C’est peine perdue pour lui de se débattre. Lorsque la tête avec la base de son cou passe le rebord, il me fixe droit dans les yeux.
-Tu l’auras voulue ! me dit-il, je me nomme Excliabé ! Dragon des montagnes du sud ! Ton nom humaine ! Que je te rajoute à mon tableau de chasse comme tes camarades venus avant toi !
Je sourie tout simplement, et lui répond avec une innocence perdue en baissant mes bras :
-Parkiel est mon nom. Désormais meurs, Excliabé.
-Quel nom ridicule ! Je vais te montrer ce que cela fait d’être roi du ciel ! Toi qui invoque de ridicules ailes !
Il sort ses pattes avant du gouffre pour prendre appui sur le rebord. Il se hisse en faisant trembler la montagne. Quand son corps entier est passé, il déploie ses ailes et se propulse dans les airs en battant l’air de celles-ci. J’arrête donc d’utiliser l’ouragan pour le remonter.
Il est immense, ses écailles sont marron brun comme la roche de la montagne. Les pics le long de sa colonne vertébrale ainsi que ses longues griffes sont de la même couleur. Sa collerette au-dessus de sa tête est relevée et est intimidante. Ses babines sont retroussées. Elles lui découvrent des dents blanches très aiguisées. Il a des yeux violets qui le trahissent, ils sont dans une colère noire. Excliabé a tout d’un tueur. Malheureusement pour lui, mon apparence est bien trompeuse. Car je suis bien plus dangereuse que lui en réalité.
Sa tête est désormais à ma hauteur. Je ne mesure même pas la moitié de la corne qui se trouve sur le haut de son museau. Mes ailes dans mon dos battent frénétiquement. Je sais qu’il va attaquer, et j’attends le moment propice pour les représailles. Dès qu’il propulse sa mâchoire grande ouverte vers moi, je monte plus haut dans le ciel en l’esquivant. Mais Exlcliabé fait l’erreur de me regarder dès qu’il claque ses dents dans le vide. Je lui lance mes poignards les yeux. Ils y atterrissent avec une habilité surprenante. Avec un hurlement de douleur, qui me déchire mes tympans sensibles au passage, sa gorge rougeoie et il crache son feu. Désormais aveugle, il ne vise pas du tout. Il embrase le ciel et moi avec. Je rigole de nouveau comme une malade mentale en éteignant le feu qui ronge mes vêtements. Je crie quand même à travers tout le bruit qu’il fait :
-Pourquoi t’obtiennes-tu ? Je ne crains pas votre feu ! De plus, mes lames contiennent une importante dose de magie ! Dès qu’elles sortiront de tes yeux, elles libéreront une magie de vent si puissante que tu n’y comprendras rien !
Le feu s’éteint, et je remarque qu’il a disparu. Il est repassé en mode furtif. Je me doutais un peu qu’il ferait cela quand je l’aurais rendu aveugle. Je ferme donc mes yeux, et me concentre sur mes autres sens que la vue. Quelques minutes plus tard, je bouge enfin et évite d’être croqué à temps par Excliabé.
-J’ai plus envie de jouer Excliabé. Maintenant, j’arrête de rire et je deviens on ne plus sérieuse, lui dis-je en sautant sur son museau.
Il est toujours invisible. Cela me fait donc drôle. J’ai l’impression de courir dans le ciel sur un fluide transparent. J’aperçois enfin mes poignards et ses yeux. C’est cela que j’étais venue chercher, mes armes. Et puis quand je les aurai récupérés, je le regarderai tranquillement mourir en nettoyant mes lames. Je crie pour me donner du courage. Car courir dans les airs avec d’immenses et gênantes ailes, ainsi que le fait d’avoir un dragon qui n’arrête pas de bouger en criant est très désagréable. Arrivée près de son premier œil, j’arrache mon poignard avec beaucoup d’effort et passe au suivant. Cela lui arrache des hurlements de douleurs. Dès que mes lames ont quittées ses yeux, il s’arrête de suite de respirer, et ses yeux remplis de sang s’éteignent. Il redevient ensuite visible. Je me remets à battre des ailes pour ne pas tomber avec lui. Le dragon désormais rigide dégringole alors dans le ciel. Pour s’écraser lourdement au fond de son gouffre qu’il aimait tant. Il fit trembler les montagnes de sa masse pour la dernière fois. Ceci est la fin d’Excliabé, dragon des montagnes.
Je sourie doucement. J’ai accompli ma mission et c’est tant mieux. Je redescends au sol, près du précipice. Dès que je touche le roc, je fais disparaître mes ailes. Gracieusement, elles s’embrasent et tombent en cendres quelques secondes plus tard. Je m’assoie sur un des rochers qui se trouve près de la montagne. Le soleil est toujours à peine levé. Il m’inonde d’une lumière dont je me trouve indigne. C’est vrai quoi, je tue, et en plus cela m’amuse. C’est allé plus vite que ce que je pensais. J’aurais aimé m’amuser plus avec ce dragon, mais il m’a très vite ennuyé. Il était beau parleur mais très mauvais combattant. Dommage pour lui. Je regarde un instant le soleil en réfléchissant, puis je regarde mes poignards. Quand je me suis réveillée sur la plage, je les avais déjà. Cela, et l’écaille de dragon que je porte autour du cou. Leurs lames font la taille de mon avant-bras, et elles ne se sont jamais émoussées. Elles sont faîtes d’un magnifique métal blanc, d’origine inconnue, qui brille d’une douce lumière rosée avec l’aube. Elles sont tâchées du sang marron de ce dragon, qui dégouline par terre et forme une flaque. Les manches des poignards sont magnifiquement sculptés. Chaque manche représente un dragon bleu pâle et un autre rouge feu s’entrelaçant. Et à l’une des têtes de dragons, sur chaque poignard, se trouve une boucle de métal à laquelle est accroché un tissu blanc avec le blason noir du roi. Qui lui aussi est tâché de sang. Les boucles existaient déjà quand j’ai pris mes poignards dans les mains la première fois. Mais le blason du roi, non. C’est Yanov qui a à tout prix voulu que j’y accroche les signes de « mon roi, de ma patrie ». Et puis, le tissu me permet d’essuyé le sang sur mes lames et de prouver que la mission est accomplie. En parlant de Yanov, je compte bien lui rendre une petite visite à la capitale. Et je vais lui demander des explications vis-à-vis de ma prochaine mission.
Voilà, ce que je suis devenue. Une tueuse sanguinaire qui attend qu’on lui décerne sa prochaine proie. Pourtant, si j’avais pu prévoir la suite des évènements, j’aurai préféré qu’Excliabé me tue aujourd’hui. Et que je croupisse pour l’éternité au fond de son gouffre à sa place.
A suivre…